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Le goût amer de la Vérité.

posté le 11-04-2014 à 06:26:05

Le boulet algérien. Première partie.

 

 

 

 

 

 

 

Le goût amer de la Vérité...

   Parcours atypique d'un Algérien d'Expression Française 

 

 

La France, comme Capri…

c’est fini…

 

 

Harroua el djazaïr

 

 «  Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part…C’est peu à  peu que nous composons en nous le lieu de notre origine,

        pour y naître après coup etchaque jour

                                   plus définitivement. »                                      

 

Lettres Milanaises.1956. R.M. Rjanvier 1957 

 

 

   

  Peu de conflits ont laissé derrière eux autant d’amertume, de déceptions et de regrets. Une succession d’erreurs et de maladresses imposées par une politique improvisée que l’on continue de faire croire judicieuse. Dans ce  drame national de grande ampleur, la France perdra sa grandeur, les pieds noirs leur pays, les gaullistes leur honneur, les harkis leur vie et les Algériens, pendant au moins un siècle, toute espérance de démocratie.

 

 

J’ai pu lire d’un bout à l’autre le numéro spécial du Moudjahid.

J’ai été navré d’y retrouver, pompeusement idiot, le style d’un certain hebdomadaire régional.

Il y a dans ces trente pages beaucoup de foi et de désintéressement mais aussi beaucoup de démagogie, de prétention, de naïveté et d’inquiétude.

Si c’est là la crème du FLN, je ne me fais pas d’illusions, ils tireront les marrons du feu pour quelques gros bourgeois, quelques gros politiciens tapis mystérieusement dans leur courageux mutisme et qui attendent l’heure de la curée.

Pauvres montagnards, pauvres étudiants, pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier.

 

Mouloud Feraoun. Journal 1955 – 1962.

 

 

 

 


 

 

 

   Bismilla...

 

Ce travail je l’ai commencé il y a fort longtemps…

Il s’agit d’une succession d’articles, qu’en bon pied noir je destinais régulièrement  à la presse   régionale et  associative avec la désagréable  habitude d’en recevoir peu d’échos.  

Après cet incroyable retour au pays, quarante quatre ans après, j’ai voulu rassembler autour du récit de mon  voyage à Alger, tous ces écrits qui reflètent   les  sentiments amers  que nous traînons et que nous traînerons, hélas, encore de nombreuses années.

 

Ecrit dans un français approximatif, j’ai voulu utiliser par moment   le langage parlé  de ma rue, de mon quartier, celui de Bab el Oued, mot magique qui désigne un faubourg populaire jadis communiste  qui  illustre à lui seul   la merveilleuse saga du petit peuple  qu’on appelait les petits blancs ou encore les Algériens, avant de les cataloguer de «  Pieds Noirs ».

 

Certains de mes « bons » amis pourront toujours dire qu’avant d’écrire un livre y vaut mieux aller s’apprendre le français.

Y z’ont pas entièrement tord paceque mes seuls diplômes y sont le Certificat d’Etudes passé en 1960 à Alger, le brevet sportif et le brevet parachutiste.

 

Comme je suis passé direct de  sixième en quatrième en allant un jour sur trois à l’école à Bab el Oued pour causes que vous savez, et que arrivé en France, si j’avais du redoubler je s’rais arrivé en première à 23 ans,  mon père, il a préféré me mettre dans une école privée. Une voie de garage, un parking payant en queques sortes, où j’ai été forcé, tant bien que mal d’ assister aux cours jusqu’à la l’âge de presque 20 ans.« Il en restera toujours quelque chose ! » disait il et il avait bien raison.

 

Cette école, c était un grand Bazar mixte et on râlait quand arrivait le vendredi soir à l’idée de se séparer de nos copains, mais surtout de nos copines…

Ca aurait pu être le bon temps si le sort y m’avait fait naître ailleurs  qu’à Bab el Oued.

 

Traînant l’Algérie comme un boulet, j’ai du faire avec et vivre pendant  44 ans d’exil,  avec mes doutes,  mes incertitudes et mes  regrets…apportant régulièrement avec la plus grande  honnêteté  possible des corrections constantes sur une histoire  atroce dont on ne connaît pas encore toutes les dérives.       C’est dans la complicité et l’amitié sincère de mes amis algériens, que m’apparaît enfin aujourd’hui le bout du tunnel. Chemin que mes frères Pieds Noirs n’ont pas su me montrer, peut être parce que trop meurtris. 

 

Si  aujourd’hui l’avenir  m’apparaît  légèrement  plus serein, je le dois à ce fantastique  pèlerinage effectué en mai 2006  qui a  contribué à faire de moi un véritable algérien, effaçant définitivement  mes dernières et maigres accointances avec cette France marâtre qu’il me sera difficile, voir impossible de pardonner.

 

Aujourd’hui,  plus que jamais mon cœur est Algérien, et c’est  avec une grande émotion, partagée par un grand nombre des miens, que j’aime me définir comme tel. «Algérien  d’expression française ». Particularité, distinction  de plus en plus reconnue par ceux qui nous appellent leurs frères de terre, les Algériens.

 

Ce terme magique   qui englobe en trois mots toute notre différence et notre originalité correspond mieux à ce que nous sommes et nous  autorise  désormais à  aborder différemment l’histoire du pays retrouvé, sans pour autant renier  un passé dont  nous devons être fiers.

Libre de pouvoir à tous moments retourner au bled et d’y être prodigieu-

        -sement acceuillis, une nouvelle et  dernière histoire d’amour est  peut

        être entrain de naître ou de renaître…peut être est ce toujours la même !

 

  ZYV

 

        « On ne fait pas l’histoire en emboitant le pas aux autres dans tous les                             sentiers battus, mais en ouvrant de nouveaux sentiers. »

 ( M.Bennabi.) 

 

        je vais vous livrer en vrac et dans le désordre tous les mots et les maux de mon enfance et de notre parlé qui est une sorte de créole prononcé avec un épouvantable accent qui horrible si on va à l’Ouest et effroyablement abominable en allant  vers l'est.
 

 

 

 

 

 Présentation

 

Ami lecteur, tu ordonneras dans l’ordre qui te convient  cette série de préambules. tant il est difficile d’aborder cette période et de raconter quelques anecdotes, même toutes simples, de la vie de cette catégorie de  gens simples à laquelle j'appartiens. 

 

Je n’ai pas réussi à concentrer sous un seul titre et dans un seul chapitre de présentation une entrée en matière digne de brosser clairement "le climat tumultueux et aux multiples facettes" des situations dans lesquelles nous évoluions tant les différences sociales étaient nombreuses et contradictoires.

 

J’ai longuement hésité avec de sous-titres sérieux…Introduction, prologue, notes de l’auteur, présentation, en guise d’avertissement, etc… et finalement comme la dérision l’emporte presque toujours au pays du soleil j’ai choisi la célèbre formule de Roland Bacri… Et Alors…et ouala !

 

 

 

 Et Alors !…et Oualà !

 

Un sac de nœuds bien de chez nous en guise d’entrée en matières qui je l’espère mettra en appétit les éventuels curieux. 

Qu’ils découvrent au travers de ces témoignages de vie, ce que fut la grande aventure des cinq générations des nôtres, ceux qu’on appelait jadis les petits blancs de Bab el Oued avant qu’ils ne deviennent selon Camus d’affreux colons « à cravaches, montés sur cadillach. »

 

Avec les arabes et les juifs, ils bâtirent et aimèrent  avec une égale passion leur terre natale qu’ils assimilaient naïvement à une France sans doute idéalisée et qui n’a peut être jamais existé.  

 

« Je ne prétends pas être toujours d’une objectivité  évidente mais « quand je vois ce que je vois et que  j’entends ce que j’entends, je suis content de penser ce que je pense. »

 Et alors…

J’ai décidé de vous parler de mon Algérie, de ce pays plein d’espérances où nous n’avons pas su trouver les solutions capables de nous préserver du drame de l’exil, du déracinement et de l’oublie. Sachant qu’il existe  autant d’Algéries que d’Algériens, Harkis, Juifs et Pieds noirs confondus, j’ai décidé de vous livrer des impressions personnelles qui depuis 50 ans ne cessent  d’évoluer.

 

Ces réflexions ne seront pas forcément du goût  de tous mes compatriotes,  qui suivant leur origine  réagiront différemment.  (Anciens colons, administrateurs civils ou militaires, descendants d’immigrants français, enfants de républicains espagnols ou pauvres hères du pourtour du bassin méditerranéen venus tenter l’aventure dans ce qu’ils croyaient être un El Dorado)

Ceux touchés par la guerre, le terrorisme aveugle ou la répression gaulliste  éprouveront évidemment, et on le comprend, des réticences à pouvoir pardonner.

D’où  la difficulté, depuis l’exode, d’accorder des points de vue très différents et de parvenir à  une quelconque possibilité de   nous entendre, de nous unir et d’afficher un front commun.

 

 

 

 

N’ayant jamais pu donner l’impression que nous représentions une identité, une culture ou une force régionale, notre histoire arrive aujourd'hui à sa fin... et le rideau ne tardera plus à tomber.

Tous  les « mansos » et les « fartasses » qui nous entourent, nous donnent trop souvent  de l’urticaire.
De  Benjamin  Stora  à  Bernard Henry Lévy  nous détenons la palme d’or de la connerie.
Difficile de faire pire depuis Busnach et Bacri !

 

Quand aux politicards et autres tripatouilleurs de l’Histoire, pseudos historiens patentés, menteurs, hypocrites et sournois troubadours, tous se retranchent avec trop d’ embrouilleurs  pas très honnêtes, de gauche comme de droite, derrière de prétendus suffrages leur donnant bonne conscience . Ils devraient s’apercevoir qu’en dehors de faire parti   d’une association de malfaiteurs du genre Ali Baba et les 40 voleurs, ils ne représentent qu’une corporation  d’arrivistes  dont le dénominateur commun est qu’ils ne respectent pas grand-chose, ni la parole donnée, ni même le camp auquel ils appartiennent…En un mot une bande de faux-culs.

 

Ceci dit, pour ôter toutes ambiguïtés qui pourraient  me faire  classer dans le camp  pas toujours  très délimité de l’apartheid et de la discrimination bien à la française, le vrai  pied noir qui continue de sommeiller en moi ne déteste nullement les « arabes »  surtout quand ils sont algériens, ne déteste pas (ou plus) non plus les « frangaouïs » car le mépris, depuis longtemps, a cédé la place à l’indifférence et facultativement ne considère pas non plus que l’œuvre de la France en Algérie a été complètement négative.

 

Quand aux juifs, me considérant « goï » par accident, il m’est difficile de ne pas les apprécier à leur juste valeur. Ma grand-mère maternelle, née Tudella  par sa mère…est bien trop compromettante "rhaïb" pour  m’autoriser à émettre une quelconque opinion qui  m’épinglerait sur la gandoura l’étiquette de «  sionistes », ce qui n’est pas le cas, même si je considère l’état d’Israël comme un exemple à l’échelon de la planète.

 

A ce jour, bien que la réalité historique  entache passablement la politique administrative et militaire de la France, des socialistes de l’époque et du régime gaullien en particulier,  je persiste à croire  qu’après avoir livré, clés en main un magnifique pays à une bande de brigands, nous n’avons aucune raison de faire acte de repentance, si ce n’est d’avoir quitté nos frères algériens avec qui nous avions beaucoup plus d’affinités qu’avec n’importe quel  bédouin du Cantal, de Moselle ou de Normandie. 

 

Aujourd’hui  la réalité est là. La France est appelée à s’orientaliser.
Plus personne ne peut plus nier qu’avec le temps la société française tendra de plus en plus à se métisser Ce qui pourra être une chance si la république ne se laisse pas déborder par la religion et s’oblige, pour mieux canaliser ses dérives inévitables, de rester en marge de celles ci.

 

Nous qui  possédons une double culture "franco- algérienne" pouvons affirmer sans nous tromper, connaissant mieux aujourd’hui l’état d’esprit fuyant de certains gaulois, que l’épreuve pour sauvegarder la République  sera rude, voir impossible.

Aujourd’hui la France  se trouve dans la merde et nous avec. Ce que la superbe intelligence du  dernier Badinguet de l’histoire n’avait pas prévu.

 

Demain, sans aucun doute, le suffrage démocratique accordera gain de cause à la majorité galopante d’une France métissée et dogmatique, qui avec  la clique d'imbéciles de gauche, bravitude et compagnie et une  majorité de « veaux » indifférents de droite,  fera progressivement   basculer l’ordre républicain dans une ambiance de souks  que Sarkozy et son successeur sont entrain  d'orchestrer.    Nous avons pu avoir une avant première  lors de la  prestation de Kadhafi devant une bande de matrones africaines invitées à venir cracher  dans la soupe.

 

Et si la France de Voltaire  se laisse dépasser par celle d’Ibn Khaldoun, à défaut de triomphalisme bien à la française, ils (les français) ne pourrons que se féliciter de s’être enrichis, faute de mieux, d’un  nouveau patrimoine, culturel, il va sans dire.
 

En attendant, les « souchiens », (comprenez les français de souche, à en croire   « la passionaria » des indigènes de la République), continuent de glorifier et d’encenser la mémoire du grand Charles, qui à l’inverse de celui de Poitiers, permettra d’ici peu non seulement  aux Lorrains qui se reconnaissent dans la célèbre marche, mais à tous « les hexagonaux », de changer leurs   sabots contre  des babouches. C’est d’ailleurs nettement plus pratique et plus confortable…

 

 

 

 

Polo mon fils viens que j’ te présente !

 

 

Polo, c’est le rôle de Robert Castel dans la famille Hernandez, c’est aussi le symbole du petit pied noir  pataouette, de la tchatche et d’un humour bien de chez nous qui aux moments les plus sombres de notre histoire nous a souvent permis de rire sur nous mêmes et de masquer nos sanglots.

C’est aussi l’histoire banalisée de la souffrance de nombreux adolescents qui n’eurent pas la chance de vivre l’époque  insouciante d’une jeunesse au soleil comme a  pu la vivre Albert Camus.

 

Polo, c’est un enfant de Bab el Oued comme il y en avait des centaines dans ce «  haut lieu de la colonisation ».

 

Cet enfant d’là bas, comme tous ses p’tits copains arabes, juifs où  comme lui d’origine incertaine, il était persuadé qu’ses ancêtres c’était Vincingétorix, depuis il a compris pourquoi qu’les français y z ‘avaient choisi le coq comme emblèmes…parceque c’est le seul animal qui continue de chanter avec les deux pieds dans la merde. Ça c’est une citation que sur la tête de ma mère, j’te jure qu’elle est pas de moi…et je le regrette !  

 

Son enfance ou plutôt son adolescence comme y disent les pédagogues, elle s’est passée dans une ambiance de guerre que l’habitude elle lui faisait plus faire enttention.

En Algérie, la terre elle tremblait souvent engloutissant des villes entières, mais c’était rien à côté du tremblement de terre gaulliste qui nous attendait et qui comme toutes les catastrophes naturelles qui respectent les lois de la probabilité, elles risquent de se reproduire, mais cette fois ci avec les pathos à la place des pieds noirs.

 

 

 

Avant qu’la chcoumoune elle nous  tombe sur la tête, Polo y grandissait dans une atmosphère de joies, d’espérances mais aussi de deuil, de peur et d’angoisse. A 16 ou 17 ans, Polo c’était déjà un homme. Un homme triste et révolté. Tu verras elle lui disait sa mère, avec l’âge tu changeras ! mais lui, Polo, y savait bien qu’il ne changerait jamais, non jamais. A 16 ou 17 ans, Polo, il est parti laissant derrière lui son Algérie d’enfant, ses p’tits copains de Bab el Oued, ceux là de l’été au cabanon, ceux là de son école qu’il aura vu en flammes avant de partir.

 

Pendant que ses copains pieds noirs, qui manifestaient déjà de nombreux symptômes d’amnésie, y découvraient dans les "bouffas" les mœurs faciles des filles de France, lui Polo, y s’acharnait à leur pourrir la vie en les harcelant  avec l’Union Française pour l’Amnistie. A cette époque plus de 4000 des nôtres croupissaient dans les prisons gaulliennes. Ils avaient remplacé dans les geôles du Pinochet des français les héros du FLN qu’on venait de libérer.

 

Quarante cinq ans après, grâce à Dieu, Polo comme Julio, y l’a pas changé. De son Algérie, de son quartier, de son cabanon, Polo dans son cœur il en fait un mausolée et dans sa tête il sait qu’un jour, avant de partir, il retournera vers cette terre et ses habitants qu’il n’a jamais oublié et pour laquelle, même si ça dérange encore quelques excités, il ressent un trop plein d’affection.

 

Alors Polo, en attendant y continue d’ouvrir sa grande gueule pour dire aux français de France et à tous les coulos qui z’ont pas envie de l’entendre, ce qu’il a sur l’estomac, sur le cœur et ailleurs.

Depuis 45 ans, il répète comme le petit chien de la voix de son maître que tous ces malheurs c’est à cause de ce grand fumier de Colombey que depuis qu’il est enterré là bas, y parait qu’l’herbe elle s’arrête plus de pousser. Polo, la France y peut pas s’la voir en peinture ni au naturel, à se demander si des fois il regrette pas d’être né dans une mechta.

 

Polo y va bientôt avoir 65 ans, cette France où il n’a jamais voté continue de lui donner de l’urticaire. Son rêve impossible c’est l’Algérie, une Algérie débarrassée de ces thermites et dont l’issue finale ne peut être que l’écroulement  de 50 ans de tricheries. Une Algérie qui ne demanderait plus de visas aux pieds noirs, une Algérie qui honorerait sans distinction tous ses morts, tous ses habitants.

Une Algérie qui par ses richesses reprendrait la place qui lui revient dans le monde…une Algérie presque française si tu préfères...

Mais Polo y sait très bien que cela n’est qu’un rêve…mais ce babao y continue toujours d’y croire.

 

Ses héros à Polo, c’était  pas Robin des bois ou Ivanhoé mais  tous ces officiers perdus, la plupart des patos qui avaient sacrifié leur vie et celles de leur familles pour le respect de la parole donnée, c’est aussi ceux tombés au fort d’Ivry ou de Vincennes ces petits matins froids de l’hiver  63…

 

Ses héros auraient pu être très certainement Ben Boulaïd ou Ben Medhi s’il avait été dans l’autre camp… ça… c’est plus  qu’une certitude !

Alors Polo, qui à cette époque en avait gros sur le cœur  fut volontaire, comme beaucoup de jeunes pieds noirs,  pour rejoindre les paras.

Même si la guerre d’Algérie était finie depuis  plus de deux  ans,  il désirait un peu comme une dette  franchir le cap de cette virile initiation qui le rapprocherait certainement des gens dont il se sentait solidaire.

  

 

 

Quand il fut breveté il fit saoir qu’il ne pouvait plus  porter cet uniforme avilissant et honteux, ni saluer ce drapeau, qui à ses yeux sera délavé, souillé à vie.   

 

Au 3ème RPIMA, un homme intelligent et certainement écoeuré ou simplement  pour ne pas s’attirer la foudre de la sécurité militaire, prit la décision de le faire muter dans le train, à Toul.  

 

Après plusieurs semaines de mises en scènes qu’ « il » croyait persuasives, un insignifiant   colonel  sans décorations, à qui Polo ne s’était pas privé de déballer son sac,  jugea qu’il était indésirable dans les rangs  de cette nouvelle armée française  que De Gaulle venait de  décimer.

Vraiment tous des falsos !

 

Lui Polo, fut certainement déçu, peut être même vexé de ne pas avoir été admis  dans les geôles de la république où tant de monde, la plupart des gens biens, croupissait.

Alors commença pour Polo une longue période de frustration  et ses pensées   voyageront pendant plusieurs années du côté de   Fresnes, de St Maurice l’Ardoise, la Santé ou  l’île de Ré.

 

Jusqu’en 1966 où l’amnistie  partielle fut déclarée,  la vie de Polo fut perturbée, c’est pourquoi quand Polo, aujourd’hui, y s’entend cette bande de mangeurs de merguez qui z’ avaient son âge à la même époque et qui songeaient plus à bringuer ou à se faire une carrière (souvent dans les rangs d’ administrations honteuses, armée, gendarmerie ou autres) il a encore souvent envie de dégueuler, de changer d’origine et même d’accent.

Mais ça, grâce à Dieu, ça c’est pas possible !

 

Cet enfant de Bab el Oued fut donc  contraint de ravaler sa peine et à s’assoire comme le dit si bien le poète arabe, au bord de la rivière pour voir passer les cadavres de ses ennemis.

Cinquante ans après, ils ne sont pas tous encore passés ! Mais Polo, il est patient.

Polo arrête, elle lui disait sa mère…tu vas encore nous faire remarquer !

 

Une chose était certaine, dans le cœur de cet écorché vif, brillait encore un résidu de quelque chose d’indéfinissable, qui au fil des années a pris forme pour devenir, un demi siècle après, un paisible sentiment  d’analyse.

En essayant souvent de se mettre dans la peau de ses adversaires, (pas les français, les arabes),  il  découvrira  que  l’autre camp  avait toutes les bonnes raisons du monde de se rebeller et si au lieu de s’appeler Polo il était né  Mustapha ou Omar, Polo serait certainement  devenu le roi des fellaghas.

Ca Polo, il l’a compris depuis longtemps…aujourd’hui c’est plus  qu’une certitude, et c’est aussi une sorte de « sésame » pour mieux comprendre et discerner son histoire.

 

Ce qui est sur aujourd’hui, c’est que Polo, malgré les méthodes barbares et inhumaines employées des deux côtés, respecte l’engagement des  deux camps.
En aucun cas il n’accordera la moindre circonstance atténuante  à ceux qui ont trahi ou renié leur parole, ni à ceux qui dans les deux, (puis les trois camps)     utilisèrent les méthodes   barbares  (dénoncées, sinon reconnues aujourd'hui) qui sacrifièrent de trop nombreux civils innocents.

 

  

 


 

 

 

                                              Et ouala !

 

On nous a enseigné que nos ancêtres étaient des gaulois et nous l’avons  cru !

Que nous étions des français à part entière…et nous l’avons cru !

Que la grandeur de la France était sans égale et que ce noble et beau pays, phare de l’humanité rayonnait sur la terre entière… nous l’avons cru !

Et puis… ce fut le chaos.

Aujourd’hui dans un discours communautariste de nombreux  et nouveaux français  voudraient officialiser en un héritage victimaire  des crimes souvent exagérés qu’ils souhaiteraient voir condamner selon les règles et les critères de notre époque.

 

Cette  attitude   audacieuse reprise en cœur par une presse à sensations, soutenue par des maîtres à penser  à l’esprit crasseux et appuyée par  d’opportunistes chasseurs de voix  n’a d’autres but que de raviver des souffrances et des haines  qui n’existaient peut être même pas à l’époque, et de préparer l’opinion publique (qui n’en a que faire) à d’autres réformes visant à reconnaître un intégrisme naissant.

 

Voila pourquoi il est primordial en ce qui concerne particulièrement l’Algérie, de bien définir des règles qui permettent un dialogue constructif  et honnête sur les bases d’un respect mutuel des mémoires.

Dans  les rapports entre les peuples pieds noirs et algériens, il semblerait que d’un commun  accord tacite les deux parties aient compris l’importance de cette règle  de ne pas déclancher un étalage morbide de bilans, comme par exemple le massacre de Sétif, où des assassinats aveugles et barbares  ont pu  aboutir à une répression du même type.

 

D’ailleurs  l’attitude récente des  autorités Algériennes  prouve qu’elles ne désirent pas entrer dans les détails sanglants qui endeuillèrent de nombreuses familles   qui n’avaient qu’une tare : être européens.

 

An nom de quoi les Algériens devraient s’excuser des crimes d’un Zirhout Youssef, un  illuminé sanguinaire  qui déclencha  aujourd’hui on le sait, cette manifestation dont les sinistres bilans  ne furent pas approuvés par la direction du FLN. 

Au nom de quoi les Pieds Noirs devraient s’excuser des ratissages et des corvées de bois dont ils n’étaient nullement responsables.

Au nom de quoi ces populations, dont le point commun est d’avoir été complètement terrorisées et manipulées, devraient s’excuser de crimes qu’elles n’ont pas commis.

 

De part et d’autres trop de dérapages sanglants  que tout le monde connaît et qu’il est inutile de maquiller avantageusement selon la cause, sont suffisamment connus pour que dans tous les camps, on puisse adopter un statu quo et laisser aux historiens le temps de replacer ces épisodes dans l’Histoire, selon le contexte de l’époque, en attendant qu’un jour l’ouverture des archives viennent infirmer ou confirmer ces évènements que l’on ne peut que regretter.

 

En conclusion, l’important est de  préserver  le devoir de mémoire car il est des évènements qu’il est important de ne pas oublier. Il est indispensable d’associer à ce devoir celui du recul et de l’apaisement des haines et des culpabilités. Oublions les dettes morales et les revanches, cessons de régler des comptes et d’étaler les bilans morbides qui ne débouchent que sur des impasses.

 

Il aura fallu 45 ans pour que s’officialise  la réconciliation   des deux peuples algériens et  Pieds Noirs et que les opinions publiques prennent conscience de l’importance de ces retrouvailles qui bousculent un temps soit peu les interprétations imaginaires et mensongères d’une presse qui depuis longtemps bafoue les règles de la partialité.

 

En dehors de quelques minorités qui alimentent de part et d’autre des fonds de commerce à consonances extrémistes et racistes, la grande majorité des concernés s’accordent à dire que le temps  du grand pardon  est arrivé.

 

Il serait temps que les états fassent les gestes qui apaiseraient et qui  permettraient une réconciliation définitive de tous les enfants d’Algérie, sans distinction aucune.

C’est en tous cas le vœux le plus cher de tous ceux qui aujourd’hui ont font l’effort de porter  un   regard différent sur l’autre rive et qui en retirent l’ultime satisfaction de  voir renforcer  une fraternité déjà existante. Ce  symbole indiscutable de fraternisation entre algérien et pieds noirs   pourraient devenir un exemple pour les relations  futures  franco algériennes.

 

Voilà pourquoi  l’heure n’est pas à la repentance. La colonisation à la française n'a en rien enfanté le « nazisme »  ni   le sous-développement actuel des anciennes colonies. Certains adeptes de la  théorie  de l’auto flagellation  utilisent le passé de la France à des fins  politiques ou idéologiques, allant jusqu’aux théories les plus osées, feignant de savoir que loin de remplir les caisses de l’Etat, les colonies se sont révélées de véritables tonneaux des Danaïdes. 

 

Que tous ceux qui soutenaient il y a un quart de siècle tous ces bâtisseurs de bagnes qui ont ensanglantés la planète et qui continuent dans quelques salons parisiens à la mode de dispenser le discours  flagellatoire de la repentance  trouvent un autre terrain de jeux.

Messieurs les accusateurs, «soixantuitards» attardés mus en révolutionnaires de salons, vous vouliez tuer la France…hé bien c’est peut être chose faite !

 

Ce nom qui jadis sonnait bien, vous l’avez terni, souillé, vandalisé ! A vous entendre le sang dégouline à toutes les pages de son histoire et vous avez fait des français, preuves à l’appui, le peuple le plus belliqueux de la terre.

 

Que ces turpitudes cessent ! Depuis 1968, vous avez pourri la France et si aujourd’hui vous faites rimer repentance et décadence, ne vous étonnez pas  que  demain vos enfants  basculent dans les extrêmes, si ce n’est déjà fait !  

Il est vrai que la France métissée de demain risque de devenir une bouée de sauvetage et peut être même le seul espoir de renouveau, à moins qu’un vieil atavisme renaissant prédispose  les quelques descendants de race gauloise à une chasse à  l’homme qui rappellerait des temps pas si lointains.

 

La France, disait le maréchal Juin en 1962,  «  est en état de péché mortel, »  l’heure du châtiment serait il  arrivé !...mais il ne franchira jamais le Rubicon !

 
 

 

 

 Marseille, il est 12h. 

 

La salle d’embarquements est  pleine « d’arabes »comme dirait ce raciste de H.

Valises, couffins et  djelabas, me voilà de suite plongé  dans l’ambiance.

Une atmosphère de pagaille et de souk bien de chez nous.

Bon Dieu que j’aime ça !

Ce brouhaha aux accents familiers, cette odeur de foule et derrière les baies vitrées ce bateau, qui à intervalles réguliers envoie, comme pour communiquer son impatience, des coups de corne.

L’aventure commence.

Dans un  état second, de bien être et d’excitation, je savoure cet instant qui est un véritable moment  de joie.

J’imagine que le kif doit produire à peu près les mêmes effets.

Le rêve prend forme. Je suis aux anges.

 

L’expérience de ce retour, je l’attendais depuis 44 ans avec une appréhension de tous les jours de ne jamais pouvoir le réaliser. Aujourd’hui c’est fait, je vais concrétiser ce rêve, retourner à Alger, à Bab el Oued, chez moi. 

 

Ce pèlerinage, je ne pouvais le faire qu’ en solitaire afin de ne pas me laisser distraire, convaincu qu’il laissera  un souvenir et des traces inoubliables. C’était déjà une première certitude.

 

J’ai écris ce  récit pour exprimer ma joie, ma satisfaction et mon enthousiasme d’avoir pu enfin retrouver  ma terre natale, mon bled. J’ai certainement vécu là les plus beaux jours de ma vie. Je souhaiterais que cette expérience décide bon nombre de mes compatriotes à franchir avec allégresse ce Rubicon qui n’est finalement qu’un tout petit ruisseau. J’ai aussi pensé que ce voyage  atténuerait  la sourde colère de l’exil, traînée depuis 1962 comme un vieux rhumatisme auquel on ne s’habitue vraiment jamais

Cette indisposante, contrariante et permanente « rabbia »   mêlée de rancunes, de parti pris et   quelques fois de haine, j’ai du progressivement  l’apprivoiser pour l’atténuer et la traduire, 44 ans après,  par  une attitude plus sage, pas forcement toujours domptée mais dénuée de toute rancoeur. Cela reste encore très  souvent pour ne pas dire toujours une épreuve que seule  une honnête analyse de notre histoire me permet de surmonter.

 

Quarante cinq ans de  recherches, de découvertes et de réflexion sur notre histoire, il faut le dire  méconnue, m’a permis de  comprendre et de vérifier des vérités qui forcement ne pouvaient que contrarier certaines versions stéréotypées de l’imagerie populaire de cette France de notre enfance qui nous avait habitués à auréoler de sainteté certaines méthodes coloniales. Naïveté ou mentalité et éducation d’une autre époque, certainement un peu des deux.

 

Certaines situations et particulièrement celles du statut capitaliste des quelques familles qui régentaient et se partageaient l’Algérie devaient influencer et modifier à  court terme, la version idyllique qu’on nous traçait de notre belle Algérie Française. Face à une gigantesque misère où le petit blanc émergeait péniblement, des milliers d’arabes subissaient l’arrogance d’une administration inadaptée qui ne fit qu’entretenir, raviver et déclancher une révolte  nationaliste jamais complètement éteinte.

 

Cette histoire  fut pour  bon nombre d’enfants de ce pays, qu’ils soient arabes, juifs ou européens, un épisode douloureux parsemé de choix, d’engagements et de   souffrances.

 

La France qui à aucun moment ne fut  digne et capable de  s’atteler au problème algérien laissa les situations empirer laissant à l’armée puis à des gouverneurs impuissants,  aux vagues notions administratives locales,  le soins d’ improviser une politique dictée ou supervisée par le grand colonnat. 

 

Cette  politique absurde de pourrissement servit de tremplin aux ambitions gaullistes et  se termina en guerre civile mettant au même banc des accusés  la nation ainsi que le peuple français largement compromis.

  

Je m’aperçois toujours avec stupeur que si  la haine a totalement disparue de mon discours pour tout ce qui concerne l’Algérie, ma rancune s’est à peine atténuée   quand il s’agit de comptes que la France doit encore nous rendre.

 

Il en est un pour qui mon ressentiment reste intact et ma haine toujours aussi   profonde : Charles de Gaulle.  Responsable d’un  désastre que la France a du mal à reconnaître…et pourtant !

Pour le reste, je crois  avoir réussi en partie ce difficile exercice  qui encore quelques fois continue de me  jouer des tours et de nuire à la bonne interprétation de la réalité historique. Je dois dire que certaines versions avancées  par  l’état Algériens encouragées par une incompréhensible gauche-caviar compliquent et faussent passablement le débat où l’élite pied noir est rarement la bienvenue.

Ce combat contre moi-même  que je continue de mener est  toujours une épreuve. Il constitue encore  souvent  pour  chacun d’entre nous  un difficile, voir insurmontable obstacle.

 

Cette objectivité à sens unique est quelquefois insupportable. D’où les ripostes et les dérapages de certains de nos amis  au sang chaud que l’on ne manque pas d’inviter   pour les jeter, après les avoir passablement  «  piqués et banderillés  », dans l’arène de certaines émissions télévisées, en exploitant systématiquement à leurs dépends, ce côté écorché vif qui les rend agressifs, donc vulnérables.

 

La Vérité n’est peut être pas toujours bonne à dire…mais rien ne nous empêche aujourd’hui en la découvrant de modifier  objectivement nos points de vues et d’adapter nos revendications.

 

 La somme des messages d’injures, d’insidieuses insinuations ou de reproches  accusateurs d’une minorité de mes compatriotes qui 50 ans après n’ont rien compris à notre histoire qu’ils refusent d’approfondir, prouve à quel point nous étions conditionnés et manipulés.

 

Ces « donneurs de leçons », ces  «  grandes gueules » bien de chez nous,  cocardiers souvent d’extrême droite aux relents racistes qui ne tolèrent pas qu’on puisse penser autrement,  en utilisant des méthodes  fascistes ou bolchéviques,  ont préféré s’enliser dans un débat politique qui ne les concerne plus et qui n’est plus le nôtre. Et cela, au détriment d’une union de la communauté pieds noirs. 

 

Cette minorité sectaire d’apprentis sorciers, loin de rallier la majorité de notre communauté, se contente de commémorer, d’inaugurer et de raviver des flammes qui ne font que nous faire cataloguer et montrer du doigt.

Le meurtre de Jacques Roseau  fut le point d’orgue de cette  mascarade organisée  où la bêtise, l’ignorance et  l’intolérance ont fait commettre à un pauvre type  le pire des crimes.

Quelques associations  de partisans de l’Algérie Française, se  réclamant légataires de la bonne cause affichent triomphalement des sentiments  et des attitudes qui en temps voulu n’ont pas portés ses fruits. Intransigeants, sectaires, racistes, s’inspirant d’un nationalisme dépassé, ils alimentent  une polémique que   certaines associations du type LDH exploitent habilement, consolidant un  travail de désinformation qui ne fait qu’ancrer un peu plus dans les esprits  que nous étions  le bras armé de la colonie.

 

Ce vacarme plus folklorique que réaliste, quand il ne prend pas des airs de tragédie,  ne fait que retarder les grandes revendications  que nous aurions du faire aboutir déjà depuis longtemps. Cette attitude qui fait désordre donne à nos adversaires, beaucoup plus doués que nous en communication, des occasions supplémentaires de  nous coller à la peau une réputation de braillards juste bons  à « bouffer du bougnoule ».

 

De victimes que nous étions, nous sommes devenus et restés des bourreaux. L’inacceptable pour nous est de toujours être montrés du doigt comme des  nostalgiques de l’OAS, bras armé des colons

 

Continuer de glorifier  cette époque et ce combat   dont les maigres   résultats seraient à taire, ne sert strictement  à rien ou qu’à nous faire remarquer inutilement.

D’ailleurs les quelques martyres que De Gaulle nous a donné et les quelques grands chefs militaires restants ont su garder jusqu’au bout une certaine réserve.  Il est à peu près sur que ceux tombés aux champs d’honneur dans le fossé de Vincennes n’approuveraient guère certaines prises de positions.                      
 

Nous avons été trahis par ceux que nous aimions, par l’amour d’une France  idéalisée et par celui que nous avions appelé pour  assurer nos destinées dans la solution la plus française. Avec les Harkis, nous restons l’un des épisodes les plus  honteux   de cette histoire. Nous avions là assez d’arguments pour nous faire entendre autrement qu’en vociférant sur de nombreux  chapitres hors sujet.

 

De l’avoir trop aimée, cette France nous a mené au désastre…   Alors ne vautil pas mieux nous confondre en d’abominables racistes !

C’est vrai que nous avons beaucoup contribué à développer cette image qui, malgré les apparences est bien loin de la réalité.

 

Ce qui suit sera peut être pour certain un mode d’emploi pour renouer d’une façon plus concrète et officielle la véritable relation qui a toujours existée entre le Pied Noir et le peuple Algérien.

 

 Pour quelques autres, une infime minorité en voie de disparition, un manuel de repentance, une attitude scélérate, un reniement.

 

A ces frères ennemis,  aveuglés de rancœur et de revanches, je dirai simplement qu’ils se trompent et qu’ils ratent certainement l’une des dernières occasions qui leur est offerte de connaître l’ultime joie   de renouer une relation « charnelle » avec leur terre natale.

Si certains ne peuvent  entreprendre une telle démarche, et cela  est fort compréhensible, qu’ils soient certains que tous ceux  qui optent pour un  retour et un rapprochement  vers leur terre natale le font d’une manière aussi sincère que spontanée et  qu’en aucun cas, ce geste ne peut être interprété comme un reniement.

 

Le temps et l’âge sont  en principe   générateurs d’apaisement. Après un demi siècle de mise en scène, de mensonges et d’interprétations falsifiées d’une histoire  certainement trop honteuse pour être entièrement dévoilée,  nous assistons à notre plus grand étonnement et sans que nous y soyons pour quelque chose, à  un phénomène nouveau  de  rapprochement, que nous devons de part et d’autre accepter et applaudir.

 

Les réalités quotidiennes et les évènements des 50 dernières années nous obligent des deux côtés des deux rives, à des constats catastrophiques qu’il serait indécent d’ignorer. Même si nous n’en parlons pas encore ouvertement, un accord tacite nous oblige à la réserve et je crois que pieds noirs et Algériens l’ont bien compris. Reste les discours officiels  de plus en plus bafoués par un nouveau public, tant algérien que français, curieux, avide d’informations et de vérité. 

 

Les pieds noirs, dans une grande majorité assoupie et parfaitement intégrée, ont vite été frappés d’amnésie. L’abandon moral et matériel de leurs cimetières en est la preuve la plus accablante. La diversité de  nos origines et des classes sociales  des  populations rassemblées par le statut de la nationalité n’a pas permis en 100 ans de créer un embryon communautaire capable de forger une identité nouvelle. Il nous aurait fallu encore une cinquantaine d’année et que les mentalités évoluent sur le modèle européen.  

 

En dehors  d’une minorité, la grande majorité des rapatriés d’Algérie, de retour sur le territoire national s’est   diluée et s’est installée dans  la société française, s’éparpillant suivant leur statut dans le  tissu social et politique français où l’anonymat, l’indifférence et l’égocentrisme priment tout autre sentiment.

Se souciant peu des affaires de la nation, ils  allaient  se reconstruire une nouvelle existence et pour certains atteindre un niveau de vie inespéré.

 

Classés comme d’ « inoffensifs ». citoyens  et jaugés d’entrée comme  peu dangereux par un  De Gaulle qui les avait parfaitement compris,   ils allaient  se fondre naturellement dans la société et l’électorat français.

 

Certains, aujourd’hui encore  feignent  d’être de bons français.  Peu d’entre eux persistent à croire   que les   « arabes » sont les véritables responsables de leur destin malheureux. 

N’ayant aucune stratégie revendicatrice, face à l’impardonnable  politique de la France en Algérie, occultée depuis 1962 par tous les gouvernements complices,  tous ont laissé faire.

 

La grande majorité  continue  de faire semblant et au fil du temps ne s’aperçoit même pas qu’elle est entrain de disparaître.

Déçus, trompés, trahis,  seul le côté matériel d’une intégration réussie semble les avoir motivés. Peut on aujourd’hui leur reprocher cette discrétion, ce vieux réflexe d’immigrés ?

 

Ayant fait aujourd’hui une parfaite démonstration de leur incapacité à s’unir, les pieds noirs doivent se résigner à disparaître. La seule consolation, pour une infime minorité d’entre eux,sera de laisser  quelques témoignages. 

 

 

 Une trace pour les historiens de demain qui pourront peut être mieux faire  que les auteurs  impartiaux qui remplissent  nos manuels d’histoire actuels de commentaires destinés à discréditer lamentablement  l’œuvre de la France.

 

 Algérien, Français, un peu des deux.  

 

Sur le pont supérieur du Tarik Ben Zyad, je tourne déjà le dos à cette France marâtre.  Il fait un temps de circonstance, un temps  maussade qui me rappelle ce   18 juin 1962  et l’accueil peu chaleureux de ces soit disant compatriotes français. 

Le bateau vibre de toute son âme, des remorqueurs s’approchent  pour l’éloigner du quai, quelques mouettes tournoient au dessus de la poupe, de l’autre côté à Alger les hirondelles ont du arriver. Le drapeau Algérien que je continue machinalement d’appeler le drapeau  « fellagha » claque au vent. Aujourd’hui il m’est autant indifférent que le drapeau français.

 

Détaché sentimentalement depuis fort longtemps  de tout ce qui se passe dans mon dos, je réalise une fois de plus  à quel point cette terre que  nous avons tant aimée par procuration m'est  étrangère.

 

Depuis 1962, refoulant instinctivement  tous liens affectifs me rattachant à cette France , qui n’a jamais  retrouvé la place qu’elle occupait jadis, j’ai le sentiment aujourd’hui  d’avoir définitivement opté pour une  identité nouvelle, celle avancée depuis presque un siècle par le cercle algérianiste. Personne, hélas ne   revendique cette formidable dénomination : Algérien d’expression française.

 

 Je ressens aujourd’hui  une fierté de  m’exprimer  en tant qu’algérien d’expression française. C’est le qualificatif que je revendique  car pour moi et bon nombre des miens, la France  nous a  abandonnée  un certain 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger.

Il y a   bien longtemps déjà, je  sus que si j’avais été Algérien musulman,  mon engagement eut été celui d’un nationaliste pur et dur.

Cinquante  ans après je ne peux que confirmer.

 

Notre fierté aidant, aurions nous pu supporter le carcan d’une domination quelconque ? 

Ce qui m’autorise aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais, à respecter les engagements  de ceux qui  avaient choisi  le parti  de la rébellion contre la France, qu’ils soient arabes ou français, FLN ou OAS.

 

Dommage qu’ils aient choisi d’exercer de part et d’autre une   violence  et une terreur extrême et raciste sur des minorités, mais dans le contexte de l’époque, avaient ils le choix ?

Un mort en complet veston vaut dix morts en tenue kaki. C’était la stratégie du pire, de la terreur et du sang.

Certains officiers perdus, ceux qu’on disait « malades de l’Indochine », dont je me sens   toujours un redevable héritier, avaient  manifesté, dès leur retour de captivité, ce même sentiment. Ils restaient la seule et unique chance de l’Algérie Française car ils avaient compris qu’il était préférable de creuser des puits plutôt que de ratisser et « napalmer » le djebel .

 

Le résultat de  cet immense gâchis qui débuta sous les lampions tricolores d’une France imaginaire, celle de notre enfance  et qui prit fin avec le massacre de la rue d’Isly et l’abandon des harkis,  m’amena rapidement au rejet définitif de  cette nation qui nous avait trompé  et qui continue toujours de «  montrer   la ligne droite  en empruntant les chemins les plus tortueux. »

Il me devint rapidement  de plus en plus difficile de supporter  cette nationalité française reconnue qu’épisodiquement en périodes électorales, de  supporter et de voir de nombreux « gogos » de chez nous, pourtant échaudés,  sombrer dans un  ridicule cocardier, caricaturant le célèbre dicton, cocu, battu et content.   

Evoluer dans cette France qui pue, qui ment, qui n’en finit pas de s’auto flageller, de se compromettre et de se renier,   fut longtemps   une épreuve  difficile dont me voilà aujourd’hui complètement  libéré.(ou presque).

 

Cette incontinence intellectuelle, pour le moins décadente et dégradante de la société française a longtemps contribué à entretenir  cette aversion et à obscurcir cette réalité typiquement française de glorifier, de collaborer et de traiter avec l'ennemi, avecl’antifrance.

 

Aujourd’hui, complètement  libéré de ce complexe, je dois avouer que je me fiche éperdument, complètement et sans aucun doute, du destin d’un pays qui fonce droit dans le mur,  espérant tout de même secrètement et naïvement qu’un homme providentiel vienne remettre les pendules à l’heure.

 

Depuis 2003, et comme je l’ai déjà dit, sans que nous y soyons pour quelque chose, nous constatons qu’un nouveau chapitre de notre histoire semble vouloir s’inscrire dans  le grand livre de l’Histoire. 

 

Si l’on en croit les signes de plus en plus affirmés des Algériens à notre égard, il semblerait  qu’une  grande majorité d’Algériens se réjouissent de nous recevoir  d’une manière chaleureuse et fraternelle, contrariant très ouvertement les discours et les opinions  diffamantes  de ceux qui depuis  cinquante ans, en France, nous brocardent.  

Ce phénomène de rapprochement  est  la plus belle réplique et un pied de nez formidable    à ceux qui  depuis trop longtemps nous calomnient. Dans cette France appelée à devenir une nation métissée les pieds noirs, complètement assimilés,  auraient pu  avoir un rôle important à tenir.

 

Cette   réconciliation entre Pieds Noirs et Algériens enfin reconnue est acceptée, comprise par tous, y compris depuis peu par l’hermétique public métropolitain, est en passe  de devenir un épisode reconnu  qui réhabilitera sans doutes après notre disparition,  notre statut de pieds noirs. 

 

Ce rapprochement permettra peut être aussi de sauvegarder tout un pan d’une histoire commune jusqu’ici méconnue et déformée. Il est surprenant de constater que les Algériens ne contestent pas, comme pourrait le faire croire le discours officiel, l’œuvre des pieds noirs en Algérie. Les attitudes agressives de leurs gouvernants ne cachent elles pas une tactique populiste qui permettrait de s’ancrer  davantage au pouvoir  afin de prolonger  encore pour un temps l’exploitation de la manne pétrolière.  Les années à venir seront certainement déterminantes.

 

Sans jamais perdre de vue  les réalités historiques qui de part et d’autre ont souvent été dramatiques et inexcusables, de par notre attachement viscéral à cette terre algérienne à laquelle nous continuons d’appartenir,   nous  aurions pu  espérer jouer un rôle charnière et devenir un véritable trait d’union, ô combien naturel, entre  deux peuples liés par le destin. C’est ce que pensent de plus en plus de nombreux compatriotes pieds noirs et algériens, peut être encore trop  traumatisés pour l’avouer.   

 

Cette attitude spontanément mais encore trop timidement  exprimée  permettrait peut être   de sortir de cet isolement où nous nous sommes volontairement cantonnés.  En acceptant de participer et de  rencontrer des hommes honnêtes et de bonne volonté animés de l’irrésistible envie de  reconstruire  tout un pan d’un passé   pas toujours condamnable, les pieds noirs et les Algériens inscriraient  d’une manière tout à fait surprenante quelques belles pages de leur histoire commune.

Nul ne peut plus ignorer aujourd’hui que la France   coloniale ne fut pas des plus tendres avec les Algériens. Le fut elle d’ailleurs avec nous ?

 

Les pieds noirs, du moins ceux qui le désirent, ont la chance de renaître grâce à l’affection et aux  signes chaleureux de reconnaissance que leur  prodiguent «  leurs frères de terre ». Ce que les médias, en France comme à Alger ne manquent pas de vulgariser.

 

En nous propulsant ainsi sur le devant de la scène, une occasion nouvelle de nous exprimer nous est offerte.  Espérons que les moins aveugles d’entre nous, sauront persuader les plus récalcitrants, d’abandonner ces attitudes  entêtées qui se traduisent trop souvent par des reactions réfractaires.

 

Une ère  nouvelle  de  compréhension instinctive entre Algériens de toutes origines et confessions confondues est entrain de prendre une forme inattendue. Ce phénomène  se traduit par des retours massifs de pieds noirs applaudis des deux côtés par les nouvelles générations et par une étonnante surprise des métropolitains qui ne soupçonnaient pas qu’une telle complicité puisse exister.

 

Le film indigène, véritable navet détonateur, a permis une réhabilitation fulgurante d’une page volontairement égarée de notre histoire.

Les vrais Algériens, les « accrochés du bled », c’est à dire ceux qui aiment par  dessus tout leur pays,  manifestent de plus en plus des besoins, des envies de se rencontrer, de se retrouver et de reconstruire au grand jour une amitié qui n’avait jamais vraiment disparue. Il suffit de lire le fabuleux roman de Yasmina Khadra pour s’en persuader.

 

 Aujourd’hui seulement, malgré une condescendance exagérée de la gauche à vouloir exhiber des béniouioui en complet veston afin de  récolter à tous prix des suffrages qui lui permettront un remise en selle, les derniers pieds noirs  commencent à découvrir que la gigantesque falsification de leur histoire commence à se fissurer.

 

 Mektoub…

                                                              

Indifférent  je regarde s’estomper ces côtes provençales  que j’ai pu tant de fois explorer à cheval dans ses moindres  sentiers et en bateau dans ses splendides calanques… Toute mon attention se porte désormais sur cette ligne d’horizon qui verra dans quelques heures  se dessiner  les premiers contours de ma terre natale.  

 

Cette Provence, que nous ne connaissions que par Fanny, Marius et Fernandel,  deviendra une terre  d’asile avec une consolation : la Méditerranée.  Des quinze années passées au pays de la bonne mère avec des souvenirs  que je n’arrive pas à classer dans ma mémoire comme bons ou mauvais. Tout un pan de vie qui mettra un terme  aux  belles pages d’une enfance algérienne mouvementée. J’aurais pu comme la grande majorité des jeunes de mon âge trouver de quoi  estomper cette immense peine,  rentrer dans le rang, m’adapter au train-train quotidien, effaçant d’un revers de  main dix sept  années d’une enfance agitée.   

 

Si comme la plupart de mes petits camarades frappés d’amnésie,  j’avais pu accéder à ce bonheur simple, il est à peu près certain que ma vie aurait pu avoir une toute autre trajectoire.  Rebelle, indocile, réfractaire et à la limite du subversif j’allais entamer une carrière d’emmerdeur et de grande gueule qui me fera  souvent du tort, accentuant ce sentiment d’injustice qui ne me quittera plus jamais.

  

Trois fois durant cette période, le destin   me  refusa ou me fit manquer ces rendez-vous.  C’était peut être écrit comme on dit chez nous.

 

La première fois, ce fut dans la Drôme où pour 735000 anciens francs je fus dissuadé par un père possessif  de ne pas acheter une magnifique bâtisse sur trois hectares de terrain en bordure de rivière. Pour le même prix j’achetais une Renault4L… Cette expérience m’appris que les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. J’avais une vingtaine d’années et certainement pas assez de maturité pour affronter un père qui pensait avoir la science infuse comme c’était souvent le cas dans la tribu pied noir !

 

La deuxième fois je ratais l’achat d’un hameau dans le haut Gard, j’avais eu l’imprudence de faire visiter ce magnifique endroit à mon épouse un jour de canicule comme il en existe dans le Hoggar et exceptionnellement  tous les 10 ans dans cette région. Pour le même prix, vingt mille francs, j’achetais un voilier qui me permit de caboter pendant plusieurs années autour de Marseille.

 

La troisième fois une rencontre pleine de promesses,  comparable en tous points au fiasco algérien, allait contrarier une destinée dont je ne soupçonnais pas  les turbulences.

Celle avec qui je croyais finir ma vie allait quand même encombrer et troubler encore pendant  pas mal d’années, d’interminables nuits d’insomnies.  

Avec un fatalisme certainement atavique je dus convenir que je ne serais jamais ni gardien de chèvres dans la Drôme ou dans le Gard, ni  un homme normal   destiné  à vivre jusqu’à la fin avec  celle qui lui semblait prédestinée...

Restait-il d’autres raisons de s’enraciner dans un pays qui  m’apparaissait  de plus en plus hostile et terne ? Pas une seule.

 

La vie, simple en apparence est ainsi faite, le temps passe et  souvent  le dérisoire, l’égocentrisme ou  le besoin d’être reconnu empêchent les êtres humains d’accéder   aux petits bonheurs simples de la vie. Pour les uns ce sera l’égoïsme, pour d’autres l’ambition, pour d’autres encore l’intérêt ou la cupidité. Mêlez à tout cela un brin de snobisme, d’orgueil  et de prétentions et vous rendrez vite le monde impossible à vivre.

 

Triste bilan, triste monde me direz vous  dans lequel, en dehors des années difficiles mais heureuses de la guerre d’Algérie, rien ne vint vraiment   enluminer le traintrain quotidien  d’une vie  métropolitaine  condamnée à la grisaille. J'avais entammé le quart d'une vie en sachant qu'une vie aventureuse pouvait encore exister, même si...mais cela est une autre histoire.

  

 Constat.                                                                                  

Oui la torture a existée répondant aux attentats aveugles et largement médiatisés dans le monde.

Oui une répression aveugle a jeté les populations dans les bras du FLN.

Oui De Gaulle s’est servi de l’Algérie pour s’emparer du pouvoir et prendre  sa revanche sur les français, leur léguant à court terme un tribut de guerre à solder qui sera le métissage de la nation française.

Oui le grand colonat a toujours refusé toute émancipation des musulmans poussant les plus pacifiques à la révolte armée, oui des français de gauche ont influencé la dérive socialiste de l’Algérie, oui l’armée française avait réussi sur le terrain à isoler la rébellion et à rallier une grande partie de la population musulmane terrorisée par les deux camps.

Oui l’armée française a lâchement tiré dans le dos des pieds noirs qui manifestaient pacifiquement  le 26 mars rue d’Isly, oui la France s’est compromise en envoyant des brigades spéciales de barbouzes afin de creuser de plus en plus le fossé entre les deux communautés, oui il y a eu de part et d’autre des actes barbares entraînant une escalade de la violence, oui De Gaulle qui n’aimait ni les arabes, ni les pieds noirs, malgré « sa superbe intelligence » est le responsable de la plus grande tragédie du XXème siècle et de l’abandon des population musulmanes qui avaient cru en sa parole de ne jamais les abandonner.                          

Oui  il y a eu enfin, comme le souligne M’hammed Yazzid, figure historique du FLN, « usurpation de la souveraineté populaire au profit d’options populistes. «  Nous avions un système qui étouffait toute expression.  On a falsifié l'Histoire. On a inventé, afin de le gérer, un passé virtuel servant les intérêts de la clique au pouvoir. Ce système perdure. Ceux qui sont aujourd'hui à la tête de l'Etat et qui parlent de démocratie et de liberté d'expression ont toujours été contre les libertés. Avec le recul, je constate qu'en 1962 nous avons acquis une nationalité, mais pas le droit à l'exercice de la citoyenneté. » (Entretiens accordé au journal El Wattan) Oui enfin la France est la grande responsable de ce fiasco et de toutes les conséquences auxquelles elle doit faire face aujourd’hui.

Il serait temps que les yeux s’ouvrent et que les oreilles entendent.

Il serait temps que la France retrouve ce courage qui lui fait défaut depuis  cinquante ans et reconnaisse, comme elle l’a fait pour l’affaire Dreyfus ou le génocide juif, sa part de responsabilité dans le désastre algérien que le plus illustre des français a bâclé de la façon la plus inattendue. Aujourd’hui quelques historiens commencent timidement à reconnaître et à dénoncer le désastre gaullien. Nous ne doutons pas que l’Histoire  a commencé sa quête de Vérité  et que personne ne sortira grandi.

Quand aurons nous le courage de regarder en face une fois pour toutes tous les évènements de notre longue histoire et d’admettre d’une manière bilatérale que nous avons agi trop de fois comme des barbares. Ce jour là seulement français métropolitains et algériens pourront se regarder comme  se regardent peut être aujourd’hui certains pieds noirs et algériens.

La France est coupable envers les Algériens, nul ne peut le nier, coupable envers les pieds noirs et les harkis, nous n’avons plus à le démontrer, coupable envers les français métropolitains qui se retrouvent aujourd’hui confrontés à des problèmes d’intégration. En soutenant depuis l’indépendance des pouvoirs corrompus, la France a contribué à appauvrir le peuple algérien  à qui tous les espoirs auraient été permis s’ils ne s’étaient fait voler leur révolution. 
 
 

Du rêve à la réalité.

 Ce voyage, j’en ai longtemps rêvé. Une fois la décision prise un plaisir insatisfait me plongea pendant plusieurs mois dans des rêveries sans fin où je revenais sans cesse  sur tous les lieux de ma jeunesse. Un nombre incalculable d’images et de personnes complètement oubliées, sorties d’une mémoire presque intacte réapparaissent dans ces épisodes très embrouillés où curieusement   toute forme violence est gommée.

Je viens d’apprendre par un ami retrouvé, J.L Franceschi, que le Sport Nautique de la Pointe Pescade avait totalement disparu. Enorme déception car en rêve j’y étais retourné. Des flash, amusants ou tragi-comiques  me reviennent  constamment comme par exemple  l’aventure de  ce brave monsieur Torjman qui tenait un « rhanout » entre Belcourt et Hussein Dey et qui fut victime par trois fois de tentative d’assassinat. Il échappa par miracle à l’acharnement d’un fellagha certainement peu motivé ou aussi terrorisé que sa victime. La première fois, il fut légèrement atteint, la deuxième fois le pistolet du terroriste s’enraya et la troisième aucun projectile ne l’atteint sérieusement, provocant un départ paniqué et définitif en métropole.

Je me souviens également de cet instant épique qui se termina comme toujours à Bab el Oued par une franche rigolade, quand Monsieur Chouraki, un homme excessivement  distingué, (et oui il y en avait à Bab el Oued) avait ceinturé le terroriste qui venait d’assassiner un bachagha qui habitait rue Rochambeau. Cette  scène héroïque se passa  devant l’école Rochambeau, pratiquement sous le balcon des Chouraki qui habitaient au quatrième étage. Madame Chouraki qui avait assisté de son balcon à  l’intermède héroïque de son mari poussa un tel cri que son époux  perdit tous ses  moyens et laissa filer sa prise. Ce qui n’altéra en rien l’héroïsme de notre voisin et le respect que nous lui portions déjà. Souvent en rêve où pendant les nombreuses insomnies qui perturbent  ces nuits d’attente, les mêmes images ne cessent de revenir. La plus répétitive est toujours l’inévitable arrivée en bateau dans la rade d’Alger, le moment fatidique où je poserais le pied sur ce quai, sur cette terre cent fois, mille fois  bénie par nous tous.

La demande de visas est la première blessure infligée au revenant. Comment peut on remplir sans sourciller une demande d’autorisation de se rendre dans le lieu même de sa naissance, là où reposent plusieurs générations de nos parents. Même s’il est aujourd’hui indépendant, ce pays ne devrait pas nous faire sentir par cette mesure absurde que nous sommes étrangers ! Enfin, « Paris vaut bien une messe » et caparaçonné par 44 ans de tracasseries  franco-françaises, je me résous à ignorer ce détail. Après tout ne m’a-t-on pas demandé à l’ambassade de France à Tananarive de prouver ma nationalité française ! Ce qui déclencha une fureur qui abrégea considérablement la démarche.

A dix jours de mon départ, c’est drôle, je n’y pense plus du tout. Le visas que j’ai du envoyer de La Réunion à Paris  par la poste m’est revenu en règle, les places de bateau Marseille Alger sont arrivées, un information sur le site Mémoire d’Alger de Marc Morell m’a permis de rencontrer  Rachid Hamanni, aujourd’hui un fidèle ami, qui m’attend pour me véhiculer dans l’Algérois, l’hôtel El Kettani en bordure de Bab el Oued est réservé. Le compte à rebours a commencé, Alger m’attend, le grand moment est arrivé, j’ai un peu peur de mes émotions, moi qui  m’était toujours dit que  le jour où je reposerais le pied sur ma terre désormais Algérienne, je me baisserai à la manière du pape pour la baiser. Oserais je le faire ?

Aujourd’hui malgré une nostalgie toujours aussi vivante, mes sentiments à l’égard du pays sont inchangés.  Un mélange démesuré d’amour et de regrets. Comme  beaucoup de mes compatriotes, qui sans avoir vraiment tourné la page ou renié le passé, j’ai choisi de  m’engager dans un militantisme   plus discret  et combien plus réaliste, qui   illustre une autre facette beaucoup plus  ouverte et tolérante  de ce que la communauté pieds noirs la moins silencieuse a souvent l’habitude de montrer. 

Lassé  de voir « nos représentants » souvent autoproclamés    reprendre à leur compte ce qu’il n’est ni permis de dire ni de penser, simplement par respect pour nos compatriotes juifs et algériens, lassé de les voir  s’acharner sur des sujets qui ne les concernent pas, véhiculés par  des leaders d’extrême droite peu recommandables, lassé de devoir   constater que  ces hommes et ces femmes, pourtant mes compatriotes, presque toujours issus du petit peuple de Bab el Oued ou de Belcourt   continuent de proférer des discours   haineux et racistes, je préfère, après 50 ans d’un constats d’ inefficacité, choisir une autre voie, celle du rapprochement, de la compréhension, de la rencontre et du respect  mutuel. Et c’est vrai, ce n’est pas facile !

Nous sommes de plus en plus nombreux, de part et d’autre des deux rives, à penser qu’il est temps de  faire connaître et  d’exhiber les relations fraternelles qui existent depuis toujours entre tous les enfants d‘Algérie.  Nous  tenterons avec peu d’espoirs d’aboutissement,  d’être les précurseurs de futurs grands changements. Pieds noirs comme Algériens, souhaitons de toutes nos forces que cette ère nouvelle d’amitié et de respect, qui ouvrira peut être un jour les portes du grand pardon, ne sera pas balayée par l’extrémisme aveugle des deux camps.

Dans les deux camps, une minorité d’agités complètement dépassés continuent d’entretenir un état d’esprit revanchard et un climat malsain  de haine, occultant, camouflant et semblant totalement ignorer  les réelles relations d’amitiés qui les unissent. Ces visions à sens unique de l’histoire largement soutenue par une propagande souvent démesurée   ne trompe plus grand monde.                 Savoir, comprendre et  découvrir la Vérité jusqu’ici falsifiée d’un côté et souvent inventée de l’autre  devient une nécessité absolue. Un premier pas que Pieds Noirs et Algériens sont peut être prêts à franchir ensembles.

Comment peut on se tromper à ce point et ne pas tirer de  leçons du passé, de ces prises de positions qui, pour certains, depuis Susinni et Ortiz n’ont pas évoluées d’un pouce. Il faut admettre une fois pour toute que la  guerre d’Algérie est définitivement finie et cesser au nom des pieds noirs de proférer ce langage unique télécommandé par une idéologie d’extrême idiotie qui ne dépasse pas chez nous comme ailleurs les 5%  de la société. Alors comme je le demande souvent et le répète haut et fort dans toutes mes interventions associatives et autres :  «  Assez de discours anti sarrasins qui n’amènent rien de positif si ce n’est de raviver les haines et de nous faire passer pour des excités fascisants.  »

Cette opinion est celle de la grande majorité silencieuse qui en a « ras le bol » de ces discours « africaners » qui depuis 50 ans n’ont servi qu’à l’exclusion, qu’à la division, qu’à la haine et à l’oubli.  Nombreux sont ceux qui ont décidé de mettre un bémol à toutes ces aigreurs et d’avoir au-delà  de la « Tchatche », la difficile obstination de vouloir réhabiliter, dans le plus grand respect mutuel, la mémoire des deux peuples frères d’Algérie.

Ce voyage que j’ai souvent rêvé, maintenant est une réalité. Cette attirance pleine de craintes est contre balancée par les contacts d’amis algériens que je ne connais pas encore, mais qui par leurs nombreux messages me chavirent complètement. Le grand moment de franchir la méditerranée pour retrouver les odeurs, les jardins et les traces de quelques instants de ma jeunesse est tout près. Il me serait bien impossible maintenant d’y renoncer.

 

Ce retour sera celui des retrouvailles et d’une réconciliation officielle et définitive avec ceux que j’aime appeler mes frères de terre. Difficile combat  contre moi-même qui aura mis presque un demi siècle à mûrir.

Même si la réalité n’est pas au rendez vous ou à la mesure de mes rêves, ce voyage restera un grand moment que je ne serais pas prêt d’oublier. Je sais que ce pèlerinage sera empreint de tristesse, de déceptions, de colères peut être, de regrets mai aussi de joies. Je crois que la fraternité qui nous unit à ce peuple frère l’emportera et qu’au-delà de toutes les difficultés actuelles et officielles pour nous retrouver,  nous les enfants du bled, devons donner l’exemple de la grande réconciliation.

Allez « slama » je suis déjà parti, dans ma tête je suis déjà en Algérie !  Je dirais presque Merci mon dieu !

  

Les pages qui suivent, seront sans doute pour certains d’une banalité anodine,   une succession d’émotions qui ne seront  peut être pas partagées.

On est propriétaire de ses émotions et la question de les étaler  m’a souvent paru bien inutile. Si je la tente aujourd’hui, c’est sans doute involontairement pour me libérer d’un poids mais aussi   pour témoigner et  laisser  la traces de  certains faits divers, multipliés certainement des milliers de fois dans tous les coins de notre pays, qui pourront rappeler à nos enfants que nos aïeux étaient autre chose que ces colons misérables qui ont parfois existé et qui ont  mené l’Algérie à sa perte. 

 

 

Fin de la première partie. 

 

 


Commentaires

 

aurore  le 11-04-2014 à 15:53:28  #   (site)

en espérant que le prochain gouvernement saura le faire prospérer et l'ouvrir démocratiquement.. c mon avis Clin doeil

mazagran  le 11-04-2014 à 11:52:05  #

Miliana...C'est magnifique, surtout l'hiver. L'Algérie est le plus beau pays du monde.

aurore  le 11-04-2014 à 10:23:56  #   (site)

je compte aussi connaitre le pays d'une partie de mes ancêtres, à Miliana plus exactement.. j'en ai trés envie

aurore  le 11-04-2014 à 10:16:44  #   (site)

bienvenue sur VEF bonne continuation.

 
 
posté le 11-04-2014 à 10:22:36

Deuxième partie. Et si nous nous étions trompé !

          Harroua el djazaïr
 
 
 
 
Il est 16h passées, le Tarik ibn zyad a  largué ses amarres depuis un peu plus d’une heure.
Sur une mer calme et printanière, l’énorme ferry de la compagnie algérienne s’éloigne dans la brume des derniers contours des côtes marseillaises.
Le bateau est confortable, assez vaste pour se  retrouver assez isolé dans le calme d’un salon de lecture, face à la mer.
Réfléchir à ce qui m’attend, là-bas, chez nous, va me plonger le temps d’un après midi, dans une douce et assoupissante  réflexion.
 
C’est la première étape de ce voyage que j’espère initiatique. Je sais déjà, quoi qu’il en soit, que j’en reviendrais changé, peut être  même soulagé ou complètement écoeuré, mais à coup sûr avec une autre vision de l’avenir.
Le temps de cette traversée va me  permettre  un long moment de calme, de repos et de réflexion. Une  concentration  que je pense essentielle et  indispensable à l’évacuation d’un  stress accumulé depuis plusieurs mois. 
Se mettre en  état d’affronter ces instants de retrouvailles, autant souhaités que  redoutés  surtout par peur d’émotions trop fortes,   me parait une étape élémentaire car je sais aussi, et cela ne fait aucun doute que les instants que je vais vivre et que j’attends depuis  longtemps seront  inévitablement bouleversants.   
Se préparer  psychologiquement  est nécessaire car  surprises bonnes et mauvaises  seront du voyage. La somme de choses à voir, à enregistrer et à garder en mémoire est tellement considérable que  cette étape de recueillement en solitaire  s’impose.
 
 

 
Le 17 juin 1962, en fin d’après midi,  les côtes d’une Algérie Françaises agonisante s’estompaient dans  une brume embuée de larmes. Le Kairouan, surchargé et silencieux filait presque honteusement vers une France inconnue. Cette nuit là, l’un des nôtres, trop meurtri ou dépressif se jeta par-dessus bord. Nous allions découvrir le vrai visage de la France.
 
Ce qui est sûr c’est que les pieds noirs méritaient de vivre et de mourir sur leur sol, ils étaient là bas chez eux et jamais ils n’auraient du partir. Pour nous De Gaulle, le seul responsable de nos malheurs, méritait la mort, le hasard en décidera autrement.
Notre exil commençait. Nous le savions éternel !
 
Je veux bien que certains d’entre nous se sentent des affinités avec la France car 130 ans de vie commune, ça crée des liens ! Compatir au moindre soubresaut patriotique, pavoiser nos sites internet, pousser des cocoricos à l’accent pieds-noirs, applaudir les  succès éphémères des grands tartuffes de la politique, relève encore aujourd’hui de la plus grande niaiserie.
 
Victimes d’une mascarade  dont nous avons été les principaux  acteurs et dont certains ne semblent pas encore  avoir tiré les leçons, quelques compatriotes   pourtant abondamment échaudés,  ne peuvent encore s’empêcher  d’une manière instinctive,  ridicule et rarement amusante, d’exprimer et   d’extérioriser des sentiments  qui devraient leur être depuis longtemps interdits.
Certains nous reprochent une agressivité non dissimulée à l’égard de la France, de ses représentants ou du simple citoyen…Bien évidemment et sans hésitation la réponse est oui ! en soulignant toutefois que cette agressivité au fil du temps s’est transformée en totale indifférence. Ce qui est certainement beaucoup plus grave ! Comment pourrait il en être autrement ?
 
Nous ne pardonnerons jamais aux français et à De Gaulle de nous avoir trahis, d’avoir sans aucun  scrupule, trompé, sacrifié et abandonné des milliers de harkis, d’avoir déraciné  dans les pires conditions et de la façon la plus tragique un million et demi de pieds noirs. Aucun acte de repentance ne pourra venir effacer complètement  cette blessure et la page ne sera donc jamais définitivement tournée.
 

Nous n’oublierons jamais l’accueil glacial et obligé de cette France des années 60. France compromise comme souvent pour ne pas dire comme toujours, dans de sordides et honteuses complicités collaborationnistes, soutenues par une intelligentsia de gauche comme de droite, à la botte d’un régime autoritaire qui venait de délivrer provisoirement la France du fardeau algérien.
Les arabes disent « Hier est mort », soit ! mais cela ne doit ni absoudre ni entériner les erreurs du passé, y compris les nôtres. Pour les derniers témoins de notre tragédie la page ne sera définitivement tournée que quand les derniers d’entre nous auront disparus. 
 
La falsification scandaleuse de la guerre d’Algérie ne permet pas encore de retracer dans les deux camps, avec objectivité et précision, les évènements en les traitant et en les recalant dans le contexte de l’époque. Quelques historiens commencent timidement à analyser et à interpréter les aspects méconnus de ce drame en découvrant plus de quarante ans après les premières archives militaires qui leur sont chichement livrées. Et pour cause ! Le ton commence à changer, les faits moins camouflés et la réalité historique commence à recouvrer ses droits, à perdre de son flou. 
 
Les grands perdants de l’histoire : Les Algériens avec d’un côté les Pieds Noirs, un peuple généreux, travailleur mais aussi une bande de braillards qui s’est trouvé une identité tardive dans le malheur de l’exode. Des gens peu avertis en politique, complètement manipulés, subjugués par leur pseudo identité française et le mythe d’une France idéalisée.
 
Comment  ont ils pu demeurer aveugles devant le naufrage qui les menaçait depuis le début de la conquête de l'Algérie, et croire jusqu'aux derniers jours que "l'Algérie c'était la France ».
 
De l’autre, les algériens musulmans, qui ne cessaient depuis toujours de réclamer une égalité que la France du grand colonat leur refusait. Un peuple qui libéré s’est laissé voler sa révolution et qui encore de nos jours aspire à une démocratie à l’européenne. Un long chemin reste à parcourir pour les Algériens à qui la Liberté n’a pas apporté le bonheur escompté.
 
Enfin la France, qui pour se débarrasser sans trop d’état d’âmes  du fardeau algérien se retrouve aujourd’hui confronté à un problème d’assimilation de toute une population maghrébine qui, avec le temps et les règles démocratiques du suffrage, se verra imposer un  nouveau mode de vie qui progressivement changera les mentalités françaises et fera de la société française une société métissée.
 
Aujourd’hui, comme tous ces peuples mal décolonisés et lâchement abandonnés à des castes corrompues, les pieds noirs font partie de la francophonie et rien d’autre ne semble les rattacher à ce pays où on les traite encore de rapatriés. Un demi siècle après, toujours dans l’attente d’un geste qui ne vient pas,  ils restent dans leur grande majorité des « français non pratiquants », curieux de contempler de loin le naufrage de la France qui « dans un océan de larmes, de contrition, de remords sur son passé s’apprête, sous des pressions suspectes, à faire acte de repentance sur son histoire ».
 
Avant de tourner définitivement les dernières pages de notre histoire, il nous reste outre le gigantesque travail de mémoire, l’officialisation de la grande réconciliation  entre tous les enfants d’Algérie.  Quarante cinq ans après (même si c’est un peu tard) les Français métropolitains découvrent l’existence  des relations privilégiées qui existaient  entre les anciens colonisés et leurs bourreaux. Cette découverte tardive semble être une révélation pour de nombreux ignorants qui depuis toujours étaient rangés derrière la piètre opinion que « le général »formulait à propos des pieds noirs et des arabes.
 
A une époque où l’opinion publique commence à prendre conscience que la France n’est plus qu’un lopin de terre qui ne tient plus tellement de place dans le monde, que le grand chambardement des banlieues met en péril la société française et que malgré sa « grande gueule » la France a encore beaucoup de mal à être prise au sérieux dans sa manière de donner des leçons aux autres, vous ne nous empêcherez pas de penser que la dégringolade de la France et du mythe Gaulliste a commencé.  L.S.Senghor  qui connaissait bien son monde disait avec beaucoup d’ironie que  « la France montre toujours la ligne droite en empruntant les chemins les plus tortueux ».
Depuis quarante cinq ans, je m’efforce chaque jour de mieux comprendre pourquoi les vaincus de l’Histoire deviennent les vainqueurs des historiens ?                        
 
Autrefois l’Historien racontait l’Histoire, aujourd’hui, ces romanciers de l’histoire entretiennent un fond de commerce lucratif et  réécrivent ce que leur clientèle a envie d’entendre, permettant ainsi à un grand nombre de salauds d’entrer  dans la légende…et  par ailleurs de faire du fric sur la misère des autres.
 
 

Le plus grand fabulateur du siècle. 
 
En attendant,   ils continuent d’entretenir le culte de la crapule, d’honorer les lâches,  les traîtres et les collabos de toutes sortes. Gloire  à tous ceux qui pavoisent les défaites de la France, qui vénèrent les déserteurs, les porteurs de valises, les « Boudarel » et autres humanistes de ce genre, qui crachent, insultent et  souillent de la manière la plus abjecte sur  le pays de leurs ancêtres. Ce qui serait honteux dans tout autre pays semble une  délectation au pays de Flamby.
 
Nous qui n’avons plus de liens de parenté directe avec cette France que nous aimions tant et que nous ne reconnaissons plus, trouvons cette attitude choquante, dégradante et déshonorante. Espérons toute fois que le métissage qui va irrémédiablement s’opérer, viendra régénérer ce  vieux pays gaulois,  sans perdre pour autant les grandes valeurs de laïcité républicaine que nos maîtres nous enseignaient jusque dans les villages les plus reculés  de la France de notre enfance.
 
 Que reste t il aujourd’hui aux Français, si ce n’est l’espoir. L’espoir de voir cette nouvelle cohabitation qui les attend, se passer dans le calme et la dignité. Ce que l’évolution du monde, les rapports nord-sud, et  la montée des intégrismes dans la société contemporaine ne semblent pas faciliter. Même si l’espoir fait vivre, ils devront quand même s’attendre à un bouleversement radical qui commence à se faire sentir et qui s’opère dans un concert de cocoricos qui ne parvient pas à masquer l’abdication d’une droite affairiste et d’une gauche hypocrite que plus personne ne croit. Si comme le prédisait le maréchal Juin en 1962, «  la France est en état de pêché mortel », nous pouvons de plus en plus penser « que  l’heure du châtiment  » est bien dans l’air du temps. 
 
 La nostalgie, la mélancolie, le temps qui estompe notre peine et notre mémoire ne doivent pas  faire naître la facilité  et la faiblesse inévitablement naturelle, qui mène à l’oubli ou au pardon. 
 
 S'il y a eu un "rôle positif "de la présence française en Algérie, c'est d'abord aux  algériens de tous bords de le dire et aux historiens, aux vrais, non pas à ces  troubadours aux fonds de commerce douteux et aux engagements idéologiques      incompatibles avec tout devoir d'impartialité.
      il en est de même pour l'éducation nationale livrée depuis 1945 à une intelligentsia aux  "trous de mémoire" et aux compromissions les plus douteuses.
Cet  te même inte  lligentsia qui depuis la guerre transforme les manuels d'Histoire en vrai  es passoires et continuent avec la plus étrange indécence de juger, d’imposer une mor  ale qui n’est que silences, mensonges et falsification.
 La fin du XIX ème siècle est à l’heure des bilans. C’est un véritable fiasco pour la colonisation  dont le peuplement est ridiculement bas. Il faut intégrer des étrangers pour augmenter la masse  des 189000 français. L’assimilation de nombreux étrangers est indispensable si l’on veut peupler  et développer le pays. Ce fut la naissance d’une identité nouvelle : les Français d’Algérie.

Si la France de notre enfance nous a enthousiasmé, passionné, meurtri, celle d'aujourd'hui nous déçoit chaque jour davantage. Si de par notre culture francophone nous avons du choisir un retour vers la France, nous avons la certitude, hélas, de n'être  plus que  français administrativement.
L'immense frustration d'avoir perdu notre terre ne doit pas nous rejeter dans les camps  fielleux et négatifs des aigris. Je ne serais jamais de ceux qui se réjouissent du malheur des Algériens et si mes sentiments à l'égard de la France restent inchangés, je regrette  que  les clowneries du tandem Flamby-Bouteflika ne nous permettent pas de concrétiser par des gestes forts le formidable et généreux élan de rapprochement manifesté de part et d'autre par les deux peuples.

 

Mon Algérie n'est pas l'Algérie des grands seigneurs de la Mitidja. Elle est de moins en moins celle de l'Algérie Française et de tous ceux dont j'étais (et) qui se battaient pour une cause qu'ils croyaient juste mais perdue d'avance.

Je me reconnais de plus en plus dans la jeunesse d'Albert Camus que j'ai mis du temps à comprendre et à tolérer.       Il ressentait à l'époque, face au drame qui se préparait, une douleur égale à celle que nous ressentirons le jour du départ et que nous garderons à jamais enfouie en nous. Son destin tragique lui évitera le spectacle du désastre, de la débâcle et cette tristesse extrême qu'il pressentait et qui avait déjà un goût de malheur, d'impuissance et d'abandon.

 

Celui qui a du quitter sa terre emporte avec lui la blessure de son histoire.

L'Algérie restera toujours pour moi une source d'émotion.

L'heure du grand pardon pour tous les Algériens a t il enfin sonné ?

 

En mon âme et conscience, j'ai toujours eu le sentiment et la conviction profonde que nous aurions pu dans une autre France espérer une Algérie plus heureuse où tous les Algériens auraient pu être égaux, et nous, rester des Algériens d'expression française ayant un rôle important à jouer dans une Algérie moderne, riche de ses hommes et de son pétrole.

Certains officiers  avaient pressentis cette éventualité qui sur le terrain semblait réussir et qui fut  rejetée en bloc par leur chef.

 

Avions  nous des ascendances métropolitaines si fortes pour nous croire dépositaires d'une identité française accordée par dépit à nos pères. Il est presque certain que si l'implantation de la colonie française avait été un succès, tous les émigrés d'origines pauvres du bassin méditerranéen seraient restés des étrangers ou des français de deuxième zone. Nous en avons eu la triste confirmation lors de notre arrivée sur le territoire national en 1962.

 

Avions  nous conscience à l'époque du véritable problème ? Nous français d'une autre époque, d'un autre siècle, d'une autre France ? N'étions nous pas restés simplement des attardés politiquement incultes ? Peut être nous sommes nous complètement fourvoyés en voulant à tout prix défendre une pseudo identité française  qui aujourd'hui nous fait ricaner !

                             

                                               Et si nous nous étions trompés ! 

 

 

 

 

 

  1962. St Ouen, banlieue communiste du nord de Paris, plus connu pour son marché aux puces.Le linge congèle sur les fenêtres et les balcons, la température a atteint moins 17 degrés. Pour tout pied noir normalement constitué, c'est la Sibérie. 
Depuis 40 ans il n'avait pas fait si froid. Le climat, cette année là, s'était allié à une France méprisable pour recevoir dans le plus grand désordre et la plus grande indifférence, un million de ces pieds noirs dépossédés de leur terre.Ces pauvres « rapatriés » allaient donner un relief particulier à l'expression « malheur aux vaincus ». Presque six mois que nous sommes arrivés sur ce rivage toujours de plus en plus étranger, toujours de plus en plus hostile.  Les médias complices du gouvernement gaullien ne ratent pas une occasion de nous rappeler notre incommensurable erreur d'avoir pensé, pendant cent trente ans, que nous étions  partie intégrante de l'histoire de France. La RTF dont l'unique chaîne est aux ordres du pouvoir, accumule les reportages, déclarations et  analyses primaires  complètement falsifiés. A l'époque  la télévisionest une arme de la propagande totalitaire gaulliste. Les radios dans leur grande majorité abusent de leur importance. Elles rivalisent de commentaires orientés et sans pitié. Quant à la presse, porte-parole des intellectuels bien pensants, elle est presque entièrement dans la mouvance hostile.En ce temps là, pas de cellules de crises, les Abbés Pierre et autres ténors médiatiques défenseurs des causes pourries sont aux abonnés absents. Pour Alain Peyrefitte  « C'est un afflux de vacanciers », il pousse même    l'inconscience ou le cynisme en proclamant que la cause de l'arrivée   massive des Pieds Noirs "est due à une trop forte chaleur en  Algérie"! "Ce sont des vacanciers un peu pressés d'anticiper leurs  congés" pour Robert Boulin alors secrétaire d'état aux rapatriés. Souvent dépeints comme des colons profiteurs, ils ne cessent d'affronter les invectives, notamment de la gauche communiste. En 1962 : 62% des français de métropole refusent toute idée de sacrifice à l'égard des ces drôles de gens qui viennent déranger leurs vacances.Pour une grande majorité d'entre eux il s'agit d'une population qu'ils ne connaissent pas vraiment, qui a la réputation d'être constituée de colons « faisant suer le burnous », d'être raciste, violente et machiste. En réalité, la vaste majorité des Pieds-noirs appartient à la classe ouvrière ou à un prolétariat urbain de petits employés. La population était urbaine à 85 %, composée de petits fonctionnaires, artisans et commerçants, dont le revenu moyen était inférieur de 15 % de celui des Français métropolitains.  5 % seulement étaient des agriculteurs propriétaires et les très grandes fortunes se comptaient sur les doigts d'une main. "Un ramassis de descendants de déportés de droit commun, de négriers qui veulent conserver leurs privilèges » . (Général Katz, commandant des forces françaises, surnommé : "Le boucher d'Oran".) Gaston Deferre, déclare en juillet 1962 : « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs. »)  L'été  1962, les Pieds Noirs désespérés et démunis, arrivés sur des bateaux surchargés, furent reçus, à l'initiative des dockers, par des pancartes hostiles « les Pieds-Noirs à la mer » à l'entrée du port de  Marseille. Les rares conteneurs venant d'Algérie pouvant leur appartenir sont systématiquement plongés dans l'eau pendant le déchargement. D'une manière générale l'accueil fut, en quelques occasions trop rares, compatissant voire  chaleureux. Les harkis abandonnés n'eurent pas cette chance. De Gaulle, pour s'emparer du pouvoir de la France, les avait cyniquement sacrifié, et nous avec. Trois des nôtres ont été passés par les armes, un quatrième, J.M Bastien-Thirry, ne se fait guère d'illusions sur son sort. De Gaulle,  avec une inhumanité peu commune, nous donnera  nos martyres.  Ayant repris tant bien que mal le cours d'une scolarisation entrecoupée par plusieurs années de ce qu'on appelait alors les évènements, ma  nouvelle vie s'organisait entre l'école et le sport où un Martinez d'Oran supportait comme moi ce dépaysement. Tous ces frangaouis » à l'accent bizarre et aux idées presque toujours teintées d'un exotisme bolchévique, nous « tapaient sur les nerfs ». Je fus exclu provisoirement du collège par un professeur peu futé qui me fit remarquer un jour « qu'ici on ne dormait pas au soleil », lui ayant répliqué sèchement avec une agressivité non dissimulée « qu'il valait mieux dormir au soleil  que sous la pluie », je du affronter la colère de mon père qui m'accorda tout de même des circonstances atténuantes.   Le sport  occupait tous mes loisirs et je dois dire que dans ce milieu très  communisant, l'accueil fut extraordinairement chaleureux. Nous étions deux pieds noirs, Edmond Mayaud et moi, cernés complètement de « camarades » qui nous avaient complètement adoptés. Personne ne vint jamais nous demander un quelconque engagement. Heureusement que la cellule familiale et communautaire fonctionnait. L'on se rencontrait  souvent avec des  amis pieds noirs fraîchement retrouvés, ce qui nous permettait d'extérioriser à huis clos nos trop pleins d'amertume et de tristesse. Le plus  souvent la bonne humeur typiquement de chez nous reprenait le dessus maquillant les passages à vide et les silences qui masquaient quelques fois les sanglots. Je me souviens de cette émissions de cinq colonnes à la une consacrée aux pieds noirs où  Pierre Desgraupes présenta un jeune constantinois qui allait devenir  le symbole de notre exode. Gaston Ghenassia. C'était la fin du repas et aux premières mesures d'une intro arabo-andalouse  les gorges se nouèrent. « J'ai quitté mon pays, j'ai quitté ma maison » Je me souviens encore aujourd'hui avoir été le premier à éclater en sanglots. J'avais 17 ans, je découvrais subitement l'étendue du désastre affectif et moral qui traumatiserait toute ma vie.
De Gaulle m'avait  appris la haine. Pour moi comme pour beaucoup des miens, nous pensions qu' il méritait la mort. 
Dans les années soixante, les générations assoupies par la berceuse apaisante gaullienne, se relèvent du choc de la collaboration engendrée par la complicité de Vichy et la passivité d'une partie de la population française. La guerre d'Algérie qui se termine par un désastre humain encore méconnu est alors un écran bien commode qui permet d'occulter les nombreuses tâches d'ombre d'une période peu glorieuse  où une certaine France pourchassait les juifs pour les  livrer aux allemands. Un nouveau discours apparaît alors. Mélange de marxisme ringard, d'une grandiloquence démagogique et mensongère. Ces nouvelles théories d'une contestation intellectuelle et bourgeoise permettront aux organisations néo-trotskistes, dont la montée en puissance ne relève plus du fantasme, de prendre en charge, au travers de l'éducation nationale, une réécriture travestie de l'histoire. Falsification aujourd'hui éclatante qui se borne à analyser le monde d'hier d'après les critères de notre époque. 
 
 

 

 
 La complaisance de l'intellectuel français à l'égard de la violence terroriste du FLN relève de la trahison. Les écrits de Frantz Fanon, J.P Sartre et J.Genet et de bien d'autres en témoignent sans indulgence. Ces « petits terroristes protégés » portent en eux les mêmes gènes de la violence, la même intolérante radicalité  que ces bâtisseurs de bagne qu'ils ne cesseront pendant 30 ans de glorifier sans qu'aucun d'entre eux n'aient pu faire un pays heureux ou le bonheur de leur peuple. Ces chantres de l'idéalisation de la terreur, admirateurs de la bande à Bader et d'autres assassins du même type, transformeront leur lutte contre le colonialisme en une lutte contre l'Etat démocratique détesté.  Ils se tromperont sans doute mais participeront à une réécriture haineuse et revancharde  de l'histoire, et bien sûr et comme toujours dans un climat d'indifférence et d'amnésie collective bien à la française. Résultat :  Un demi siècle après un écrivain guadeloupéen qui vit à Paris se torche Napoléon... qu'il compare à Hitler... Visiblement ça plaît, c'est même en plein dans la mouvance que de refaire l'histoire de France, de lui pisser dessus, à la mode de chez nous, à des années lumières des "idées de l'époque ", sans le recul nécessaire, objectif, historique.
 
Notre compatriote Jacques Tillier, avec beaucoup d'humour traduit bien là notre pensée :                      
 « Le pathétique dans cette connerie du politiquement correct c'est que nous avons envoyé il n'y a pas si longtemps toute notre marine et même le porte-avions nucléaire Foch faire des ronds dans l'eau, histoire de fêter Trafalgar devant la reine mère... Et que pas un de nos ministres, ni le premier d'entre eux, auteur des cent jours, ni même celle de la défense ont osé aller célébrer la bataille d'Austerlitz, comme tous les ans, en Pologne... A la place de Vercingétorix et surtout de Charles Martel, celui de Poitiers, je ferais gaffe à ne pas me faire définitivement exclure des cours d'histoire de France... » Si les « tripatouilleurs de l'histoire » adaptent le discours, perdent la mémoire,  bidouillent l'histoire, « pour faire de tous les français en 40 des héros de la résistance et en 62 de tous les pieds noirs, d'immondes salopards milliardaires », si ces grands perdants de la cause prolétarienne continuent de mentir et de travestir la réalité avec une impudeur certaine, si ces nostalgiques d'un marxisme désuet et romantique, aujourd'hui complètement archaïque, continuent d'imposer leur morale, de juger, de condamner : La Francemétissée de demain, sous certaines pressions communitaristes, pourrait faire acte de repentance généralisée et renier  lâchement son passé. Ayant applaudi et soutenu les crimes des plus grands criminels de l'histoire, Staline, Lenine, Mao, Kim Il-Sung, Castro ou Ché Guévéra...des historiens douteux continuent de glorifier béatement et librement, ces bourreaux d'exécutions sommaires qui, preuves à l'appui, n'ont pas fait le bonheur de leur peuple. « L'Histoire leur a donné tort et curieusement, n'ayant pu imposer la dictature souvent sanglante du prolétariat, ils continuent d'imposer celle de leur morale, tentant de faire entrer dans notre panthéon collectif un certain nombre de crapules qui nous auraient envoyés avec plaisir dans des camps de rééducation. » 

 

Bachagha Boualem  

 

En ce début d’année 1962, on approche du dénouement. C’est l’heure ou se mêle l’espoir et la résignation avec une forte prédominance pour une solution inespérée de dernière minute qui ne viendra pas.
Nos sentiments et notre aveuglement nous poussent vers des solutions où le réalisme n’a pas de place. Le dernier espoir, le plus fou, pour des milliers de Pieds Noirs, c’est l’existence de l’OAS qui regroupe les meilleurs officiers de l’armée française sinon les plus honnêtes, ce qui ne sera pas suffisant.
 
Une désorganisation complète et anarchique du mouvement, à l’exception de quelques  soldats de métier,  fera régner dans  l’organisation une pagaille généralisée qui sera difficile à contenir. De Gaulle, déterminé dans sa politique d’abandon  utilisera  toutes les   méthodes, même les pires, et n’aura  aucun mal à vaincre.
La stature du général Salan et  la popularité de l’enfant du pays le général Edmond Jouhaud, deux noms   prestigieux de l’armée française, ne suffiront pas pour forcer le destin et convaincre les indécis. N’ayant pas d’ambitions personnelles, ces deux leaders à la retraite hésiteront à employer les méthodes  radicales qui auraient pu mener à la victoire.
 
Salan n’était pas Franco et  la  guerre civile que nous allions connaître aurait du être déclenchée en France aux premières heures du putsch. Maintenant il était trop tard.
En toile de fond une atmosphère qui se dégrade de jours en jours et un climat de haine qui s’établit progressivement entre les partisans fidèles à la parole donnée et ceux, les plus nombreux qui ont choisi de servir servilement le régime gaullien, quelque en soit le prix à payer.
 
La représentation française, de plus en plus bafouée se retire dans une forteresse administrative tristement nommée « Rocher noir », confiant les basses fonctions de représailles et de répressions au zélé colonel Debrosse et au petit général Ailleret avec en parallèle    un corps de police  spécialement crée pour la répression anti Pieds Noirs, la mission C, plus connue sous le nom de « barbouzes ».
 
Ces hommes à tout faire, issus de l’imagination de Dominique Ponchardier et de Jacques Foccart, sont des droits communs recrutés contre remise de peine   dans les prisons françaises et dans le milieu. Ils ont des difficultés à passer inaperçus sur le terrain complètement sous contrôle de l’OAS. Leur rassemblement en caserne permet à l’OAS de vite les localiser et de les éliminer en bloc. Seul leur chef, Lucien Bitterlin, aujourd’hui président d’une association suspecte, France- Algérie, en réchappe.
L’armée, elle, vit son drame, entre ses officiers perdus et ceux qui ont du mal à distinguer le chemin du devoir, sachant pertinemment qu’ils devront, abandonner leurs bataillons musulmans et harkis déjà hantés par des visions de gorges tranchées.
 
L’Algérie Française va vivre les dernier mois les plus tragiques de son histoire. Les éclats de haine qui déchirent les chaires françaises laisseront  pour longtemps des cicatrices qui seront
indélébiles pour les trois camps. Dans cette tragédie, les Pieds Noirs  perdront leur terre. !  Les Algériens, leurs illusions,  la France, elle, perdra son honneur. Peut être en a-t-elle   pris trop souvent l’habitude !
 

 
 
Cent trente années d’une déplorable politique d’assimilation et de pacification n’auront pas permis à l’occupant français d’immuniser le peuple algérien, dont une grande partie avait cru à la fraternisation du 13 mai, contre cet esprit d’indépendance que de nombreux leaders pacifiques de l’époque récusaient. La France entraînée dans les tourbillons de l’histoire et sous l’emprise du grand colonat n’a pas assez pris en considération   l’importance de cet élan nationaliste qui a toujours existé en Algérie. De Charles de Foucault à Violette, nombreux furent  les visionnaires qui depuis la conquête,  prédisaient de tels évènements.
 
Ces nombreuses et si différentes tribus réparties en plusieurs ethnies, pendant des siècles avaient supporté les différentes invasions, romaines, barbares, européennes ou arabes et malgré tout le charisme du père de l’indépendance, Messali Hadj, nombreux étaient encore les leaders comme Ferrhat Abbas,  qui prônaient dans une  France sourde et aveugle  une solution française.
« La nation Algérienne n’existe pas…j’ai visité les cimetières, j’ai interrogé les morts… » Le terme Algérie, même, est inventé de toute lettres par les français.
 
N’ayant pas trouver le ciment d’une nation dans leur guerre contre la France, en tournant le dos à l’occident, dans des rêves de panarabisme socialisants, les Algériens se fermaient au moins pour un siècle la seule issue pouvant les mener au progrès, à la modernité et vers une démocratie laïque sur le modèle européen.
La grande chance de l’Algérie aurait été de valoriser ce semblant de lègue républicain hérité de la France et   de  rester  un  pays indépendant  proche de la nation qui l’avait enfanté.
 
 En choisissant l’Islam,  les algériens allaient se retrouver prisonniers d’un épouvantable système féodal, doublé d’un fanatisme religieux propulsé par une misère toujours de rigueur dans tous les états arabes.

Le système socialiste doublé du rêve utopique de faire partie de la grande nation arabe, enfoncera le pays dans une cascade de conflits, de pénuries et de disettes gérées par une nomenclature  étatique qui ramènera la société algérienne au temps des khalifas.
 
En Algérie, l’histoire piétine depuis  cinquante ans. Les dictatures successives du FLN n’ont pu ou voulu mettre le pays sur les rails du progrès alors que les matières premières du pays  pouvaient y concourir largement. En  parvenant démocratiquement à instaurer un état islamique, le peuple algérien s’est vu imposé, avec l’appui des européens et de la France en particulier, le renforcement de la dictature du FLN. Entre deux maux, fallait il choisir le moindre !
 
Le 26 mars 1962,  ordre fut donné  de mater une fois pour toute cett embarrassante communauté  Pieds Noirs.
L’armée française, sur ordre tirera dans le dos d’un cortège de manifestants sans armes, brandissant des drapeaux tricolores, venus manifester au chant de la Marseillaise, contre le blocus inhumain de Bab el Oued. Ce fut un assassinat collectif et prémédité.
 

La fusillade...non le massacre prémédité de la rue d'Isly. 
 
Les deux premiers barrages situés au début de la rue d’Isly s’ouvrirent pour laisser passer le cortège pacifique composé d’hommes, de femmes et d’enfants, puis se referma sur les milliers de manifestants qui furent mitraillés dans le dos. On releva 82 morts.
 
Commença alors un déchaînement de terreur qui compromit toutes possibilités d’entente entre les communautés en même temps qu’une riposte massive du FLN, dont les massacres des
65
populations civiles d’Oran sous les yeux d’une armée française qu’on ne peut que condamner   de complicité.
Aujourd’hui on peut penser que l’OAS fut une profonde erreur, d’autant plus qu’excepté quelques militaires disciplinés encadrés par des officiers légions, le reste des troupes n’était que folklore et pagaille généralisée.
La  désorganisation et l’indiscrétion généralisée  qui régnait dans les rangs de l’OAS au niveau de la base est en partie responsable de nombreuses bavures qui entraînèrent de sanglantes répressions. Il semblerait que le but recherché par l’organisation fut de faire massacrer les populations Pieds Noirs en espérant que l’armée viendrait à son secours. Ce qui ne fut pas le cas.
 
Les vrais responsables de cette tragédie sont ceux là même qui depuis Violette ont obstinément refusés et sabotés tous projets de réformes, se servant de la communauté européenne des petits blancs pour soutenir d’abord les  imposteurs du grand colonat  afin de permettre à ces aventuriers de la finance de bâtir des fortunes et ensuite  d’abandonner le pouvoir à un usurpateur  qui fera mine de sauver leur pays dans la solution la plus française. Ce que l’on ose encore aujourd’hui, qualifier et glorifier de clairvoyance politique.
 
Les Pieds Noirs ont une large part de responsabilité car, bien que manipulés et aveuglés par un patriotisme cocardier, ils ont toujours été, pour la plupart, unanimes dans leur hostilité à toutes sortes de réformes qui auraient permis une émancipation des musulmans.  Quelques uns, plus lucides pour l’époque qui avaient compris que l’élan nationaliste Algérien n’avait jamais été brisé,  entrevoyaient une politique plus libérale qui aurait certainement permis  aux deux peuples d’aborder une indépendance inévitable dans de meilleures conditions. Hélas ils ne furent pas écoutés. L’exode des Pieds Noirs fut un évènement tragique d’abord pour eux même mais aussi pour l’Algérie qui perdait une élite en même temps qu’un potentiel d’activités productives important pour la bonne marche de l’économie. De nombreux algériens furent conscients de ce phénomène et regrettèrent cette cassure.
 
La frénésie et l’euphorie de l’indépendance fut de courte durée et le pays sombra rapidement  dans un féodalisme propre à tous les états arabes, à croire que démocratie et islam sont incompatibles. Si aujourd’hui l’Algérie, par certains aspects, semble se relever, un long chemin lui reste à parcourir quand à l’émancipation du peuple, la répartition des richesses où le respect des   règles humanitaires et des droits de l’homme. Une lueur d’espoir était  apparue avec le président Boudiaf.  Si Bouteflika,  sous contrôle du FLN, a réussi à ramener la paix civile, le pays reste encore un brûlot que les islamistes continuent d’alimenter.
 
 Français administratif, français non pratiquant.

 La France a disparue totalement de mon champs de vision, au sens propre et au sens figuré, maintenant c'est la pleine mer, un groupe de pieds noirs à quelques mètres de moi doivent ressentir les mêmes impressions. A voir leur tête, je devine leurs préoccupations et leur stress. J'évite de les approcher, je tiens à garder  cette intimité qui me transporte à tout instant, comme sur un tapis volant,  à un demi siècle de distance. Je les retrouverais quelques jours plus tard à Bab el Oued ravis de l'accueil de leurs frères.

Côté affectif, en ce qui concerne mes rapports avec l'Algérie, persuadé   « que la faute est collective », les regrets de toutes ces occasions manquées et l'analyse sereine des évènements passés m'ont permis de transformer  toute cette haine rancunière  par  une compréhension que je souhaite partagée et réciproque.

 

Ma profonde conviction est que seule une réconciliation sincère  fera en sorte que  «  les nouvelles générations franco-algéro-pieds-noirs » pourront se retrouver dans un climat de confiance et de respect mutuel ,  où l'Algérien  et le pied-noir, par des attitudes qui ont toujours été les leurs, permettront de rééquilibrer le paradoxe des discours officiels qui, en France comme en Algérie, gomment en permanence la mémoire des Pieds Noirs, bafouant et falsifiant ignominieusement l'Histoire.

Si la rancune persiste, du moins semble-t-elle n'être pas dirigée contre l'Algérie.

 

En ce qui concerne la France,  le mépris généralisé que je ressent face à l'incapacité de  ce pays à  préserver sa dignité   et à  défendre depuis toujours nos populations,  m'autorise à  effacer de mon esprit, à ne pas prendre  en  compte   le côté  méprisable et  souvent justifié des attaques qu'elle subit et qui ne me concernent plus depuis longtemps.

 

Rester étranger à  tout ce qui pourrait porter atteinte au prestige de la France, avec qui je n'entretiens plus, depuis déjà fort longtemps, que des relations administratives ne m'est pas, ne m'est plus, depuis longtemps une épreuve insupportable ou contrariante

 

Débarrassé  complètement de tous ressentiment  national, je retourne aujourd'hui non pas sur l'ancienne France de mon enfance que l'on peut nostalgiquement regretter et où tant de gens ont été sacrifiés pour rien, mais sur la terre de mes ancêtres. Ce pays merveilleux,  avare de richesses qu'il faudra découvrir, et que mes aïeux, depuis plusieurs générations, avaient certainement choisi par nécessité économique. Terre qu'ils ont aimé, qui est devenue et qui est toujours restée la notre. Cette terre natale m'appartient et réciproquement il me semble lui appartenir autant. Subitement  je ne me suis jamais senti autant algérien et ce magnifique séjour confirmera   un peu plus cette impression.

 

 

 

 

 

Le premier contact avec la France   fut cette  découverte de  St Ouen où des français d'un tout autre acabit et avec qui je n'ai rien de commun me  donneront l'impression d'avoir débarqué sur une autre planète.

En dehors d'un souvenir de froid et de ciel gris, ce fut la découverte de l' « homo françillius  prolétarus» qui me causa certainement la plus grosse surprise. Il est vrai que dans ce bastion du socialisme, l'échantillonnage de spécimens à observer était limité et   très représentatif de cette espèce communisante qui à l'époque proliférait avec la bénédiction du régime gaulliste.

   

Alfred Capus   avec un humour caustique a bien traduit par une boutade peut être méchante mais en tous cas réaliste,  qui pourrait servir d'épitaphe au peuple de France,   l'état d'esprit et la  mentalité de  ce genre  de citoyens qui s'ils manquaient de soleil, en général, pour employer une expression à la mode,  ne « manquaient certainement pas d’air ». 
« Il est arrivé » disait il, « oui, mais dans quel état ! »  

 

 L’état d’esprit  de ces français « d’en bas » ne s’améliorait guère en grimpant dans les  échelons sociaux supérieures. Depuis, il a peu évolué, si ce n’est que le plus souvent Jean Marie a remplacé Karl sans d’ailleurs rien changer aux méthodes  employées où la parole du chef a valeur de dogme.

 

Se voulant pontifes  dans  sa manières d’aborder les grands problèmes de société ou certains épisodes de son histoire, ces  contaminés du complexe de supériorité, catalogués jadis de  ruminants continuent de croire et de penser que rien ne peut se faire ou s’envisager sans eux..

 

Pensant sans doute, par une méconnaissance totale de leur histoire, qu’en temps que français, la bonne conscience universelle leur octroie la faculté de juger, d’encenser ou de condamner, un bon nombre d’exemplaires de ces     humanistes étriqués , sans la moindre gêne ni le moindre complexe, continuent malgré les bilans catastrophiques, de penser que ce petit lopin de terre qu’est devenu l’hexagone,  a encore son mot à dire dans le moindre conflit qu’il préfère quand même voir se dérouler le plus loin possible de chez lui. 

 

Le personnage de Glandu crée par Thierry le Luron symbolise à merveille le français moyen aux idées aussi étriquées que sa canadienne ou son béret basque. Il  a  autant de mal à accepter l’étranger, même celui du département voisin, que d’ assimiler sa propre culture pourtant riche d’enseignements et d’humilité.  

Tellement  étranger à son histoire et à  son passé,   Glandu reste un d’éternel   spectateurs d’évènements et de conflits   où il convient de rester le plus anti français possible, au pire le plus neutre  en laissant à d’autres le soin de décider pour lui même.  L’attitude de certains français pendant les guerres  39-45, d’Indochine et d’Algérie  prouve de quoi est capable cet immense troupeau  aux retournements imprévus.

 

Souvent hargneux (Le Luron) ou complètement idiot (Bourvil ou Jugnot), ils sont injustement ou pas, pour le monde entier la caricature même du français moyen.  La ressemblance il est vrai est troublante !

Affublé d’un béret qui lui donne un air de boy-scout attardé, mi-collabo, mi-résistant, ce facho passif et caractériel à la moustache chaplinesque   exhale souvent ou malgré lui des relents  germanisants. 

Râleur, raciste, individualiste, toujours disposé à abonder dans le sens de celui qui détient le pouvoir, la force et l’aptitude de décider à sa place, il suivra et approuvera inconditionnellement  les orientations des gouvernements en place. Ainsi verra t  il sans broncher, pour ne reprendre que les derniers évènements, des enfants palestiniens mourir à tous les J.T   sans souffler mot des mêmes victimes israéliennes agressées par un état terroriste se servant de populations civiles comme boucliers humains.  

 

Bien avant, les tortionnaires de Massu,  face à la fureur  des assassins de femmes et d’enfant dans les rues d’Alger , ils avaient déclenché le même  type de protestations reprises par une clique d’intellectuels à l’esprit aussi crasseux que leur idéologie. Repris en coeur  par une autre clique d’ associations   de malfaiteurs qu’on peut qualifier de terroristes de salon,   autrement plus dangereux que les tueurs du FLN, les Sartre, Fanon et autres délinquants intouchables et protégés qui glorifiaient sans vergogne, au nom de la démocratie populaire, bien sur, les causes les plus pourries ou les plus indéfendables. 

 

Ces précurseurs des Hezbollah et autres groupuscules assassins  continuent en toute impunité, faute de n’avoir pu nous « rééduquer », de propager sous des couvertures multiples une incitation constante à la haine et au désordre. Ce qui amènera inévitablement un jour la France à   basculer dans l’anarchie ou bien à opter pour un ordre nouveau.

 

 

 

 

 

Revenons à notre Glandu, type même du citoyen robot-collabo qui depuis des siècles excelle dans l’art de retourner sa veste. Bonapartiste, royaliste, communard, anti-dreyfusard, pétainiste, collabo, communiste, gaulliste  et socialiste, le voilà aujourd’hui anti-arabe et adepte de méthodes  qui rappelleraient les temps pas si lointains des wagons plombés.

Des millions de Glandu sillonnent l’histoire de France et particulièrement notre époque. Ces même Glandu « maréchal nous voilà » devenus héros à la libération soutenaient encore hier un communisme qu’ils considèrent aujourd’hui comme une maladie honteuse. Il y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis me direz-vous…

Basculant sans regrets ni remords vers  les extrêmes,  ces individus capables de cautionner demain   des charters pour le Maghreb, sont les citoyens d’une France où tout de même, deux français sur trois manifestent des attitudes racistes.

 

En France l’histoire est un éternel recommencement qui nous donne souvent envie d’être autre chose que français. Malheureusement nous n’avons pas ce choix.

Cette diatribe à l’encontre des Glandu de toutes sortes qui encombrent passablement les tribunes  libres de nos quotidiens   m’est  venue par  un « ras le bol » de constater la mauvaise foi d’une minorité, la plupart du temps de gauche, que la grande majorité des français laisse  manœuvrer. Sans intervenir, sans doute par indifférence, l’opinion publique semble progressivement entraînée   vers une dérive qui prend de plus en plus la forme d’un complexe de culpabilité.   La gravité de ce malaise   qui se développe et qui s’ancre dans les esprits et les comportements depuis deux générations a aujourd’hui déclenché un phénomène  naturel de repentance que personne ne cherche vraiment à élucider.  

Il serait temps de remettre les pendules à l’heure  avant que le nouvel électorat d’origine maghrébine, qui deviendra avec le temps majoritaire,  accentue et officialise tout naturellement ce discours.  

 

A la veille d’un grand bouleversement électoral, nous pouvons prédire sans nous tromper que la France aura à choisir entre un avenir qui risque de déboucher sur une abdication des valeurs républicaines ou la gauche   en sonnant  le glas de la démocratie espère récupérer quelques lambeaux de pouvoirs et un nouveau type de gouvernement basé sur l’ordre et le retour aux valeurs républicaines.

D’une manière générale, ce choix sera douloureux. 

 

Quarante cinq  après les désordres causés par la politique gaullienne,  les héritiers Glandu ont bien sur évolués. Conditionnés pour accepter l’inacceptable, ils devront se résoudre à absorber et à s’adapter à une nouvelle forme de société.

Devant la montée du métissage un bon nombre commence à penser qu’au fond, ils auraient gagné à nous mieux connaître. Quand à nous, si nous avons décuplé nos énergies pour nous intégrer économiquement, quarante cinq après  la grande majorité de ces « Glandu » restent  encore des inconnus. 

 

A l’heure où le son mélodieux du derbooka et de la rhaïta  semblent remplacer celui du bignou et de l’accordéon, je ne peux m’empêcher  de réprimer un ricanement en pensant toutefois que nous sommes malheureusement nous aussi concernés.

 

 

 

                                                    Bismillah

 Mon cher Glandu,

 

Permettez  moi  de  vous  adresser  quelques  réflexions  qui découlent de  45 années d observations   sur   les attitudes troublantes de certains de vos compatriotes qui au nom de la « démocratie » s’autorisent depuis toujours   à défendre diverses causes suspectes qui en temps de conflit, en d’autres pays, les auraient menés droit devant les tribunaux pour haute trahison.

 

Devant l’étalage  scandaleux de vos  trahisons  impunies,

après tant de compromissions honteuses et avouées comme des actes d’héroïsme, vous avez fini  par basculer dans le camp opposé de vos   romantiques assassins du prolétariat, vous réalisez, hélas bien tardivement vos difficultés à pouvoir enfin digérer cette nouvelle « cuisine au beur ».

 

Méfiez vous tout de même que cette nouvelle cuisine ne soit pas classée au guide des désastres français d’une étoile et d’un croissant  qui rappellerait des temps pas si lointains où les français couraient après les juifs pour les livrer aux nazis. Vous qui avez conspués  bérets rouges et tenues camouflées  risquez  de revêtir les sinistres habits noirs de vos pères pour jouer un mauvais remake de la bataille d’Alger dans les rues de Barbes ou de Belleville.

 

Ceci dit le désastre de la politique gaullienne que vous avez soutenue en Algérie a eu des conséquences tragiques, d’abord pour  l’Algérie qui se retrouve reléguée au rang des nations les plus barbares  du globe et ensuite pour vous-même car tel un boomerang, le problème des Algériens reste entier. Avec peut être une difficulté en plus, ceux-ci, plus islamisés qu’il y a 45 ans, disposent d’une organisation religieuse éprouvée et capable de mener de main de maîtres les plus délicates négociations.

 

En tant qu’observateurs nous sommes surpris que la majorité des français congénitalement gaullistes et supérieurement complexés ne se soit pas aperçue plus tôt que l’abandon bâclée de l’Algérie suivie d’une politique de complaisance à l’égard des islamistes puis du  FLN déboucherait sur une situation telle que les anciens colonisés reviendraient en masse vivre auprès de leurs anciens oppresseurs.

 

L’intégration d’une population étrangère, de mœurs et de culture différente commencerait elle à vous déranger, cher monsieur Glandu, Vous qui avez si souvent pris le parti des ennemis de la France !

 

Nous pouvons ainsi remonter plusieurs siècles de l’histoire de France et tirer la conclusion suivante que « vous français, dans votre histoire, vous vous êtes montrés particulièrement aptes à vous diviser » et ce n’est pas la guerre d’Algérie qui démentira cette attitude devenue tradition dans l’histoire de France.

 

Vous qui continuez après quarante cinq ans de réflexions ruminantes et indigestes de nous assimiler au grand colonat, reconnaissez au moins que la politique gaullienne jugée aujourd’hui autoritaire, voir anti-démocratique, concrétisée par 11 années de règne sans partage apparaît de plus en plus comme une énorme bavure qui s’est terminée par le génocide des harkis.

Il est vrai que dans votre camp on a pas l’habitude de compter les morts, surtout lorsqu’ils sont basanés.

 

Quand à nous, si nous sommes conscients d’avoir commis beaucoup d’erreurs et que d’autres solutions plus acceptables auraient pu être envisagées. Si la France souvent drivée par le grand colonat n’avait pas fait la sourde oreille aux prémonitions

de Bugeaud, de Violette, de Camus et de bien d’autres, si De Gaulle n’avait pas grâce à l’Algérie usurpé un pouvoir pour l’abandonner 11 ans après, si pour une tranquillité passagère vous n’aviez pas hypothéqué l’avenir, aujourd’hui l’avenir de cette France défigurée ne serait pas compromis.

 

Les revendications légitimes du peuple musulman d’Algérie, ignorées, bafouées, malgré son lourd tribu versé à la France en 14 et en 40, favorisées par une répression souvent aveugle a encouragé un nationalisme algérien qui n’avait jamais totalement disparu   et fini par vaincre. Cette victoire  accordée par De Gaulle à la branche la plus crapuleuse du FLN priva l’Algérie de toutes ses élites qui furent soit écartées, soit massacrées. 

 

Que ceux qui jadis donnèrent un satisfecit à De Gaulle dans sa manière de liquider le problème algérien aient aujourd’hui le courage d’en assumer les conséquences. En soutenant l’homme du 18 juin pour une tranquillité passagère, les français d’alors   compliquaient l’avenir de leurs enfants.

 

Si nous devions émettre un avis, nous dirions simplement aux français, à ces éternels donneurs de leçons qui s’imaginent être les dépositaires de la bonne conscience universelle : « Réjouissez vous chers amis ! passés le stade d’une xénophobie, de vos complexes de supériorité et de la découverte d’un folklore traditionnel, vous finirez,  «  bessif », par apprécier les qualités de vos compatriotes nord africains ».

 

En ce qui nous concerne, nous sommes à peu près sûrs que la grande majorité s’adaptera, certainement beaucoup plus vite que les pieds noirs. En s’embourgeoisant, en s’enrichissant des mentalités européennes ils accèderont aux premiers rangs dans l’échelle sociale. Les autres, ceux qui n’auront pas la chance de s’affirmer socialement, regroupés en ghetto, resteront la proie des islamistes et des agitateurs de toutes sortes. Et là prenez garde au châtiment prédit il y a un demi siècle par le maréchal Juin !

 

Malgré les statistiques officielles et les chiffres minimisés distillés au compte goutte, la société française est  en pleine mutation et ne semble plus pouvoir faire marche arrière.

Tel est le bilan de quatre décennies d’une  politique dite de l’autruche et d’une complaisance citoyenne qui a permis à de nombreux étrangers de venir, non pas  prendre le travail des français,  mais  prendre les  allocations et autres subsides que la France, généreusement, dilapide sans compter.

 

Pour vous faire expier un peu plus mon pauvre Glandu, vous qui avez peut être été STO, comment trouvez vous cette expression qui nous rend complètement hilare :  « Travailleur immigré au chômage ! » expression que je n’arrive pas à comprendre et que vous, ancien syndicaliste, pourriez peut être   expliquer !

 

En espérant que ces  quelques réflexions dont vous ne pouvez plus contester l’objectivité    ébranlerons  davantage vos bancales certitudes et rogneront un peu plus   le blindage   déjà  éprouvé de votre carapace  de plus en plus  vulnérable, j’espère que comme nous vous  conviendrez bientôt que tous ces étrangers, dont vous ne soupçonnez pas la  sympathie, sont bien moins dangereux que toutes les bandes d’agitateurs et de pseudos révolutionnaires qui ont fait naître, avec votre bénédiction, cette gigantesque pagaille.  

 

 Maintenant je rassure ceux qui voudraient déformer  ma pensée et me faire passer pour le raciste au service d’une anti France. Comme de nombreux compatriotes de là-bas, ce métissage ne me gène nullement, pensant même qu’il amènera une certaine régénération de cette bonne vielle souche gauloise en perte d’identité.

 

A force de vouloir commémorer les défaites de la France et de transformer vos fiascos en victoires, ce qui est devenu aujourd’hui une méthode reconnue et quelques fois efficace, vous voilà englués  dans un processus de non retour qui met d’ores et déjà les institutions républicaines en péril.

 

Serez vous capables de vous ressaisir ? J’en doute ! Car la France, depuis Napoléon, souffre d'hommes providentiels.

 

Nous restons une fois de plus des spectateurs attentifs en prenant soins ni de   miser ni de jouer les bookmakers.

 

Je vous adresse l’expression de ma profonde indifférence et si je n’éprouve même plus l’envie de vous railler, tellement vous  semblez  désarçonné, j’émets des doutes sur votre avenir et celui d’un pays que vous avez complaisamment souillé, ruiné et bradé ! 

Pour finir par une formule de politesse  qui nous est chère, que l’on dit plus par habitude et courtoisie orientale que par conviction : « Que Dieu vous bénisse ! »…

vous en avez, je crois, un besoin pressant.

 

 La France méprisable de De Gaulle et de ses successeurs, pour avoir choisi les pires interlocuteurs et en servant de base arrière au FIS, sera principalement coupable et  responsable de la déchéance économique et sociale  progressive de l’Algérie, entraînant la montée inévitable de l’islamisme et son accession démocratique au pouvoir.

Cette superbe intelligence que l’on prêtait au  grand visionnaire du siècle  n’avait pas prévu la future invasion, pourtant prévisible, de l’hexagone dont le prix à payer, outre le  métissage de la nation gauloise, reste encore une inconnue. 

  

 

 

 

 
          Le plus grand fabulateur du siècle.     


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réconciliation entre Algériens de toutes origines passe par l'acception de certaines vérités historiques qui forcément ne pourront pas plaire à tous. Difficile obstacle à franchir lorsque de part et d'autre on a été durement touché par des actes que l'on ne peut que qualifier de barbares.

Ceci dit, rien n'empêche des hommes et des femmes  de bonne volonté, et il y en a beaucoup de part et d’autre de la méditerranée, d’essayer.

Six  à  huit  millions de  personnes en France,  d’une  manière  ou d’une  autre,  sont liées  à l’Algérie. Pieds-noirs, chrétiens et juifs, beurs, harkis, Algériens, Français y ayant fait leur service militaire ou anciens militants, ainsi  que  leurs  descendants.  Et bien plus si l’on prend en compte les immigrés et les clandestins.

Respectueux des convictions de chacun, notre espérance est de rassembler tous ceux qui aiment passionnément cette  terre Algérienne et d’essayer ainsi de sauvegarder un pan de mémoire qui se meurt, une part de vérité, un témoignage.

 

Pour tous, il faut d’abord, de part et d’autre, réhabiliter le plus honnêtement possible les mémoires en essayant une analyse objective. “Il faut juger alors avec les yeux d’alors”. Aragon

Pour les gouvernements et certaines associations, on en est encore aux polémiques.
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Chacun revendique sa fin de sa guerre d’Algérie : le 19 mars ou 5 décembre, exagération et surenchères du nombre des victimes, falsification de l’histoire pour les vaincus et écriture d’une histoire romancée pour les vainqueurs qui ont un besoin d’Histoire à enseigner à un peuple jeune et turbulent. Alors, de chaque coté, on ment, on triche, on exagère, on se fabrique des légendes que certains historiens fort peu scrupuleux manipulent en fonction de leur fond de commerce et d’un public toujours aussi crédule, en partie attardé, en majorité peu concerné.

Arrêtons de commémorer des massacres ou d’élever des monuments à la gloire des martyres qui le plus souvent restent oubliés des plus grandes masses. Travaillons avec le moins d’amertume possible, le regard résolument tourné vers l’avenir, à une réconciliation sincère. 

 

Rapprochement de plus en plus reconnu par un hermétique public métropolitain et par les jeunes algériens qui commencent enfin à entrevoir certaines réalités et pour qui l’histoire réelle de 130 ans de vie commune trop romancée reste à découvrir.

 

Il faut dire que nous sommes accueillis à bras ouverts en Algérie, que les jeunes Algériens ont soif de connaître l’histoire de leur pays à travers notre vécu et que le dialogue qui n’a jamais vraiment été interrompu entre nous prend aujourd’hui dans l’hexagone un aspect nouveau. Un aspect aux accents de vérité.

 

Il faut profiter de ce spectaculaire phénomène revenant de plus en plus fréquemment d’actualité, depuis l’année   2003,  et repris par les médias qui ne peuvent plus  soustraire  la Vérité historique à un public français et algérien, de plus en plus curieux de leur histoire. Une pantomime de rapprochement officiel des gouvernements, pour des raisons démagogiques, électorales ou simplement honteuses, tardent à se reconnaître. Il est vrai que la reconnaissance de certains faits  pénaliserait un demi siècle d’attitude pervers et mensongère.

 

Seul le respect mutuel de notre histoire et la reconnaissance réciproque des évènements d’un passé douloureux et encore trop présent permettra la grande rencontre tant attendue entre algériens de tous bords, tous issus de cette même terre que nous avons en commun et que nous continuons toujours de chérir. La vérité a des ailes, et nul ne peut empêcher son envol. ( Avérroes.)

 

Il est grand temps que des historiens honnêtes prennent le relais de ces « troubadours » modernes qui  réécrivent depuis un demi siècle une histoire complaisante. L’attitude du peuple algérien semble témoigner  de son attachement et de sa fidélité envers une certaine France, peut être un peu à cause des Pieds Noirs qu’ils connaissent mais qui hélas ne représentent pas exactement les mentalités françaises.

 

 

 

Fin de la deuxième partie 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

aurore  le 11-04-2014 à 10:18:04  #   (site)

moi même petite fille d'algerien..

 
 
posté le 12-04-2014 à 09:46:37

Troisième partie. Alger à 44 ans de distance.

 

 

 

 

  

 Cabinet de réflexions.

 

Cette traversée en solitaire est un passage à vide, une sorte de sasse de réflexion, de quarantaine, qui permet d’émerger et de se soustraire au mauvais climat, que fait régner de part et d’autre de la méditerranée, quelques  mauvais coucheurs.  Pour des raisons diverses et pas toujours  honorables, ces excités  de tous bords continuent d’exploiter politiquement et  sans retenue, les moments les plus tragiques de notre histoire. 

 

Dans l’ imaginaire de ces gens de mauvaise foi, que je n’hésite pas pour la plupart à  considérer comme racistes, la guerre d’Algérie qu’ils ne veulent pas finir, est un tremplin téléguidé bien commode. En France contre tout ce qui peut avoir un lien direct ou indirect  avec les arabes et l’Islam. En Algérie, pour permettre à la nomenclature en place de satisfaire et calmer des courants jugés extrémistes. 

Certains, continuent dans un esprit d’amertume, peut être aussi par habitude, de servir des intérêts qui ne sont pas les leurs et comme jadis, complètement aveugles, passent à côté de la réalité. 

 

Bon nombre d’entre nous sommes lassés et parfois furieux de constater cette médiocrité si maladroitement exprimée.    Cet état d’esprit revanchard manifesté en France par une minorité politisée ou par des gens aigris, qui souvent au temps de l’Algérie française étaient loin d’être  considérés comme des nantis, porte un tort considérable   à notre communauté. Toujours encadrés et manipulés,   employant tous les subterfuges,  ils  alimentent gratuitement des polémiques stériles  n’hésitant pas à se servir des morts et des martyrs pour déclencher des  campagnes anti sarazines qui nous font remarquer.     Cette minorité de perturbateurs « déposeurs de gerbes et  ranimeurs » de flammes, en  empruntant des attitudes    nationalistes d’extrême droite,  ne font que militer pour leur fond de commerce et retarder les grandes négociations que nous espérons. Les plus crédules et les plus vulnérables d’entre nous applaudissent ces discours qui se traduisent comme à l’heure de l’anisette ou sur le divan, par des éructations libératrices qui ne mènent pas très loin.  

 

Ces  forts en paroles, dont le seul militantisme verbal consiste à  flirter et à   badiner haut et fort entre cinq et sept sur le net,  ne font avancer en rien nos revendications et ne représentent que ce qu’ils sont.  Bien peu  de monde, beaucoup de bruits et  le reflet dune image  ternie du monde très diversifié des pieds noirs.

 

Comme la grande majorité  silencieuse, dotée d’une expérience de la France acquise depuis l’exil, il est  préférable aujourd’hui, d’user de modération. Les vérités difficiles à assumer doivent nous convaincre que seule   une réconciliation sincère et honnête,  certainement douloureuse, permettra de rétablir des liens durables qui risquent de déboucher sur une prise de conscience des états,  permettant ainsi de sauver à court terme ce qui reste de nos cimetières.

 

Aujourd’hui nous sommes certains que seule  la réconciliation, largement médiatisée et donc reconnue, entre Pieds Noirs et Algériens, permettra de  déboucher sur des mesures que depuis 45 ans, nous réclamons en vain.

 

Le Maréchal Juin, qui ne fut ni à la hauteur de nos espérances ni à celle qu’en temps que pied noir et maréchal de France il aurait été tenu de s’astreindre déclarait en 1962 :

 « La France est en état de pêché mortel, elle connaîtra un jour le châtiment.

Il y a quarante cinq ans, la tragédie de l'Algérie française prenait fin par l'exode massif des pieds-noirs vers la métropole et le massacre des populations fidèles abandonnées sur ordre en Algérie.

Concentrant sur eux l'opprobre, désormais attachée au passé  colonial de la France, les Pieds Noirs virent leur histoire caricaturée, niée ou inversée.

 

Quarante cinq  ans après,  le bilan pourtant prévisible et désastreux semble reconnu. Les conséquences et les séquelles de cet épisode de l’histoire, aux quelles la France doit faire face aujourd’hui, est l’inévitable  tribu que ce bon peuple de France devra   payer en échange de sa passive complicité avec le régime gaullien.

 

L’  abandon sordide de l’Algérie, livrée à la va-vite, clés en main   à   la branche la plus extrémiste et socialisante du FLN, placera «  la France en état de pêché mortel »  et  apparaîtra progressivement dans l’histoire des deux pays comme un acte criminel dont les responsables, bien vite de part et d’autre amnistiés, échapperont aux  tribunaux internationaux. 

 

Pinochet poursuivi pour l’assassinat de 3000 personnes se verra  timidement inquiété alors que les responsables du génocide de plus de 100000 harkis et de toute l’opposition algérienne au FLN, termineront leurs carrières comme hauts responsables, ministres  ou chefs d’états.

Le général Katz, le seul assigné n’ayant pu  passer au travers des mails d’un filet pourtant lâche  eut la bonne idée de mourir avant sa  citation devant le tribunal.

En amnistiant les auteurs de tous les exactions commises pendant la guerre d’Algérie, De Gaulle mettait à l’abris, en même temps que   ceux, aujourd’hui accusés de tortures, une pléiade d’individus nettement plus compromis, responsables de massacres et d’exactions toujours minimisés et camouflées.

 

LaFrance méprisable de De Gaulle et de ses successeurs, pour avoir choisi les pires interlocuteurs et en servant de base arrière au FIS, sera principalement coupable et  responsable de la déchéance économique et sociale  progressive de l’Algérie, entraînant la montée inévitable de l’islamisme et son accession démocratique au pouvoir.

Cette superbe intelligence que l’on prêtait au  grand visionnaire du siècle  n’avait pas prévu la future invasion, pourtant prévisible, de l’hexagone dont le prix à payer, outre le  métissage de la nation gauloise, reste encore une inconnue. 

 

 
                  Bab el Oued
   

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   La réconciliation entre Algériens de toutes origines passe par l'acception de certaines vérités historiques qui forcément ne pourront pas plaire à tous. Difficile obstacle à franchir lorsque de part et d'autre on a été durement touché par des actes que l'on ne peut que qualifier de barbares.

Ceci dit, rien n'empêche des hommes et des femmes  de bonne volonté, et il y en a beaucoup de part et d’autre de la méditerranée, d’essayer.

Six  à  huit  millions de  personnes en France,  d’une  manière  ou d’une  autre,  sont liées  à l’Algérie. Pieds-noirs, chrétiens et juifs, beurs, harkis, Algériens, Français y ayant fait leur service militaire ou anciens militants, ainsi  que  leurs  descendants.  Et bien plus si l’on prend en compte les immigrés et les clandestins.

Respectueux des convictions de chacun, notre espérance est de rassembler tous ceux qui aiment passionnément cette  terre Algérienne et d’essayer ainsi de sauvegarder un pan de mémoire qui se meurt, une part de vérité, un témoignage.

 

Pour tous, il faut d’abord, de part et d’autre, réhabiliter le plus honnêtement possible les mémoires en essayant une analyse objective. “Il faut juger alors avec les yeux d’alors”. Aragon

Pour les gouvernements et certaines associations, on en est encore aux polémiques.
 

Chacun revendique sa fin de sa guerre d’Algérie : le 19 mars ou 5 décembre, exagération et surenchères du nombre des victimes, falsification de l’histoire pour les vaincus et écriture d’une histoire romancée pour les vainqueurs qui ont un besoin d’Histoire à enseigner à un peuple jeune et turbulent. Alors, de chaque coté, on ment, on triche, on exagère, on se fabrique des légendes que certains historiens fort peu scrupuleux manipulent en fonction de leur fond de commerce et d’un public toujours aussi crédule, en partie attardé, en majorité peu concerné.

Arrêtons de commémorer des massacres ou d’élever des monuments à la gloire des martyres qui le plus souvent restent oubliés des plus grandes masses. Travaillons avec le moins d’amertume possible, le regard résolument tourné vers l’avenir, à une réconciliation sincère. 

 

Rapprochement de plus en plus reconnu par un hermétique public métropolitain et par les jeunes algériens qui commencent enfin à entrevoir certaines réalités et pour qui l’histoire réelle de 130 ans de vie commune trop romancée reste à découvrir.

 

Il faut dire que nous sommes accueillis à bras ouverts en Algérie, que les jeunes Algériens ont soif de connaître l’histoire de leur pays à travers notre vécu et que le dialogue qui n’a jamais vraiment été interrompu entre nous prend aujourd’hui dans l’hexagone un aspect nouveau. Un aspect aux accents de vérité.

 

Il faut profiter de ce spectaculaire phénomène revenant de plus en plus fréquemment d’actualité, depuis l’année   2003,  et repris par les médias qui ne peuvent plus  soustraire  la Vérité historique à un public français et algérien, de plus en plus curieux de leur histoire. Une pantomime de rapprochement officiel des gouvernements, pour des raisons démagogiques, électorales ou simplement honteuses, tardent à se reconnaître. Il est vrai que la reconnaissance de certains faits  pénaliserait un demi siècle d’attitude pervers et mensongère.

 

Seul le respect mutuel de notre histoire et la reconnaissance réciproque des évènements d’un passé douloureux et encore trop présent permettra la grande rencontre tant attendue entre algériens de tous bords, tous issus de cette même terre que nous avons en commun et que nous continuons toujours de chérir. La vérité a des ailes, et nul ne peut empêcher son envol. ( Avérroes.)

 

Il est grand temps que des historiens honnêtes prennent le relais de ces « troubadours » modernes qui  réécrivent depuis un demi siècle une histoire complaisante. L’attitude du peuple algérien semble témoigner  de son attachement et de sa fidélité envers une certaine France, peut être un peu à cause des Pieds Noirs qu’ils connaissent mais qui hélas ne représentent pas exactement les mentalités françaises.

 

 

 

 

 Pieds Noirs. Appellation contrôlée.

 

Se sont-ils intégrés ?

 

« On peut être surpris que, souvent vilipendés collectivement en tant qu'abominables colonialistes, ils aient su se faire apprécier individuellement au point d'être si souvent élus en politique, portés à la tête d'organisations professionnelles, ou acclamés comme vedettes de spectacle... »
 

Au moment de l'exode, la plupart ont vu leur patrimoine et leur outil de travail, fonds de commerce, ferme, atelier, maison, mobilier, voiture, s'évanouir en fumée. Ils ont dû repartir  de zéro, souvent dans les pires conditions matérielles, toujours dans la même  détresse psychologique.

Où étaient à cette époque âmes charitables et les cellules de crises ?

 

«  Les Français d'Afrique du Nord n'étaient pas riches ! Pour reprendre l'image dont usait, par dérision, Albert Camus, leurs parents n'étaient pas « des colons à cigare et à cravache montés sur Cadillac ». Ni snobs, ni distingués au sens de Bourdieu. Ils ne portaient pas de costume trois-pièces et n'accrochaient pas, à leur bras, de parapluie anglais soigneusement roulé.

Camus lui-même était orphelin de guerre. Sa mère, femme de ménage. Le père du maréchal Juin était gendarme. Celui du prix Nobel, Claude Cohen-Tannoudji, était employé de bureau. Emmanuel Roblès était né d'un père maçon et d'une mère blanchisseuse. Jacques Attali ne manque jamais de rappeler que ses parents étaient de simples commerçants d’Alger. »

 

Le dynamisme, le goût du travail, la joie de vivre, ces qualités d’homme  leur ont permis  de reconstituer progressivement leur patrimoine. Perdu dans un pays longtemps hostile et froid, leur capacité d'adaptation héritée d'une tradition d'émigrés, leur esprit défricheur,  d’entêtés pionniers ont contribué à leur réinsertion professionnelle dans une atmosphère franchement hostile  et nourrie de clichés peu à leur avantage.

 

Certains de ces Français d'Afrique du Nord, après l'exode ont entamé ou poursuivi,  en France ou ailleurs, des carrières remarquables. Les autres, la classe moyenne que les français ont souvent assimilés aux colons : artisans, ouvriers, pêcheurs, petits entrepreneurs, techniciens, enseignants, modestes commerçants, agents des services publics, cultivateurs,  se sont mis au travail et le rétablissement spectaculaire   opéré de ce côté-ci de la Méditerranée est à coup sûr le meilleur gage de l'authenticité des valeurs dont ils étaient porteur. 

 

Cette  mosaïque de races fut  constituée  de gens simples et travailleurs,  amoureux de la vie, volontaires à l'ouvrage, prompts à prendre des initiatives. Ils furent toujours le produit d'une sélection  de populations européennes et méditerranéennes transplantées complétées de   petits négociants  juifs réfugiés depuis des siècles au cœur des villes,   d’Arabes et de Berbères. Souvent main dans la main, presque toujours dans une atmosphère de rivalités, sans trop s'embarrasser de différences religieuses, ils contribuèrent loin du grand colonat à façonner les détails de cette Algérie profonde.

 

Ecoutons l’éminent  professeur Maurice Tubiana qui résume en quelques mots ce climat d’une apparente douceur

«  L’Algérie était une mosaïque de castes, de groupes ethniques et religieux qui se côtoyaient et se jugeaient sans bienveillance. Il en résultait une atmosphère de tension et de conflits latents, mais aussi un dynamisme, une volonté d’ascension, un désir de réussite sociale, une créativité propre à un pays d’immigrés, pur et dur où les rivalités étaient exacerbées dans un cadre ensoleillé qui noyait tout dans une apparente douceur de vivre. »

 

Convaincu de leur appartenance infaillible, voir viscérale à ce grand pays idéalisé et enjolivé par les récits de leurs pères et grands pères revenus couverts d’honneur et souvent gazés des champs de bataille, le pieds noirs, conditionnés par la presse coloniale,(brûlot dont les propriétaires étaient les quelques gros colons),  ne pouvait imaginer autre dénouement  qu’une solution française, schéma  que De Gaulle s’empressa d’exploiter engageant l’armée, les Algériens et la République.

 

Il ne tardera pas à faire et à dire le contraire de tout ce qu’il avait promis sous serment devant le drapeau et prendre en otage tout un peuple qu’il sacrifiera avec  cynisme et  fourberie en imposant et en prolongeant une guerre civile, sale, meurtrière et sans issue honorable.

 

Le pieds noirs est ou plutôt était un français fier de l'être et contrairement  à son compatriote métropolitain, le mot « patrie »ne le faisait pas ricaner. Terme longtemps contre versé, l’expression de pieds noirs n’est vraiment apparu qu’au début de la rébellion. Peut être pour différencier les Algériens de souche musulmane des  européens que les français appelaient globalement alors algériens. A cette époque l’élite coloniale se qualifiait d’Algérienne face aux gouvernants de Paris et de Française quand il s’agissait de bloquer les réformes.

 

Le sobriquet de « pieds noirs », sans doute péjoratif au début,  fut adopté d’emblée par l’ensemble des algériens d’expression française qui voulurent sans doute se démarquer des indigènes qu’on a continué à appeler les Algériens. Ce mélange de races et de religions donnera naissance à une nouvelle société  qui s’identifiera  pleinement  qu’après leur départ d’Algérie.

 

 

 

 

Latin, méditerranéen ombrageux et fier, le pied noir est un personnage sorti tout droit de l’imagerie populaire. Le rire et la dérision font parti de son quotidien. Moqueurs extrêmes, même dans l’adversité, les pieds noirs ne devaient jamais de départir de cette qualité joyeuse et réparatrice. Rebelle, « macho », bon camarade, il est avant tout respectueux du clan familial. Il est souvent armé d’une susceptibilité et d’un goût ibérique du courage. Volontiers batailleur, querelleur, gagneur et têtu, il sait tendre la main à un adversaire loyal, s’allier à des causes honorables et consacrer une énergie considérable aux entreprises qu’il a décidé de réaliser. Une attirance naturelle et méditerranéenne vers les idéologies fortes, où le sens patriotique et cocardier tiens une place de premier ordre, l’entraînera à son insu à opter pour un camp qui ne fut ni celui de la sagesse ni celui du réalisme. Pourtant sérieusement  échaudés,  certains esprits simplistes continuent par instinct ou par habitudes, de s’enflammer  pour des causes  qui ne sont plus les leurs, prolongeant ainsi leur guerre d’Algérie, entretenant une rancœur qu’ils ne veulent ou ne peuvent refouler. Sans vraiment comprendre  que ces sentiments négatifs sont un obstacle à  une sérénité tant méritée, ils persistent, dociles, crédules et  conditionnés, à soutenir des thèses qui ne sont plus  d’actualité. Au fil de l’usure électorale, ce qu’elle n’a pas encore réalisé, cette minorité aveugle comme jadis,    est en train de brûler ses dernières cartouches et  se saborder bêtement.        

 

En sabotant les dernières chances d’une réhabilitation  honorable et d’une réconciliation honnête et réciproque avec leur frères algériens, de nombreux compatriotes prennent le  risque de finir leur vie d’exilé sans connaître  l’apaisement et la sérénité que procure ces retours toujours ou secrètement espérés.

 

Quarante cinq ans après l’érosion du temps a considérablement rogné et altéré les qualités et cet enthousiasme qui jadis caractérisait l’ensemble de la communauté pieds noirs.  Sa participation dans le domaine associatif en témoigne. Aujourd’hui comme hier, la communauté pieds noirs considérablement divisée n’arrive pas se rassembler pour afficher, hors des clivages politiques, une union et une « force tranquille » qu’elle aurait du acquérir de par son expérience. C’est peut être là la preuve que nous courrons toujours après une identité qui certainement n’existe pas.

 

« Plus royaliste que le roi », plus français que le français, la plupart du temps ces enfants d’immigrés  n’ayant pas encore compris les mentalités françaises où priment l’indifférence et l’individualisme, continuent de pavoiser des sentiments d’un autre temps. Sans avoir beaucoup évolués, manifestant des attitudes  toujours aussi cocardières, quelquefois teintées  d’un esprit de revanche   qui s’apparente au   racisme,  ils continuent de croire qu’ils ont un avis à donner  sur toutes les turbulences, qui secouent la France Algérienne. Certains sites internet,  sans modestie ni complexes, en  sont  chaque jour les gênants témoins. Exprimer notre rancœur, cela peut se concevoir même si cela ne fait plus avancer les choses, s’allier à des coquins pour  entraîner ses pairs  à avoir des attitudes  haineuses,  cela  est aujourd’hui  récusable. 

 

S’il y a  rancœur, celle-ci   va en premier lieu vers la France qui nous a trahi, trompé, humilié. Tant que la France, le plus officiellement du monde, n’aura pas prononcé son acte de contrition à notre égard, l’électorat pieds noirs  ne devrait pas se prononcer.                    

Tous sentiments, bons ou mauvais, à l’égard de ce pays ne devraient en aucun cas se manifester . Ce qui n’est bien malheureusement pas le cas. Comme toujours chaque fois qu’une occasion de dérive se présente, nos représentants souvent autoproclamés  ne ratent jamais une occasion de nous faire passer pour ce que nous ne sommes pas.  Une minorité d’agités et de nostalgiques qui ne dépasse pas 3 % continue de flirter avec  des extrémistes peu recommandables.  En continuant de proclamer et d’afficher ce « patriotisme » d’attardés, ils confirment d’une manière anachronique et caractérielle, l’image que nous nous efforçons de ne plus donner de notre communauté.

Certains de ces revanchards poussés  souvent  par des « jusqu’au boutistes »   se servent   maladroitement de notre passé, de nos martyres, de nos cimetières  pour allumer des foyers de tension qui leur permettent d’alimenter une  propagande anti-arabe et de tenir au nom de la communauté des propos hors sujets jugés déplacés. Cette minorité mal pensante, manipulée ou ignorée par ceux qui furent jadis nos détracteurs, donne l’impression  complètement erronée  de représenter l’ensemble de la communauté pieds noirs. Ce qui est malheureusement repris malhonnêtement par nos détracteurs.

 

La grande majorité, déçue, démotivée, écoeurée ou soudainement  indifférente reste silencieuse et se contente de figurer de plus en plus rarement dans les réunions gastronomiques où le menu semble avoir plus d’importance que le contenu de nos revendications ou l’écriture de notre histoire.  Quelques militants de la réconciliation prêchent un peu dans le désert un rapprochement entre le peuple algérien, nationaux, pieds noirs et harkis. Langage de paix, de tolérance et de fraternité que les états ne désirent pas  voir trop rapidement se  concrétiser.

La plupart du temps, correctement intégrés et souvent nantis les pieds noirs semblent se désintéresser de leur passé et de leur rôle de derniers témoins de l’histoire. En dehors des associations couscous-merguez, ils rechignent à ouvrir leur bourse et à s’associer à la cause communautaire. Quand aux nouvelles générations, très peu se sentent concernés.

 

Ceci dit notre appartenance au peuple de France se traduit encore aujourd’hui pour la plupart d’entre nous par une évidente indifférence nationale, par un désintéressement total des affaires publiques et un désengagement complet de toute vie civique. Est-ce peut être déjà là, les signes d’une intégration et d’un rapprochement inéluctable vers les mentalités typiquement françaises ?

 

Etre pieds noirs en 2014, comme le traduit si bien J.J Jordi, c’est d’abord admettre la diversité des individus comptabilisés sous cette appellation générique. Compte tenu de ces différences,  ce n’est pas 1830 qui crée le pied-noir, mais 1962.

Le rapatriement massif et tragique du printemps et de l’été 1962 devient l’élément fondateur d’une communauté qui se vit en exil. Le déracinement et l’éparpillement sur le sol métropolitain contribuent très rapidement au renforcement d’une conscience commune qui n’avait, semble-t-il, pas cours en Algérie. Dans une large mesure, l’attitude volontairement dévalorisante des pouvoirs publics et le rejet souvent affiché par les métropolitains vont cristalliser en ces pieds-noirs le sentiment d’être une communauté opprimée. D’ailleurs, ce terme de “pied-noir”, refusé dans un premier temps puis relevé comme un défi par les Français d’Algérie, renvoie à celui qui a L’étude des populations euroméditerranéennes (espagnole, italienne, maltaise), suisse ou alémaniques, pour ne prendre que les contingents les plus remarquables qui s’installent en Algérie, qui deviennent en un peu plus d’un siècle, par un cheminement assez complexe, des Français de la IIIe République, puis des Français d’Algérie, enfin des Français “de là-bas”, c’est-à-dire des Français pas comme les autres, en reste l’exemple le plus saisissant.

Etre pieds noirs en 2013, c’est  rester les derniers témoins, les plus gênants possibles, d’une sombre période de l’histoire de France et pour les plus courageux d’entre eux, continuer de dénoncer la gigantesque entreprise de falsification de leur histoire, sans basculer dans le camp des aigris et des  revanchards.

Etre pieds noirs en 2014, c’est afficher une modestie politique et culturelle qui seule, nous permettra d’accéder aux tables de négociations où jusqu’à ce jour nous sommes écartés.

L’éducation  Nationale curieusement abandonnée depuis la guerre à la gauche la plus malhonnête, s’applique à  réécrire l’histoire à sa façon et toujours à sens unique. Des  colloques d’historiens présélectionnés, où tous représentants Pieds Noirs et Harkis sont exclus s’attachent à mettre à jour une soit disante réalité historique orientée   politiquement et idéologiquement. Dénoncer «  ce détournement historique d’un véritable lobby négationniste » est aujourd’hui une démarche indispensable qui permettra peut être aux historiens de demain de remettre de l’ordre et de réhabiliter la vérité historique.

 

Etre pieds noirs en 2014, c’est aussi continuer d’aimer sa terre natale, de découvrir son histoire, la vraie, et d’amorcer définitivement dans un respect mutuel et partagé, la grande réconciliation entre tous les enfants de cette Algérie, pour essayer entre autre de sauver ce qui peut encore l’être et en particulier ce qui reste de nos cimetières.

Il est de plus en plus vrai que le temps a ramolli nos énergies souvent freinées et fatiguées par ceux qui n’ont pas encore fini leur guerre d’Algérie. Quarante cinq ans d’exil n’ont pas réussi à nous confondre complètement dans la société française qui après un phénomène d’engloutissement et d’amnésie collective commence à découvrir que son histoire est intimement liée à celle de l’Algérie.

 

Notre principal ennemi reste le temps qui réduit chaque jour le nombre des derniers témoins de  ce passé en terre algérienne. Avons-nous fait assez d’efforts pour passer le flambeau à nos enfants et leur transmettre les qualités de nos pères ? La réponse décevante est non ! Avons-nous eu assez d’audace pour dénoncer la trahison et l’inhumanité criminelle de l’homme du 18 juin. La réponse est encore non.

N’avons-nous pas eu tendance à admettre trop facilement comme une fatalité historique cette décolonisation bâclée qui apparaît de plus en plus comme un largage catastrophique et honteux ?

Autant de questions que nous ne cesserons jamais de nous poser et qui feront de nous des exilés, des apatrides, des déracinés.

 

 

 

 

 

 Terre !

 

Cette terre Algérienne que je refoulerai demain matin après 44 ans de distance, soit presque trois fois plus de temps passé en exil que sur le sol natal, j’avais décidé depuis longtemps de l’aborder par voie maritime.

 

Peut être d’abord pour effacer  l’horrible souvenir  du départ, mais aussi pour retrouver le grand Alger qui dans mon esprit était resté intacte.

Cette approche du pays, tous les heureux élus arrivés par bateaux l’ont gardé gravée dans leur mémoire. Des plus hostiles des bidasses aux amoureux inconditionnels de ce pays, pas un visiteur, ne peut parler de cet endroit magique comme  l’un des plus beaux sites qu’il n’ait jamais vu.

 

Cet envoûtement  inexplicable s’opère dès que la ville émerge à l’horizon. Cette arène que forme la rade d’Alger sur 12 km de long et 8 km  de profondeur avec en amphithéâtre  les balcons en escaliers des plus belles avenues de la capitale dominées par la citadelle de la Casbah  vous plongent d’emblée dans cinq siècles d’une histoire romantique, tumultueuse, de piraterie et d’orientalisme.

Cette  ville avait une histoire et un passé souvent galvaudé par la   colonie qui  dégrada passablement dès 1830 l’aspect de la Casbah qui fut détruite en grande partie. En 1962 la casbah d’Alger représentait un tiers de sa superficie initiale, aujourd’hui un tiers de ce qu’il restait en 1962 a encore disparu. Dans 20 ans, il ne restera plus ou presque rien.

 

Alger, fut défigurée par la colonie puis rebâtie en longueur  sur le mode Hausmanien. La France pendant 132 ans d’occupation en fit une capitale éclatante construisant dans un style néo-oriental de grands édifices publics.  Cent trente années d’efforts, de travail et de modernité permirent aux habitants d’Alger et en général de l’Algérie d’être appelés par  les autorités françaises des « Algériens ». Le terme Pieds Noirs n’était pas encore né.

 

 

 

Algérien d’expression française.

 

Ce terme inventé par le cercle algérianiste correspond bien et beaucoup mieux à notre identité que les différents qualificatifs, pieds noirs, rapatriés, repliés, réfugiés, français d’Afrique du nord, etc… employés   depuis quarante ans pour nous  différencier des français métropolitains.

Cette profusion  de dénominations utilisées par nos hôtes pour nous démarquer d’une manière, il faut le dire de moins en moins discriminatoire, continue de nous faire penser que ce rivage de la Méditerranée n’est pas vraiment le nôtre.

 

Si notre vie s’est reconstruite ailleurs, le souvenir de notre terre reste encore vivace et l’expression « chez nous » où «  là bas »  toujours prononcés avec une certaine émotion, ravive en permanence une nostalgie qui ne s’éteindra jamais.

 

Oui nous sommes des algériens sans majuscule, car la majuscule signifierait la double nationalité que l’on  pourrait nous accorder dans une Algérie plus intelligente.

Oui nous sommes des algériens car notre état d’esprit, nos mentalités, nos traditions,   pour beaucoup inchangées, ont de grandes similitudes avec ces peuples, juifs, arabes et berbères.

Nous fonctionnons instinctivement  dans de nombreuses situations et souvent avec une certaine fierté comme des « orientaux ».

 

Cette longue cohabitation avec l’arabe, le berbère, le juif et les musulmans en général a  décuplé  les nombreuses coutumes,   traditions,   habitudes et  réflexes qui certainement existaient déjà dans notre ancienne culture méditerranéenne.

 

Sommes nous algériens ? sans aucun doute et nos frères nous reconnaissent comme tel.

 Nous sommes algériens parce que les cinq générations de nos pères qui  y ont vécu  nous en donnent le droit.

A une époque où les élites bien pensantes se gargarisent de l’expressions à sens unique  du «  droit du sol », nous pouvons revendiquer ce droit et penser même qu’une double nationalité serait acceptée aujourd’hui comme un geste symbolique et fort, un geste de reconnaissance et de réconciliation.

Lequel d’entre nous, en son âme et conscience et en toute modestie, ne l’accepterait pas ?   

Un tel évènement qui aurait pu certainement voir le jour avec le président Boudiaf qui avait reçu chaleureusement notre dévoué Jacques Roseau, pourrait vraiment permettre aux algériens d’expression françaises de renouer définitivement avec le pays et  consolider un lien visant à renforcer le caractère fraternel, véritable trait d’union  utile et indispensable au rapprochement   franco-algérien.

Les   quelques  bruyants trublions que nous connaissons en profiteraient pour éructer une fois de plus leur rancune mais la grande majorité accepterait cette reconnaissance comme un hommage que nous méritons.

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Comme toujours  une minorité d’excités et de revanchards en voie d’extinction crieraient au scandale et à la trahison.  Une telle reconnaissance  ruinerait d’un seul coup ces nombreux fonds de commerce où il est encore coutume de « bouffer de l’arabe » sur fond de drapeau tricolore.  

 

Imaginons demain, un Bouteflika plus inspiré (ou son successeur), après avoir   jaugé  la valeur des   grandes  promesses sans lendemain américaines, décide de ranger ses clowneries au placard et   de concrétiser un partenariat  équitable  avec le pays le plus proche, celui qui l’a enfanté.

Imaginons que les deux états, libérés de tous complexes et concernés par les vrais problèmes, prennent les mesures adéquates visant à officialiser et à développer leurs relations  ancestrales.

Imaginons, non seulement les retombées économiques, culturelles  et humaines qui en résulteraient, l’importance que prendraient les deux pays sur leur deux continents. 

 

Opportunités d’affaires comme  ce fut le  cas du Maroc  qui a très vite compris l’intérêt de ses enjeux économiques dans un rapprochement avec l’Europe. Il est vrai que l’éducation et la forte personnalité du roi Hassan II  prédisposaient le tyrannique souverain, à ce rapprochement qui ne fit qu’enrichir sa propre fortune personelle.

L’Algérie, qui possède aujourd’hui des infrastructures touristiques de qualité, mais à longueur d’années désertes et improductives, en rassurant  l’Europe deviendrait une   fabuleuse destination    en même temps que le  centre d’intérêt de tous les tours opérateurs, qui à une heure du vieux continent, proposeraient les plus beaux sites de la planète.

 

Rien ne nous empêche de rêver et de penser que d’ici peu de nouveaux dirigeants, débarrassés de leurs chimères franchiront ce pas. En précurseurs commençons à manifester  ce désir.   

 

Demandons, réclamons, exigeons des actes symboliques et forts en nous appuyant pour commencer sur le culturel,  baptêmes de rues, d’avenues, jumelages de villes et de villages, réhabilitation du monuments aux morts d’Alger en hommage à tous les morts d’Algérie,  rencontres entre Algériens et Français sur les deux territoires, enfin entreprendre diverses actions individuelles ou privées, anciens des écoles, parrainage d’enfants, de collégiens, sauvegarde du patrimoine architectural, culturel, etc. Une manière de participer à ce rapprochement et à la reconstruction d’une  amitié constructive et pleine  d’espérance.

 

Voilà peut être un créneau où les algériens d’expression française associés aux algériens d’expression maghrébine pourraient s’engager  en mettant en commun toute les énergies dont ils sont capables.

« Considérant les liens culturels qui existent entre les peuples originaires du Maghreb, et entre les Pieds-Noirs issus de ces pays, nous considérons que tous peuvent œuvrer pour que cette  rencontre qui les concerne à tous  de la même manière,  débouche inévitablement  sur des actions  allant dans le sens de l’apaisement   et de la fraternisation.

 

 

 

 

 

Notre compatriote Eric Wagner, pionnier pas toujours, compris de ses pairs, exprime bien ce même sentiment en soulignant :

 

« soyons  partie prenante de cette volonté d’alliance et d’amitié entre peuples, afin d’y être associés, et démontrons à la face du monde, en guise d’un message d’espoir pour les peuples se déchirant aux quatre coins du globe, la force du lien des Pieds-Noirs avec le peuple algérien, au-delà d’une guerre que nous avons pu vivre comme une guerre civile, aussi. »

 

« Du passé restent des cicatrices douloureuses à ne pas négliger, mais elles ne doivent plus continuer à être un obstacle pour aller de l’avant »

 

« Par ce rapprochement, ces retrouvailles accentuées, il ne s’agit nullement de reniements : seulement de lucidité, d’innovation (pensée, action) à mener à bien avec tous ceux qui partagent ces analyses et objectifs. » 

 

« Nos mémoires, Pieds-Noirs ou Algériennes, sont douloureuses (nous sommes bien  tous des victimes, sans aucun doute possible, et pas seulement nous, dans cette conclusion dramatique de notre histoire commune).

Mais ne risquons pas de tomber dans une concurrence victimaire qui nous enfermerait dans des rôles devenus pièges. Essayons plutôt de rejoindre l’universalité des souffrances et des joies humaines, pour que ce qui s’est vécu sur les deux rives de notre histoire soit, au-delà des problématiques des traumatismes et de l’exil, une aventure de la conscience. »

 

« Doit-on, alors que le monde tente d’avancer, que des  générations nouvelles s’épanouissent en portant un regard curieux et objectif sur cette histoire (qui leur appartient aussi, ils en ont conscience), doit-on donc sans fin sacrifier le présent au passé en fermant toutes les portes, en coupant toutes les passerelles,  brisant ainsi l’espoir d’un avenir en commun à partager en tenant compte des réalités d’aujourd’hui? Partage qui est possible entre Pieds-Noirs, Algériens de l’exil (osons cette définition puisque des Algériens de citoyenneté les reconnaissent pour tels) avec les Algériens d’Algérie, quand des signes forts venant notamment de là-bas  permettent d’y croire vraiment, y invitent… »

 

Ce qui est sûr aujourd’hui c’est que les  pieds noirs sont une composante du peuple algérien.

Ce   pays sentimentalement est le  leur.

La reconquête affective n’est pas à faire puisque jamais  ils n’ont pu se détacher de cette terre.

 

Ce qui importe  aujourd’hui, au-delà des reconnaissances officielles des états, freinées par des  surenchères imbéciles  que les peuples  ne partagent pas, c’est la reconnaissance avouée et reconnue du peuple algérien à notre égard. Par leurs marques d’affection réciproques,  tous ces Algériens, enfants de cette même terre,  

confirment  en faisant  un pieds de nez à l’histoire, l’importance de ces retrouvailles. 

 

Peu importe les repentances et les actes de contrition. Nous savons tous qu’en matière de   barbarie, de part et d’autre, la ligne jaune  fut franchie.  Quel serait l’homme de bonne foi qui pourrait affirmer le contraire ?

Revenir sur le sujet et retarder ces rapprochements sont  un moyen diplomatique et démagogique de satisfaire des minorités  actives ou dangereuses et de laisser les populations dans un désarroi  croissant.  Alors que les problèmes économiques de  deux côtés des deux rives conditionnent à des degrés différents, les populations dans une misère alarmante, un nouvel ordre qui ne se situe plus au niveau d’une occupation territoriale, est entrain d’hypothéquer l’avenir au profit de minorités   indélogeables.

 

A t on le droit de rêver, nous pieds noirs, à un changement ? Pourquoi pas !

A t on le droit de rêver, nous pieds noirs, à une reconnaissance plus officielle d’un état Algérien plus démocratique ? Certainement oui s’il satisfait le bonheur du peuple Algérien !

 

L’évolution des peuples aidant, il se pourrait que dans un très proche avenir, de par la volonté des peuples, une union véritable, dans l’intérêt des deux parties, se mette en place et commence à porter ses fruits. Sans aucun doute ce jour viendra, peut être plus rapidement que prévu, car les vrais anciens combattants, de part et d’autre se font de plus en plus rares. Comme en France, les héros de la résistance démultipliés à la libération, finiront par s’essouffler et à disparaître définitivement du paysage pour devenir  simplement une légende. Et là seulement l’Histoire pourra commencer à s’instruire.     

 

En définitive, qui pourrait être meilleur partenaire pour l’Algérie  sinon la France et inversement ?

Avons-nous un rôle à jouer, nous Pieds Noirs, dans cette réconciliation ?

Oui nous en sommes certains !

 

 

 

 

 

 

 

L’arrivée en bateau sur la capitale Algérienne   est un inévitable premier  coup de foudre avec  le pays. 

Phénomène collectif qui marque pour toujours  le visiteur  qui arrive pour la première fois en rade d’Alger.

 

A 5 h du matin, sur le pont supérieur  j’assiste au levé du jour. La mer est d’huile et le lourd bateau qui n’a pas la grâce ni le charme des bâtiments de la Navigation Mixte glisse  doucement, plus doucement que par le passé  vers Alger.

On devine les côtes algériennes vers 10h mais cette   approche est hélas trop rapide.

Grâce à la photo numérique je  compte bien immortaliser sur  tous les angles  cet accostage. Le spectacle qui m’attend me rend impatient et fébrile.

 

La partie Est de la rade apparaît en premier dans un flou de collines, puis  se distinguent les maisons, les quartiers, les deux îlots de la Pointe Pescade.

Le bateau maintenant est dans l’axe de Bab El Oued surplombée par la carrière Jobert qui se détache au dessus des maisons. On approche de la balise de Nelson qui a changé de couleur, le petit chapeau conique qui la surmontait a été remplacé par une antenne radio. Ce qui sera curieux durant tout ce voyage, sera de remarquer des changements dans d’infimes détails comme ce chapeau conique ou la couleur de cette balise qui à l’époque était rouge et blanche. Sans y avoir souvent pensé, cette balise était restée intacte au fond de ma mémoire.

 

Nous sommes maintenant en face d’Alger qui semble avoir doublé, triplé en constructions. L’émotion monte. Je voudrais que le bateau stoppe ces machines pour mieux profiter de cette offrande.   A plusieurs reprises  ce site magnifique de la rade d’Alger qui de loin n’a pas beaucoup changée se brouille d’un voile   provoqué par une émotion difficile à contenir.

 

Le petit déjeuner pris il y a quelques heures  avec  un jeune Algérien curieux  qui avait deviné ma démarche fut  d’une cordialité étonnante. Plusieurs algériens voyageant seuls venus nous rejoindre à cette table de célibataires entrèrent joyeusement dans notre conversation en me  précisant d’une manière assez touchante que des liens peut être inexplicables, existaient toujours entre nous. Pas un seul de ces voisins de tables n’avaient connu  notre époque.   

 

L’arrivée en bateau à Alger est poignante, les Algériens eux-mêmes, ne peuvent détacher leur regard de ce merveilleux  panorama. La ville est bien plus blanche qu’avant. Les volets bleus de toutes les façades s’harmonisent bien avec l’insolente  lumière qui  se réfléchit sur la mer.

Maintenant Alger est là, devant moi. Avec toute mon attention je scrute chaque maison, chaque bâtiment, chaque coin de verdure. Je veux profiter le plus possible de ce panorama, l’imprimer dans ma mémoire.

Après cette approche qui dure plus de deux bonnes heures, la gorge nouée je m’apprête à débarquer. Cet instant est grave et poignant, depuis cette date maudite du 17 juin 1962, j’espérais ce retour. Nous sommes le 7 mai 2006. Quarante quatre ans, presque jour pour jour. 

 

Revoir mon Algérie, c’est fait, je me sent déjà mieux ! 

 

 

 

Alger la blanche, El Djézaïr, Icosium…

j’en ai rêvé 44 ans.

 

Dans un rêve permanent je retourne souvent dans ma ville. Alger du soleil, des tempêtes, des grands jours de vent s’engouffrant dans les larges avenues de Nelson, Alger des années heureuses où nous allions partager la Mouna à Sidi Ferruch ou à Baïnem, Alger des jours de haine, de sang  et de colère, Alger de mon enfance, plus belle ville ville du monde et symbole encore vivace d’une aventure heureuse et tragique de plusieurs peuples, acteurs d’une saga dont nous jouons les derniers tableaux.

 

 Arrivée en bateau à Alger est un spectacle inoubliable. Entre mer, montagnes et soleil, Alger, ancienne cité barbaresque et repaire de pirates concoure de beauté avec les plus rades du monde.

 

 La baie d’Alger ouverte sur le nord, face à la France, simulant un arc de 12 km de long sur 8 km de profondeur est plaquée au pied de montagnes qui s’élèvent dès le rivage.

Les avenues qui sillonnent la ville donnent l’impression de balcons qui partent à l’infini.

Sur la droite, à flan de colline, la Casbah, citadelle du XIVème siècle  aux ruelles étroites. A ses pieds, la rampe Chasseriot mène à la darse, ancien port des raïs, de nos jours amirauté et port de plaisance.

C’est de ces quatre îlots, el djézaïr (en arabe les îles)  reliés à la terre par les décombres de la destruction du fort l’Empereur (le Pénion) que Barberousse organise ses fructueuses expéditions en méditerranée. Cet assemblage d’Orient et d’Occident fait le charme de la capitale qui regorge de palais richement décorés du butin de la piraterie.

Marbres d’Italie, carreaux de Delph, fers forgés européens et colonnades vénitiennes enrichissent un art islamique et ottoman importé par les arabes en Barbarie et perpétué avec habileté par l’architecture néo orientale des édifices construits par les français.

 

Le premier balcon où l’on accède par les escaliers de la pêcherie abrite la place du gouvernement où caracolait jadis le duc d’Orléans, fils de Louis-philippe et passionné d’Algérie, au fond l’ancienne mosquée devenue cathédrale pour redevenir mosquée est une magnifique construction byzantine qui délimite le territoire de la Casbah, site classé au patrimoine mondial de l’humanité et où il est impossible de se perdre car toutes les rues redescendent vers la mer.

 

Alger, cité culturelle, cité de palais et de maisons mauresques a inspiré de nombreux artistes dont le plus prestigieux d’entre eux Etienne Dinet  allias Nasser Edine Dinet est enterré à Bou Saada. Ce mouvement orientaliste très à la mode au XIX ème siècle sera par la suite longtemps boudé par les amateurs  d’art et atteindra après l’indépendance des côtes considérables sur le marché de l’art. Un autre grand artiste algérien Mohamed Racim marquera son époque et sera reconnu dans le monde entier pour ses enluminures.

 

Djemma El’Kebir, la grande mosquée, dont le minaret date du XIV ème siècle fut commencée au XI ème pour se terminer en 1837. Djemma El Jdid, la nouvelle mosquée, construite en forme de croix par un moine architecte en captivité. (qui fut attaché et exécuté au bout d’un canon après avoir avoué au  dey cette particularité). Cette construction  due à la piété des janissaires se trouve en plein cœur de la place du gouvernement que les  vieux algériens appellent la place du cheval, surplombant la darse.

 

On ne saurait évoquer Alger sans mentionner le faubourg de Bab el Oued, qui a été le creuset de cette fusion d’étrangers d’où  a émergé un nouveau peuple, un nouveau type d’hommes aux origines    multiples,  qu’on appellera d’abords   les Algériens puis à partir de 1954 les pieds noirs.

 

Une autre visite incontournable : Le monumental jardin d’essais, véritable jardin botanique  de toutes les espèces subtropicales venues des toutes les colonies françaises mais aussi du Mexique, des Antilles, du Brésil, d’Asie, d’Inde et d’Australie raconte l’incroyable aventure botanique que fut l’Algérie. Les caves expérimentales d’Algérie seront le point de départ d’une viticulture moderne et d’une nouvelle science, l’œnologie, qui révolutionnera les techniques de fabrication du vin en apportant aux grand crus français une  perfection scientifique qui se transmettra en Amérique et en Afrique du sud.

Deux musées, le Bardo et Stéphane Gsell, présentent les plus belles collections d’art romain, d’archéologie, d’art oriental et islamique. 

 

Ville éclatante de lumière, murs chargés d’histoire, panoramas inoubliables où le ciel et la mer s’associent les jours de colère pour exprimer  une violence que seule cette terre est capable d’engendrer.

Alger, méditerranéenne ,fière et lunatique, capitale de l’Empire et ville turbulente marquera l’histoire de son destin souvent tragique. Terre de passage et de conquête, l’histoire de ce pays sera vouée depuis la nuit des temps à une malédiction éternelle. La paix n’a jamais vraiment existé sur cette terre nord africaine où le sang a toujours coulé  et où l’unité des populations et des différentes ethnies reste toujours le problème majeur d’une identité algérienne qui a du mal à s’affirmer.

 

Alger la bourgeoise, première ville du pays et résidence des grandes familles du grand colonat, de la haute administration et de la grande bourgeoisie française et algérienne, affichait comme toutes les capitales du monde ses quartiers riches et résidentiels. Isolés dans  des palais ou de luxueuses villas d’un standing correspondant à leur fortune, cette haute société évoluait en vase clos et était pratiquement ignorée de la masse populaire. Comme partout ailleurs, deux mondes se côtoyaient sans vraiment se connaître.

 

Alger et ses environs, la Madrague, Baïnem, Pointe-Pescade, Sidi-Ferruch, Zéralda, Castiglione, et bien sûr Tipaza resteront pour bon nombre d’entre nous des nostalgies de mer et de soleil que notre plus célèbre écrivain immortalisera dans « Noces ». Souvenirs qui resteront soudés à nos mémoires et qui inconsciemment nous rattache à un passé révolu mêlé de regrets, de chagrins et de mélancolie.

 

 Je retournerai certainement un jour à Alger et ce jour là sera un grand évènement.

Même si Alger sans ses Pieds Noirs n’est plus tout à fait Alger…

 

Loin de ressembler à la caricature qu’en fait  Jules Roy, l’un des leurs, qui en caricaturant une jeunesse minoritaire   des beaux quartiers restait dans la ligne de son parti, les Pieds Noirs, dans leur grande majorité, soulignait Camus, ne furent spoliés que du droit tout à fait légitime de vivre et de mourir, si possible paisiblement sur leur terre. 

 

 

 

  Bab El Oued

 

Revoir Bab el Oued, mon ultime rêve se réalise…

Alger sans Bab el Oued, c’est un peu  New York sans Manhattan…

 

En arabe la porte de l’oued, ce faubourg populaire d’Alger doit son nom à un oued qui a été recouvert et qui se trouvait  jadis avenue de la Bouzareha.( bou = père, z’rhéa = graine)

 

 

 

 

 

Cette agglomération  de 80 à 100 000 habitants essentiellement issus de la classe ouvrière était composée de juifs, de maltais, presque toujours les plus riches, d’espagnols, d’italiens plutôt pauvres et d’arabes, les plus démunis. On trouvait aussi des origines corses, alsaciennes et françaises, ainsi que de nombreux mozabites.

Plantée au pied de la carrière Jaubert qui allait donner à la ville d’Alger sa renommée d’Alger la Blanche, ce cantonnement de carriers qu’il fallait nourrir et pourvoir en fournitures de toutes sortes attira des commerçants juifs, maltais et mozabites. Ensuite arrivèrent les  pauvres pêcheurs italiens, principalement napolitains, des espagnoles et en dernier lieu les républicains espagnols fuyant le franquisme. Avec bien souvent pour seuls bagages leurs coutumes et leurs traditions,  tout ce monde, cosmopolite était heureux de redémarrer une vie pleine de promesses. Ils  avaient tous un but commun : Réussir.

A part son nom exotique, ce quartier n’avait rien d’oriental. De grands immeubles Napoléon III bâtis sur de larges avenues débouchant sur des esplanades et jardins en escaliers  surplombaient des  panoramas sur la mer à vous couper le souffle. En fond sur la plus haute des  collines, sur fond de ciel azur, Notre Dame d’Afrique. En cent ans, ce qui fut un exploit pour l’époque, cet immense territoire rural devint un faubourg puis une véritable ville à la porte de la capitale, avec ses quartiers bourgeois pour les plus aisés, des quartiers plus simples pour les autres et enfin des cités nouvellement créées, genre HLM, pour les derniers arrivés. (HBM. habitations bon marché).

 

Loin des riches quartiers bourgeois de la capitale, ces faubouriens dépassaient rarement le quartier Nelson, qui finissait au lycée Bugeaud et qui était la frontière qui nous séparait de la ville d’Alger. Vivant en vase clos, presque en ghetto et souvent raillés par les Algérois intra-muros, la société « babeloudienne » allait être dominée par l’influence espagnole du sud, mahonaise et italienne. Donnant naissance à un langage populaire, imagé et pittoresque, un nouveau style de folklore et un nouveau parlé immortalisé par le personnage de Cagaillous naîtra. Bien plus tard la famille Hernandez fera connaître cette exubérante société aux origines diverses et à l’incroyable culot d’afficher des sentiments pourtant sincères de leur francité.

 

Les nombreuses églises de Bab el Oued accueillaient une foule de nombreux paroissiens, en majorité d’origine italienne et espagnole. Les plus zélés, et ils étaient nombreux, manifestaient une dévotion  qui frisait l’exhibitionnisme et la superstition. Les pèlerinages et les interminables processions à Notre Dame d’Afrique étaient célèbres et les nombreuses « mama » italiennes ou espagnoles traînaient manu militari leur progéniture pendant que leur mari, discutaillaient  sport ou politique devant les comptoirs emplis de kémias des grands cafés du quartier. Certains pèlerins ironisaient-on  partaient de l’avenue des consulats à pieds ou même à genoux. D’ autres pour mieux expier leurs pêchers mettaient du gravier dans leurs souliers, d’autres encore  des pois chiches… que les plus malins faisaient cuir avant de partir.  Les 6 km qui séparaient le point de départ à la basilique étaient arpentés dans un concert de louanges, de prières et de chants.

 

 

 

 

 

Le Bab el Oued des cafés et des brasseries tenait une place importante dans la vie de tous les jours. L’anisette et la khémia  agrémentaient  ces longues soirées qui débutaient généralement vers 18h30 et qui réunissaient toujours les mêmes habitués. Les patrons de café en vrais professionnels rivalisaient d’ingéniosité pour attirer cette clientèle. Le  Grand Café Riche avait pour spécialité les frites et les escargots. Chez Henri c’était les beignets de poisson, le poulpe ou la sépia. Souvent devant le bar,  sur deux ou trois rangées, les clients tendaient leurs verres  pour se faire servir. Et dans cette ambiance survoltée c’était souvent  le foot ball qui déchaînait les discussions les plus  passionnées et animées. En ce temps là la politique n’était pas encore à l’ordre du jour.

 

L’invective, l’affront, l’offense, l’injure tenait une place importante, typiquement masculine et latine dans la vie de tous ces gens simples et souvent analphabètes, prêts à se passionner et à s’exprimer pour un match et bien plus tard pour la politique. Ces frères ennemis, supporters de l’ASSE ou du GSA oubliaient leurs querelles sportives permanentes pour aller affronter avec le même chauvinisme les équipes de Sidi Bel Abbes ou d’Oran.

Les épouses, quand à elles préféraient les grandes salles de cinéma  qui se remplissaient comme par enchantement  dès qu’un film de Luis Mariano apparaissait sur des affiches avantageusement hispanisées. La cuisine tenait une place importante et donne encore de nos jours une idée de la richesse culinaire de notre région. Cuisine juive, arabe  et méditerranéenne donnera naissance à une nouvelle gastronomie toujours très appréciée.

 

Symbole de l’absurde et désillusion de tout un peuple face à l’incompréhension de l’histoire, les pieds noirs de Bab el Oued allaient supporter et payer chèrement la politique scabreuse du grand colonat et l’intransigeance sournoise et aveugle d’un  plus grand fabulateur qu’eux, Charles De Gaulle.

 

Orientée par quelques familles qui se partageaient le pays, une politique incohérente entraînera tout un peuple à basculer dans le camps de la rébellion, cela dans l’indifférence la plus grande  d’une métropole trop occupée à reconstruire l’après guerre.

A Bab el Oued comme partout ailleurs différentes castes sociales se côtoyaient. Les  derniers arrivés étaient les plus pauvres et vivaient dans des quartiers bien délimités et construits spécialement pour eux, c’était par exemple le cas des gitans qui avaient remplacé dans des baraques es italiens qui occupaient les habitations bon marché qui s’étendaient de l’avenue des consulats à la consolation. D’autres plus anciennement établis occupaient les beaux quartiers de Bab el Oued, l’avenue de la Marne ou la rue Borély le Sapie. Les quartiers neufs des hauteurs de Bab el Oued  commençaient dès les années cinquante à accueillir les familles arabes qui peuplaient les bidons villes avoisinants. Une tardive mais véritable politique de logements sociaux se mettait progressivement en place.

 

Tout ce monde vivait bruyamment  et en friction constante qui se manifestait très tôt sur les bancs de l’école républicaine et plus tard sur les terrains de sport.

 

J’habitais au premier étage  de la rue Mazagran, entre les escaliers du Marignan et l’avenue Malakoff. Notre immeuble de cinq étage était une grande maison familiale où régnait un esprit  « kibboutzim » où chaque locataire avait vu naître plusieurs générations d’entre nous. Serrour , Manuguera, Figarolla, Chocart, Ousillou, Hadjaj, Chouraki, Pulsonne, Cohen, Gomez, Torres, Assaya, Caillemaris, Lascar, Réallé…il fallait être d’une grande politesse et les embrassades étaient nombreuses. Quand un enfant de la maison était malade, il devenait immédiatement le centre d’intérêt de toutes ces familles qui manifestaient leur solidarité et leur inquiétude par des envoies spontanées de pâtisseries orientales, juives et arabes. Chaque petit pieds noirs se retrouvait ainsi avec une multitude de tantes et d’oncles, de grands-mères et de grand pères qui au fil du temps continuaient de considérer ces enfants devenus adultes comme leur famille. Et cela c’était magnifique !

 

Tout ce monde vivait en parfaite intelligence et la rue faisait partie de notre vie. Commissionnaires arabes, marchands d’habits (ancêtre du fripier et du brocanteur), vendeurs de figues de barbaries, de tramous, de bli-blis, clochards du quartier (qui étaient des SDF privilégiés) qu’on appelait aussi « des kilos » faisaient partie de cette grande comédie où il n’était pas rare, au temps de l’Algérie heureuse, que l’un d’entre eux, Saïd ou Kaddour, sous le balcon de ma grand-mère, et à la grande joie d’un

nombreux public toujours disposé à rire, s’époumone en criant :  « Mémé, lance moi cent-sous !

 

 

 

 

 

A BeO les fêtes étaient nombreuses, chrétiens, musulmanes, juives. Chaque fête était marquée par une participation collective et par des échanges de nourritures. Je me souviens des fiançailles de Josiane Hadjaj où par tradition juive on nous mettait du hénné dans la main, de ces passages obligés chez le coiffeur du quartier lors de la barmitza de nos petits voisins, les mariages étaient les plus belles fêtes et j’ai encore le souvenir de Lili Boniche descendant les escaliers de notre maison en jouant du violon, c’était toujours pour le mariage de la fille Hadjaj.

 

A Bab el Oued nous avions le sang chaud. Depuis il s’est à peine refroidi. Un regard trop pesant, une remarque à peine déplacée, un mot de travers risquait à tout moment de déclencher une émeute. Ce goût ibérique du courage se développait très tôt et l’école républicaine était un excellent terrain d’entraînement. Nos maîtres nous montraient l’exemple en exerçant une éducation musclée où le sens moral avait une place importante. Il en était de même pour nos curés. Tous ceux qui se souviennent du père Streicher de St Vincent de Paul pur alsacien et pieds noirs dans l’âme garderont même adulte un souvenir de frayeur, de respect et une grande estime pour ce personnage hors du commun qui maniait aussi bien le goupillon que le coup de pieds au cul. Nos curés étaient à notre image ; turbulents.

Tous ce monde que l’on adorait et que nous craignons représentait pour nous un univers que nous assimilions à ce pays lointain qui nous fascinait et que béatement nous vénérions. La France.

Nous ne savions pas que nous nous trompions.

Gabriel Conessa, journaliste et enfant du quartier , auteur d’une livre émouvant sur Bab el Oued exprime un sentiment que nous partageons tous en soulignant que paradoxalement c’est à Bab el Oued que la guerre n’aurait jamais du avoir lieu. C’est singulièrement dans ce quartier, véritable creuset de races et de religions confondues  que la guerre n’aurait jamais du avoir lieu.

Et c’est là que le plus grand choc du drame algérien s’est produit.

Tous ces  français  « à part entière », dont certains s’exprimaient encore difficilement dans leur nouvelle langue, tout ce petit monde à peine ressorti de la misère,  persuadé d’appartenir corps et âme à la nation française ne pu comprendre cet abandon soudain d’une  France à qui il avaient plusieurs fois prouvé leur attachement.

 

 

 

 

 

Leur histoire passée  largement amplifiée et exploitée  par une propagande savamment dosée et orchestrée par l’antenne gaulliste d’Alger, allait pousser ces simples gens à la révolte et au refus d’admettre d’autres solutions plus réalistes.

La révolte fut spontanée et soudaine, naturelle, logique et incontournable. Nous étions murs pour servir les intérêts de quiconque pourvu que ce soit dans une solution française. Il faut dire que les évènements historiques auxquels ont eu à faire face depuis la conquête les divers  gouvernements ne permirent pas d’envisager sérieusement de grandes réformes pour cette colonie. La maladroite quatrième république, talonnée de près par les gaullistes, ne rata jamais une occasion d’inquiéter le peuple d’Algérie dans toutes se composantes jusqu’au jour où cinq hommes respectables décidèrent de reprendre la lutte armée contre la France.

 

Tous ceux qui ont vécu l’histoire de ce quartier ne pourront pas oublier les manipulations et les manigances gaullistes qui devaient aboutir au 13 mai. L’attentat de la rue de Thebes, l’affaire du Bazooka (M.Debré), l’enterrement d’Amédee Froger ou le départ de Jacques Soustelle.

Par son engagement inconditionnel de rester français, Bab el Oued allait devenir un réservoir d’activistes qui devaient  faire de ce turbulent faubourg, le jour au De Gaulle changera de politique, le bastion de l’Algérie Française.

 

Les derniers mois de l’Algérie Française resteront à jamais gravés dans nos mémoires.

Le blocus du quartier par des troupes commandées par le petit général Ailleret fut d’une sauvagerie encore aujourd’hui dissimulée. La répression fut sanglante, impitoyable.

 

Le quartier fut bombardé par hélicoptères et chasseurs T6, la troupe française composée de gardes mobiles, des droits communs recrutés dans les prisons contre remise de peine, s’en donneront à cœur joie. Fouilles, perquisitions, arrestations, tortures ne permettront pas d’arrêter le général Salan qui s’échappera du camp retranché déguisé en pompier. Les gendarmes se vengeront sur le petit peuple de Bab el Oued qui se défendra en répondant par la même violence. Plus de 100 morts parmi les civils. Des milliers de déportés.            Bab el Oued en prenant un air de Budapest occasionnera l’une des plus grandes manifestations pacifique qu’ait connu l’Algérie et qui sur ordre se terminera par un carnage prémédité le 26 mars 1962.

 

Dès lors commença une politique de la terre brûlée, toutes les parties concernées allaient se déchirer, s’entretuer et creuser de plus en plus un fossé entre ces « désespérados » qui refusaient de quitter leur terre et un gouvernement décidé à en finir à n’importe quel prix.

 

Le 26 mars sera l’ultime tentative des pieds noirs à manifester leur attachement à la France. L’armée française les laissera passer deux barrages, les enfermera et leur tirera dans le dos. Le massacre aura duré 12 minutes laissant sur le tapis 82 morts, hommes, femmes et enfants.

Ce crime prémédité allait déclencher un exode difficile et une arrivée inoubliable sur le sol métropolitain. L’Algérie n’existait plus. Les pieds noirs avaient perdu leurs illusions et allaient devoir réapprendre à reconsidérer objectivement la France, un aspect de ce pays que finalement nous ne connaissions pas.

 

En s’amputant de l’Algérie dans les pires conditions, la France se plaçait « en état de pêché mortel » et deviendra, pour la plus grande partie d’entre nous,   qu’un souvenir lointain.

 

 

 

 

 L’aventure commence.

 

Marchand sur le grand balcon de la compagnie maritime, au pied de la passerelle, je réalise soudain que je foule cette terre algérienne que j’aurais voulu baiser symboliquement comme  aurait pu  le faire le Pape.  Ce que je fais dans ma tête en pensant à tous mes frères pieds noirs, car cette même pensée a du traverser l’esprit de plus d’un million d’exilés.

L’aventure commence. Je suis persuadé que le plus dur reste à faire. Et malgré l’émotion  qui m’étreint  de plus  en plus,  je ressent une  certaine satisfaction,  un certain  plaisir  de me retrouver enfin   «  chez nous ».

 

En débarquant ainsi, après le départ précipité que nous savons, l’accueil est fantastique. A la police, sourires complices et bienvenue, à la douane, vibrante poignée de main, au change, précipitation d’un employé qui me souhaite la bienvenue…

 

La gorge nouée…je suis ému et je souris…  « Vous êtes ici, chez vous… » DZ sur le passeport, après tout, ici, ça sert au moins à quelque chose.

La surprise et l’émotion sont totales. Ils ne nous ont pas oubliés !

L’arrivée à l’Hôtel où j’avais une réservation  attire l’attention de nombreux employés de la réception qui jovialement me souhaitent tous la bienvenue au pays.

Dans la foulée et déjà pressé, après avoir déposé ma valise dans la chambre d’où la vue sur l’Amirauté est impressionnante, ma première sortie est d’aller envoyer un mail à la famille. A quelques mètres de l’hôtel sur la magnifique esplanade d’El Kettani, le commerçant du cyber après avoir jeté un coup d’œil au message que j’avais transcris en grosses lettres, sans doute pour exprimer ma joie, refuse que je le règle. J’insiste et pour toute réponse : « Bienvenue chez vous » ! C’est bouleversant et cela doit se voir.

 

 

 

 

 

Il est 14h passé,  pressé et dans la crainte de ne pas avoir le temps de tout voir et de tout faire, je repars avec Rachid, direction  la côte Ouest, par l’avenue Malakoff, St Eugène, Bain Romain, Deux Moulins, la Pointe Pescade, Baïnem, Guilloville et la Madrague.

 

Rachid Hammani, je l’ai  connu sur le net six mois avant de partir sur le   site de Marc Morell. Nous avons à peu près le même âge et il connaît bien tous les endroits où je désire me rendre. Nous passons par le bas de Bab el Oued, mon plus grand centre d’intérêt, j’aperçois ma rue Mazagran où nous irons demain matin.

 

 Tout a changé. Presque toujours en bien. L’avenue Malakoff est devenue une large avenue bordée d’une esplanade, sorte de forum qui a été pris sur la mer. Dès le Bastion 23, anciennes résidences des Raïs et jusqu’à l’indépendance résidences d’officiers supérieurs,  jadis Boulevard  Amiral Pierre, un énorme forum      englobe le Kassour, contourne Nelson, l’ancienne Icosium, débouche ensuite sur l’Algéria Sport et déborde du cercle militaire  pour finir après le grand boulevard Malakoff sur le coté droit du stade de St Eugène qui se retrouve aujourd’hui à gauche de la route de la corniche.

 

Ce surprenant boulevard piétonnier   avec ses caféterias et  le grand hôtel Kettani donne à ce quartier qui était jadis plutôt désert, un air   de promenade des Anglais. 

La vue s’étend d’un côté sur l’Amirauté, toujours aussi belle, et de l’autre, sur Notre Dame d’Afrique. Au pied du jardin Guillemin,  l’ancien bain Mataresse et Padovani ont été engloutis sous le béton. La gare de Bab el Oued et la Consolation ont laissé la place à une grande artère qui rejoint   le boulevard Pitolet, passe devant la salle Pétrière et rejoint le quartier de St Eugène,   avec en  toile de fond, la même vue imprenable sur Notre Dame d’Afrique.

Ces aménagements ont donné à ce  quartier un air de modernité en même temps qu’un atout touristique considérable où les points de vue sur la Casbah, Notre Dame d’Afrique et la côte ouest sont absolument étonnants.

 

 Notre première halte fut la Pointe Pescade. Le Casino de la Corniche, propriété de l’armée est en parfait état de

conservation. Quelques centaines de mètres plus bas, déception de ne pas reconnaître le village de la Pointe Pescade qui est devenu une ville grouillante. Le Sport Nautique a disparu. La Plage de chez Franco est salle et déserte. Le centre ville est méconnaissable. L’usine des ciments Lafarge parait encore plus polluante. La maison de la jolie Jacqueline Bach a bien changé, pauvre Jacqueline tu serais bouleversée de revoir la maison familiale. Assez déçu, nous repartons de suite vers Baînem que nous dépassons sans que je m’en aperçoive. Cette énorme agglomération sans frontière qui s’étale de Bab el Oued à la Madrague me désoriente complètement. Et ce n’est qu’en découvrant le Cap Caxine, que j’annonce à Rachid que nous avons dépassé Baïnem. Nous nous arrêterons au retour, car il s’agit pour moi d’une étape incontournable.

Nous rentrons à  Guilloville qui en apparence n’a pas trop changé puis à la Madrague qui continue l’agglomération de Guilloville. La Madrague est méconnaissable, une énorme agglomération qui s’étend du bord de mer jusqu’à Staouléli. Les champs sablonneux qui commençaient à 50 mètres des quelques villas et cabanons de la plage se sont transformés en quartiers assez cossus si l’on en juge à la richesse  architecturale des villas dont certaines sont de véritables palais.

Le  petit  port à plus que doublé et il semblerait que les plages d’Alger dont nous étions si  fiers commencent véritablement ici.

 

Repartant  vers l’Îlot, d’où nous apercevons le phare du Cap Caxine nous retrouvons les constructions anarchiques qui défigurent le bord de mer qui jusqu’à St Eugène ne semble plus fréquenté des algérois.

 

En rentrant sur Baïnem, nous nous arrêtons à Baïnem-Falaise où j’ai passé de nombreuses saisons. Premier constat, toutes les clôtures des maisons et villas  ont grimpé de deux mètres en hauteur. Derrière ces murs, il y a souvent les mêmes maisons. Dans la rue des Falaises deux algériens de mon âge viennent vers nous   et je suis surpris de les entendre me   citer tous les noms des anciens du quartier. J’espérais retrouver Kadour, il habitait cette maison à l’angle. Mes amis me disent qu’il habite aujourd’hui à Birmandres.  Les hauts murs des habitations donnent une impression de rétrécissement. Les escaliers souvent abruptes accédant aux plages n’existent plus. Malgré une tentative l’accès aux criques est impossible. Des constructions sur les endroits d’accès et un dépotoir sur le seul escalier possible nous empêchent de descendre sur la plage. La belle vue que nous avions du haut des escaliers menant à la plage est complètement obstruée. Nos deux amis nous amènent vers tous les lieux que je leur indique et chaque fois c’est un peu la déception.   

 

La plage mitoyenne au rocher troué, la plage des trois bancs est dans le même état. Les trois bancs ont même disparu. J’immortalise, pour une amie, par quelques photos  la plage des trois bancs, une photo des deux frères, deux rochers à fleur d’eau à huit cent mètres de la plage. Encore là  l’épicerie de Grisou, le moudchou que nous aimions bien et qui connu une fin tragique. Encore un dernier tour, un dernier regard et nous partons, c’est vrai un peu frustrés car, c’est à peu sûr, je ne reviendrais sans doute jamais à Baïnem.

Après avoir chaleureusement remercié nos deux amis de rencontre  je repars cette fois assez abasourdi. Cet endroit de rêve était devenu  un quartier triste, sale et populeux. Les rochers de notre enfance une immense décharge publique sauvage.

 

Cette première retrouvaille avec l’Algérie me  déconcerte un peu et le retour  sur Bab el Oued m’extirpe un peu de mes pensées. En  passant par le centre ville de St Eugène puis par mon quartier, en remontant la rue Rochambeau, je peux apercevoir ma maison et mon balcon.

Je rentre à l’hôtel assez éprouvé par ce premier contacte avec l’Algérie, mon premier sommeil à Alger sera léger, heureusement la vue de la terrasse est superbe,  la gentillesse du personnel  d’une touchante délicatesse, et plusieurs chaînes algériennes  de télévision dont Canal Algérie  diffusent  des programmes de qualité. La profusion des paraboles, qui  agressent tous les édifices, font d’Alger la ville la plus francophone du monde. Ceci s’explique car après leur installation aucune redevance n’est demandée.  

 

 

 

Baïnem,

 

Petit quartier de cabanons ou des familles simples vivaient à l’année voyait grossir sa population à partir de pentecôte    pour devenir le temps d’un été, un  quartier balnéaire.

Jamais un étranger au quartier ne venait troubler les habitudes des riverains qui au rythme des week end et des fêtes comme pentecôte ou le 15 août, sautaient sur toutes les occasions pour se retrouver autour de mounas, de paellas, de brochettes, de sardinades, etc…

 

Plusieurs familles aisées d’Alger, de Kouba et même de France venaient l’été, profiter des centaines de petites  criques que morcelait une côte très escarpée et combien poissonneuse.

La plus belle maison appartenaient à la famille Thiare, une grande famille algérienne. Elle fut rachetée par une branche alliée de la famille Beghin, les grands sucriers et soyeux de Lyon. Jacqueline Beghin, une jolie petite blonde venait chaque année retrouver la même bande de copains et de copines pieds noirs et arabes. Le docteur et pharmacien Pozzo di Borgho  de l’avenue de la Marne, possédait également une très belle villa, quand au reste, cela variait de maisons convenables aux plus simples petits cabanons qui même en tôles ondulées offraient toujours aux regards un air de vacances et de bien être que je n’ai plus nulle part retrouvé.

 

Nous étions privilégiés et chanceux d’évoluer dans ce décor de rêve ou certains jours de grand calme, la mer nous offrait l’étonnante impression de vivre dans le plus beau pays du monde.

Monsieur Papillon, surnom donné par son petit fils, l’ancien directeur de la BNCI, partait régulièrement à la pêche avec Boujemaa, son ami et partenaire de pêche. Quelques familles  arabes dont la famille de Kaddour entretenaient d’excellentes relations et se retrouvaient régulièrement côte à côte sur la plage. Tout ce monde pourtant si différent semblait vivre en parfaite intelligence et dans un monde en paix. 

Nous étions loin de penser que nous étions des colons, d’ailleurs savions nous exactement le sens et la définition de ce terme et l’ampleur de son impacte sur la vie Algérienne ?  

 

 

 

 

 

Les pourrisseurs.

 

Ceux  que les  Pieds  Noirs  lucides  appellent  les  « pourriseurs », avec leur poids,  leur rayonnement, leurs pouvoirs, leur cours, leurs courtisans, leurs hommes de main, leurs alliances, leurs intrigues…

Ont-ils contribués à faire l’Algérie ? C’est certain.

Ont-ils contribués à défaire l’Algérie ? C’est certain aussi !

 

La Présence française en Algérie a favorisé un développement partiel du pays au profit d’une minorité de notables soucieux de défendre leurs privilèges.             Ces hommes, la plupart du temps résidant en France, étaient peu nombreux mais maîtres économiquement du pays. Ils formaient un véritable lobby représenté à Paris par René Mayer et Henri Borgeaud. 

 

En 1954, l'Algérie produisait 12 millions d'hl de vin, 692 000 t. de phosphates, 1 200 000 q. d'agrumes, 205 000 t. d'Alfa avec un C.A de 13 milliards.

les plantations de tabac couvrent 28 500 ha, un gisement de gaz annonce une grande aventure.   

22000 colons se partagent alors 3 500 000 ha, 7000 d’entre eux détiennent des domaines de plus de 100 ha et accaparent plus de 2 millions d’ha soit 87% de toutes les terres cultivables.

A cette époque 13% des enfants arabes  sont scolarisés. Pour ces  partisans acharnés du maintien de l’Algérie dans son statut, dont le chef de file était Amédée Froger, le mot même de  «réformes », est  « inélégant et inopportun ». 

 

Ces grands seigneurs du colonialisme, hommes sans lesquels il n’y a pas d’empire, mais par lesquels, inéluctablement, les empires finissent par sombrer, ne représentaient que quelques familles qui de tous temps, firent et défirent jusqu’en 1958, tous les jeux de la politique algérienne, aussi bien dans les plus petits villages du bled qu’à l’Assemblée Algérienne ou qu’à  l’Assemblée Nationale française. Prétendant les défendre, ils allaient mener les Pieds Noirs au drame.

 

En 1954, quand éclate la rébellion, l’Assemblée Algérienne, née du statut de 1947, est appelée « la chambre verte ». Les agriculteurs, musulmans et européens y sont beaucoup plus représentés que les populations urbaines. La plus grosse masse du budget allait à l’agriculture qui comptait 22000 colons sur une population européenne de près d’un million d’âmes. Sur ces 22000 colons, une grande majorité vivait au dessous du seuil de la pauvreté.

 

Contrairement à ceux qui feront naître une légende  qui voulait que chaque pieds noirs fut un colon milliardaire  qui amenèrent le pays à la ruine, ces  petits agriculteurs furent les véritables artisans  de l’Algérie des campagnes, très proches de leurs ouvriers arabes et de leurs familles et par conséquent les premières cibles et victimes de la rébellion. Symbole de l’énergie, du courage, de la persévérance, la cinquième génération de ces entêtés petits colons allaient pouvoir cette année  là,  «  Le 131 ème été », espérer peut être une récolte convenable, récolte qui n’aura pas lieu.

 

Les tracteurs privés de leur conducteurs assassinés au bout d’un champs, resteraient le symbole d’une situation irréconciliable. En choisissant la politique du pire, l’Algérie algérienne du FLN se coupait de ceux qui auraient pu assurer la continuité.

Germaine Tillon, ethnologue communisante et partisane de l’indépendance de l’Algérie donne des chiffres précis de l’implantation du grand colonat et confirme que l’Algérie de Papa, boutade ou réalité partielle donnera naissance à un mythe, repris et divulgué par une presse partisane qui en fit une légende gobée et consacrée par 50 millions de français.

 

Borgeaud, seigneur de la Tappe, était à lui seul une véritable institution. Avec 1000ha à Staouéli, 80 000 hl de vins par an, propriétaire des usines Bastos, de cimenteries, d’industries alimentaires, important actionnaire de banques et ainsi de suite…  « En Algérie, à cette époque,  on boit Borgeaud, on fume Borgeaud, on emprunte Borgeaud. » Cet ultra-conservateur disposait à Paris de moyens de pressions considérables pour mettre en place de hauts fonctionnaires comme ce fut le cas pour Jean Vaujour, chef de la police d’Algérie.  

Humainement au dessus de tous les personnages de son rang, Borgeaud avait la meilleure réputation  du gang des grands colons de l’Algérie coloniale . Il devait laisser sur son entourage un empreinte

 teinté de paternalisme et était fort apprécié de son personnel.

 

 Blachette, le roi de l’alfa, autre richissime propriétaire

vend la plus grande partie de sa récolte aux  papeteries anglaises. Actionnaire de nombreuses entreprises, il s’était taillé une réputation libérale dont personne n’était dupe.

 L’Alfa pousse  en grosses touffes espacées sur les hauts plateaux.  Les indigènes vêtus du classique burnous blanc   arracheront l'alfa et  le chargeront à dos de chameau. Il sera ensuite expédié en France et surtout en Angleterre. On l'utilise dans la fabrication de la pâte à papier.

13 millions d’anciens francs  étaient le rapport d’une année de récolte d’alfa. Plante qui pousse à son gré et sur laquelle le roi de l’alfa paye une redevance de 75 centimes par tonne jusqu’à 100 000 tonnes et 25 centimes par tonne excédentaire. Jusqu’en 1956 cette redevance ne sera pas augmentée.   Blachette vit entre Alger et Paris où il loue à l’année une suite « Au Prince de Galles ».

Propriétaire du Journal d’Alger, Blachette joue le jeu des libéraux. A l’Assemblée Nationale il dispose de 14 voix dont il est absolument sûr. Refusant une place de ministre, il pousse son dauphin, Jacques CHEVALLIER qui deviendra sous secrétaire d’état et  maire d’Alger.

La campagne électorale de CHEVALLIER pour la mairie d’Alger sera : « Un toit pour chacun. » En, fait on allait poser ce toit, sur des murs dont les pierres provenaient des carrières Blachette à Forcalquier. Pierres que, par pleins bateaux, on transporte  jusqu’à Alger, alors que la ville blanche dispose d’une carrière,  située à flan de colline à Bab el Oued.

 

Raymond Laquière.

 Vieux renard de la politique, maire inamovible de St Eugène, banlieue résidentielle d’Alger, n’était pas un fanatique  défenseur de l’Algérie Française. Il  rêvait plutôt d’une Algérie indépendante dont il aurait été le personnage numéro un. Mégalomane, démagogue, Laquière  se prenait véritablement pour le personnage essentiel de l’Algérie.

 

Jacques Duroux, puissant sénateur, propriétaire de l’Echo d’Alger, journal de gauche, des Moulins de l’Arrach, des Cargos Algériens, du Domaine de Ben Dallibey. Son fils, défaitiste pour les uns et lucide pour d’autres, transféra la majeur partie de ses biens au Canada. Le journal d’Alger après avoir été le journal du front populaire devint celui de l’Algérie Française. Le beau fils de Jean Duroux, Alain de Sérigny allait devenir avec  « L’Echo d’Alger », le plus grand défenseur de l’Algérie Française en donnant chaque jour une version partisane des réalités algériennes, poussant les populations à se raidir contre toutes réformes.

En Oranie Pierre Laffont, dans le constantinois Léopold Morel ou Gratien Faure furent les moteurs de leur département.

 

Laurent Schiaffino, le petit nab’s, autre richissime propriétaire, puissant sénateur, président de la Chambre de Commerce d’Alger et de la XXe région économique, transportait  tout ce que l’Algérie importait ou exportait.

D’origine génoise, d’une famille  de navigateurs installée à Alger bien avant la conquête, pour L.S l’Algérie ne fut jamais qu’un rivage d’où il surveillait la mer, assez indifférent à ce qui se passait dans son dos.  

 

Amédée Froger.

Président de l’inter fédération des maires d’Algérie était Maire de Boufarik, haut lieu de la colonisation, ville symbole de l’extraordinaire acharnement des premiers pionniers qui transformèrent l’immense marécage de la Mitidja en vignobles, orangeraies et champs de tabac. A. Froger n’était pas un colon, mais sa position de président de la caisse de solidarité, qui avait pour objet de redistribuer sous forme de crédits les sommes provenant de la contribution payée par les communes, en faisait le défenseur et le porte parole du grand colonat. Il sera assassiné par le FLN en 1956.

 

Encore aujourd’hui nous rencontrons un nombre impressionnant de pieds noirs, presque toujours  issus de milieux modestes, qui continuent de défendre l’indéfendable et de prétendre que le grand colonat ne fut pas ce que l’on en dit. L’histoire du nombre restreint de ces quelques familles qui se partageaient littéralement les ressources du pays est trop méconnue. L’intégralité de ces grands propriétaires,  n’ayant plus rien à  espérer de l’Algérie s’en allèrent dès les premiers années de guerre, laissant les populations et les naïfs qu’ils avaient manipulé pendant des années face à leur destin. Comme partout dans le monde, la discrétion qui enveloppe la vie feutrée de ces grandes familles est totale. Il est curieux de constater qu’aucun de ces « capitalistes » (termes employés à l’époque) ne fut inquiétés par le FLN, à l’exception d’Amédée Froger, tonitruant porte parole du grand colonat dont il ne faisait pas intégralement parti. Il fut assassiné par Ali La Pointe, rue Michelet à Alger.

 

 

 

 

Le jour «  J  » 

 

Le lendemain, le retour à la maison fut l’épisode le plus troublant du voyage. J’en avais rêvé depuis toujours. J’en  ressentais de plus en plus le besoin.

 

Mon arrivée, 44 ans après, rue Mazagran, aujourd’hui rue Lofti Benzine, ne passa pas inaperçu.

Repéré par deux commerçants, je fus de suite  chaleureusement entouré par une dizaine de personnes. L’une d’entre elle alla chercher l’occupant du premier étage qui s’empressa tout de suite de m’inviter à venir voir la maison. Tant de gentillesse me troublait déjà. En entrant dans la cage d’escalier, rien n’avait vraiment changé. La rampe sur laquelle nous glissions du premier étage, les carrelages, l’odeur même du boulanger mitoyen. L’accueil de  Mme Allouache et de son fils ne faillit à aucune règle de l’hospitalité algérienne. La maison  me parut plus petite mais les transformations étaient telles que j’en fus presque déçu. A part le carrelage d’une chambre, tout à l’intérieure avait changé. Changé en mieux, en beaucoup mieux. Une décoration et un ameublement oriental se détachaient des murs carrelés à hauteur d’homme. Une magnifique transformation,  à mille lieues de la modeste maison d’une simple famille pieds noirs de Bab el Oued des années  cinquante.

 

 

La rue Mazagran 

 

 

 

En racontant à Mme Allouache que ma grand-mère avait laissé sa maison à une dame Aïcha, qui était fort appréciée de toute la famille, j’eu l’agréable surprise de m’entendre dire qu’elle était sa belle fille et le jeune homme qui m’avait invité à monter était son petit fils. Ce que j’espérais secrètement depuis longtemps mais sans trop y croire venait de se réaliser. A cet instant, je dus sortir sur le balcon refouler quelques sanglots difficiles à dissimuler et je savais déjà que mon voyage à Alger était réussi. Et là, j’ai craqué.

 

Retrouver la famille d’Aïcha fut un moment d’intense joie en même temps qu’une émotion assez vive. J’étais là, 44 ans après, le cœur serré, avec des souvenirs bouleversants, devant des inconnus qui avaient comme moi des larmes pleins les  yeux. Ha ! si Aïcha et ma grand mère  avait pu  être là!

Ces moments, il m’est plus facile de les écrire que de les raconter car l’émotion est encore  bien présente, bien vivante. Les retrouvailles le lendemain  avec son fils, M’Barek, nous ont fait  revivre le temps d’un  repas familial, une  époque à jamais révolue mais combien présente dans nos mémoires et que chacun gardons jalousement et précieusement enfouie en nous même.

 

La visite de Bab el Oued, où règne une effervescence due à la surpopulation, se passe sans problèmes. Les gens qui nous croisent devinent qui nous sommes, les visages sont ouverts et presque toujours souriants,  la visite des commerçants est ponctuée de marques de bienvenue, visiblement tous sont contents de nous voir. La jeunesse comme les plus anciens qui n’ont rien connu des Pieds Noirs nous regardent semble t il avec intérêt. Certains osent une approche. Tous sont curieux.

Dans un climat de sécurité absolu j’ai pu sillonner toutes les rues avoisinantes des trois horloges, hors la partie située entre les trois horloges et la Bassetta qui  a été complètement  détruite par les inondations et qui est devenue un grande esplanade, je peux affirmer que rien n’a vraiment changé. Deux demi journées dans mon ancien quartier m’ont permis d’arpenter toutes les avenues, rues et ruelles des différents quartiers, prenant chaque fois en photo des habitations d’amis ou les endroits que nous fréquentions le plus à l’époque.

Sur la place des trois horloges, un groupe de pieds noirs vint à ma rencontre. Après avoir échangé quelques impressions sur le pays qui bien sûr concordaient, l’un d’entre eux me dit devoir aller à deux pas, rue des Moulins, photographier la maison de l’un de ses amis. En souriant je lui répondit que c’était déjà fait car j’avais deviné qu’il s’agissait de la même maison de notre ami commun Paquito. Cette journée à Bab el Oued fut un moment fort du voyage et se termina par une dernière remontée de l’avenue de la Bouzarhéa où je voulais photographier le magasin de madame Sebaoun, notre doyenne à la Réunion.

 

Ce court périple dans mon ancien quartier  me ramena à une époque où nous tous, enfants de Bab el Oued, avions une éducation civique où le premier devoir était le respect du pays, de nos familles  et de nos maîtres.

Mes compères, Pierrot Vuolo, le cousin de mon cousin Pierre Henri Papalardo, Jacki Camillerri, Roland Bouaziz et bien d’autres, étions les deuxièmes, troisièmes ou quatrièmes générations de pauvres gens, venus tenter leur chance en Algérie. Aucun d’entre nous était vraiment pauvre, aucun  n’ était vraiment riche ! Nous ne pensions   pas être socialement privilégiés, pas même de petits, voir minuscules  bourgeois et si nos grands parents et nos parents s’habillaient les jours de fête en dimanche, les jours de semaine la plupart d’entre eux remettaient leur bleu de chine pour aller à l’atelier ou en mer, gagner leur vie.

Cette  définition   réaliste du petit peuple de Bab el Oued devait avec l’exode prendre un relief  bien  amusant, faisant le plus souvent de ces descendants  de Cagaillous,  de riches colons ayant laissé des propriétés imaginaires, que certains d’entre nous, hâbleurs, mythomanes et bonimenteurs, encore aujourd’hui continuent de regretter.

 

 

 

 

 

 Quand j’étais p’tit à Bab el Oued…

 

Longtemps avant la chcoumoune elle s’abatte sur nouz’aut, y avait un quartier qui s’appelait Bab el Oued, une rue qui s’appelait la rue Mazagran…

 

Quand j’étais p’tit à Bab el Oued, j’étais tellement mauvais dans la langue de Molière que ma mère, qu’elle était pleine de certitudes  sur mon avenir, qu’elle me faisait donner des leçons particulières de Français avec le seul intellectuel du quartier, un universitaire professionnel, d’un âge avancé, que les diplômes et les études, elles arrêtaient pas de le poursuivre.

En plus il était beau comme un dieu grec ou romain que Germaine Réalé, la boulangère, elle s’le mangeait avec les yeux chaque fois qui venait acheter son pain. A Bab el Oued dès que quelqu’un y parlait bien français, on disait tou’d’suit : « c’est un fils de famille »,  «  c’est des gens biens », à croire que tous lez’ autes c’était des bâtards ou z’avaient pas de famille ou encire qu’ on était des gens mauvais ou en tous cas pas biens !

 Ce « cas particulier » que tout le monde y’s le considérait déjà comme un polytechnicien, en quequ’sorte, c’était une anomalie par rapport aux z’autes z’habitants du quartier.

En plus, il avait un nom bien français qui n’avait rien de commun avec les z’autes patronymes pour la plupart judéo-arabo-napolitano-andalous et maltais. A l’époque les noms qui z’étaient français y z’impressionnaient toujours un peu et y  provoquaient toujours un léger complexe de supériorité que nous on avait pas !

Ce babao, y pouvait pas s’appeler comme tout l’monde, Ramos, Esposito, Chouraki ou Pappalardo ! Hé ben non, cuilà y s’appelait E…d’un nom aussi distingué que les élégantes de Bab el Oued elles mettaient la bouche comme le cul d’une poule pour le prononcer. (comme c’est une histoire véridique, j’peux pas écrire son nom à ce fartasse.)

Ses allures trop polies elles nous paraissaient suspectes et si on ne lui connaissait pas une jolie fiancée bien de chez nous, on l’aurait vite catalogué dans une discipline que  à Bab el Oued c’était pas trop à la mode et que aujourd’hui on peut même plus dire le nom. Comme il a dit le grand « hartail », vous m’avez compris !

Un jour, cet éminent étudiant à la noix, qui devait en avoir plein le bas du dos de moi, y l’envoya à ma mère un mot qui manqua s’évanouir en le lisant. ( pas le mot, ma mère) Ca disait plutôt   grosso que modo a peu près ça. « Mââdââme, il faudrait que vous vinssiez vous rendre compte par vous-même du travail de votre fils, pommade, salutations, etc…en pur frangaoui dans le texte. 

 

Bo po po ! la purée ! comment c’est qui parlait celui là ! Y manquait plus qu’un peu de bougie rouge, comme  y avait sur les boules de fromage de François Apicela, sur la lettre pour faire comme dans les trois mousquetaires quand il lui font le coup de zouzguef à Milady.

 

Pour nous grands passionnés des classiques qui passaient régulièrement au Trianon, au Majestic ou au Marignan, c’était Louis XIV qui parlait La Pompadour…Sacha Guitry dans « Si Versailles m’était conté », que ma grand-mère elle en ratait pas une, y parlait un peu comme ça !

Comme en rentrant à la maison j’avais montré à tous les commerçants du quartier qui m’avaient vu naître cette saloprie de lettre et que chez nous tout y l’était prétexte à la rigolade, la nouvelle elle se répandit plus vite que le téléphone arabe et d’un coup tout le quartier y se mit à employer des locutions et des subjonctifs que les plus imparfaits y z’étaient  ponctués de gros éclats de rires.

Cette missive à domicile elle impressionna beaucoup ma mère qui n’était pas insensible à la belle littérature et au jour J  , endimanchée comme pour aller à la fête des rameaux  chez le père Streicher de St Vincent de Paul, elle se présenta chez  ce louette de précepteur.

 

Aie Manman !...Avec des mots choisis et très compréhensibles ce falso de beau parleur, il a expliqué à ma mère que j’étais ni Einstein, ni Albert Albert Camus, que j’étais le roi des cagnélos. Et patati et patata que moi je savais plus ou me mettre.

 Tout ça qui l’a dit, y avait que moi qui le savait   déjà depuis longtemps.

Moi j’avais pas inventé la poudre, mais lui ce fartasse il avait pas inventé la diplomatie !

A partir de ce jour où il m’a fait perdre la figure, y pouvait plus traverser le quartier sans déclancher de gros éclats de rires, même Germaine, quand y venait acheter son pain, elle  lui tournait la tête. Je ne savais pas à cette époque que ce mauvais sentiment s’appelait de la rancune et que cette  brave encyclopédie vivante, bien avant la grande Zorha, y m’avait appris ce que c’est la rabbia contre quelqu’un.

 

La vie elle continuait de s’agiter allègrement jusqu’au jour où une bande d’abrutis y z’ont décidé de faire la révolution.

 

Un jour que ma mère elle m’a toujours pris pour le commissionnaire de la maison elle me demande d’aller chez Monsieur Fernand acheter un litre ou un kilo de peinture rouge au détail pour repeindre comme chaque année les pots de fleurs du balcon.

En dessous du rez de chaussée de Mme Ramos, monsieur Fernand, qui était le concurrent direct de Monsieur Narcisseau ( la casquette en moins), il tenait une sorte de cave qui lui servait de magasin et où il fallait rentrer en se pliant en quatre. Il se trouvait exactement à l’angle de la rue Mazagran et de la rue Rochambeau juste en face de l’école.

Avec sa gentillesse habituelle Fernand y me donne un kilo ou un litre, manarhaf, de sa meilleure peinture rouge, en vrac s’il vous plait, et je repars un pot dans un main et un pinceau dans l’autre.

De tout p’tit, les arts en plastic y m’ont toujours plu et en rentrant dans le hall d’entrée que chez nous on appelait la cage d’escalier, une pulsion artistique soudaine elle me fait donner un coup de pinceau  figurativement  sanguinolent sur le mur juste en face de la porte de service du four du boulanger. Oubliant cet épisode pictural j’allais aider ma mère à repeindre ses pots et accidentellement les voitures de Monsieur Lévy, le tôlier du dessous que comme elle dirait ma grand-mère « que Dieu y repose son âme. »

 

Monsieur Lévy je l’aimais bien, il aurait pu être un personnage de Marcel PagnoL si ce célèbre écrivain y l’avait plus aimé l’anisette que le pastis. Grand buveur d’anisette, il se rendait plusieurs fois par jour chez Monsieur Camps de la rue Cadix, satisfaire ses envies. Monsieur Henri comme on aimait l’appeler me rendait bien cet amour presque  paternel  car depuis mes premiers pas jusqu’à l’âge de 14 ou 15 ans, je lui avait fais pipi dessus une pagaille de fois, balancé mes jouets, mes ballons, mes patins à roulettes pour finir le plus souvent dans son atelier d’où je ressortais dans des tenue d’apprentis qui faisaient bondir ma mère et qui le rendait fou de joie.

 

Revenons à notre saloprie de peinture. Une heure après les faits, un tumulte, une barouffa, un tchicklala du tonnerre y  résonnait dans l’entrée de l’immeuble. De nombreux locataires y tentaient d’analyser et d’interpréter avec le plus grand sérieux mon œuvre artistique de plus en plus sanguinolente et qui selon les dramaturges du quartier qui z ‘étaient beaucoup plus nombreux chez nous qu’à la comédie française, y z’avaient décidé que cela ne pouvait être qu’une condamnation à mort du FLN.

 

En 1954 ou 55, les premiers attentats dans les rues d’Alger et de Bab el Oued y z’avaient marqué les esprits. On sentait monter la rabbia que les plus patriotes y z’ont toujours gardé. Notre quartier y l’avait pas été épargné  mais ces premiers troubles qu’ y z’étaient que de l’opérette à côté  de ce qu’on allait connaître, y commençait à réveiller des sentiments qu’on aurait mieux fait d’ignorer.

Ma mère qu’elle connaissait mes dons artistiques, elle alla vite rassurer tous ces braves gens que le bâtard qui avait fait peur à tout le monde y l’avait déjà pris une calbote.

 

La vie à Bab el Oued elle avait en permanence de quoi alimenter les soirées, les veillées comme y disent les français que chez nous la veillée c’est uniquement pour les morts. Sauf que chez nous les veillées, pas celles où on pleure, cella qu’on rigole, on s’les faisait sur les terrasses, les balcons ou devant la porte. Les jours de fêtes, l’un d’entre nous allait chercher des glaces chez Grosoli, pendant le Ramadan c’était la fête des makroud et des zlabias et le temps s’écoulait comme ça jusqu’à quand y z’ont commencé la rébellion. Une rébellion où les terroristes y z’avaient plus peur que les victimes. Allez sa’oir pourquoi ! Depuis leur connerie de révolution elle est pas encore finie et nous parce qu’on nous a fait croire qu’on était des purs français, au lieu de tout faire pour rester chez nous, on a fait tout le contraire de ce qu’il fallait pour permettre à ce grand bâtard de De Gaulle de nous jouer le plus grand tour de couillon du siècle.

 

La suite vous la connaissez, et comme elles disaient mémé, Rhaïb, on n’est parti une main devant, une main derrière. De Gaulle , ce grand  coulo de soldat d’opérette  il a remporté une éclatante victoire sur sa propre armée qu’il a décimé de la tête aux pieds. Ce grand diplomate visionnaire y s’est fait niqué l’sahara, il a mis dans la merde un bon tiers des populations que les combattants de la dernière heure y z’ont taillé en pièce et il a légué à la France un héritage que nous finalement on aime bien. Les arabes.

Quand à nous, il nous restait plus qu’à partir et à nous installer dans une bulle nostalgique   que d’abord les pathos y z’ont pas compris, et puis chouïa chouïa les arabes y sont arrivés en masse, peut être   venaient ils nous rechercher car la vie sans nous c’était peut être pas si vivable que ça ! Mais devant notre insistance à vouloir rester dans l’hexagone y z’ont fait comme nous et y z’ont plus voulu repartir.

Depuis y se passe pas un jour si on pense pas à notre Algérie. Chaque fois qu’un arabe y rencontre un pieds noirs, eh bien c’est fantastique et même si on ne se dit pas encore tout , on s’en dit beaucoup plus qu’avec les frangaouis. Et dans leur cœur d’exilés comme dans le notre, c’est un peu comme un feu d’artifice !

 

Quarante cinq après, y voudraient qu’on retourne…y

faudrait pas qui le répète trop souvent  car à regarder la France de si près, y se peut que l’exode elle recommence dans l’aute sens. Mais ça c’est une aute histoire que je vous réserve pour plus tard.

Retourner à la pêche avec Mustapha, aller faire le marché à Bab el Oued, descendre à la pêcherie chercher des crevettes… Regarder les hirondelles dans le ciel de Nelson…

Allez, on va commencer à  pleurer sur not sort… et comme y disent les juifs, l’année prochaine à Jérusalem, nous on  s’ le pense  même si par pudeur on s’le dit pas,  l’année prochaine à Alger…. Inch’allah.

 

Comment croire à l’abandon alors que l’armée a gagné sur le terrain, que les combattants de l’intérieure sont disposés à négocier, que le pétrole coule à flots et que la bombe atomique explose au Sahara ?

Qui se soucie à Paris du sort qui sera réservé à un million de pieds noirs et aux populations algériennes qui ont cru en la parole la France, colportée par des officiers français dans les plus lointaines mechtas.

Le premier devoir d’une nation, de son chef, n’est il pas de penser au devenir de toutes ces populations fidèles menacées d’une Saint Barthélemy ?

De Gaulle avait décidé de conclure. Il fallait en finir. Vite.

Trahissant avec une fourberie à peine dissimulée, l’entrevue de Rambouillet  plus connue sous le nom de l’affaire Si Salah, il était significatif  que De Gaulle ne voulait pas « d’une paix des braves ». Il allait volontairement laisser ses seconds saboter « cette paix des braves » et raviver l’intransigeance des combattants de l’extérieure. (le procureur général Besson monnaiera  «la tête du général Challe » contre le silence des avocats lors du procès. Les témoins de cette affaire côté Algérien seront liquidés par l’intermédiaire de Krim, côté français, les responsables Bernard Tricot, Michel Debré et Edmond Michelet se tairont.) 

 

En compromettant ouvertement  les chances d’une paix honorable qui aurait peut être pu éviter les évènements sanglants qui suivirent, De gaulle ratait l’occasion de terminer honorablement sa guerre et permettre à l’Algérie de survivre, dirigée par une élite existante. Il relançait également les incessants encouragements et victoires diplomatiques accordés depuis plus d’une année généreusement au FLN.

 

De Gaulle avait choisi ses interlocuteurs, il remettrait le pays clés en main aux plus médiocres des résistants du FLN, leur laissant dès fin 61 une liberté de mouvements qui fut employée à terroriser les pieds noirs. Des brigades spéciales furent dépêchées  dans les grandes villes pour combattre les pieds noirs, cela sans la moindre protestation des médias ou de l’intelligentsia parisienne. Ces barbouzes, condamnés par l’OAS seront tous condamnés à mort et à peu près tous exécutés, à l’exception de leur chef, Lucien Bitterlin, aujourd’hui président de l’association France-Agérie.

 

Le putsch des généraux, baroud d’honneur et chef d’œuvre d’incapacité aura permisaux plus honnêtes des officiers français de manifester leur refus de se parjurer.

Ils avaient promis sous serment devant les nombreuses populations ralliées de ne jamais les abandonner  et « que jamais le drapeau vert et blanc ne flotterait sur Alger. »(C.De gaulle)

 

Le Colonel Elis Denoix de Saint Marc 

 

 

 

« Monsieur le Président, on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer. »

Le mystique colonel Hélie Denois de Saint Marc résumait en courte phrase l’attitude qu’aurait du avoir l’ensemble du corps des officiers de l’armée française.

Le papy putsch du 22 avril ne fut qu’un simulacre de la part de ceux qui avaient choisi de ne pas faire couler du sang français.

Serrano Suner, beau frère de Franco et ancien ministre espagnol dans une lettre au général Salan manifestait ses inquiétudes.

« Votre affaire est perdue. »

« Les généraux à Alger, manquent d'énergie. Ils n'ont fait fusiller ni Morin, ni Gambiez. Franco, lui, n'aurait pas hésité. »

Un autre notable espagnol, vieux compagnon du Caudillo confiait  au général Salan.

« Je crains que vous, Français, ne soyez trop civilisés pour faire une révolution. Nous sommes étonnés. A notre arrivée à Tétouan, l'état- major de la place refusait de suivre. Les officiers furent fusillés en quelques minutes. Oui, vraiment, nous sommes très inquiets pour vous » 

 

Alors que les moteurs des Nord Atlas en état d’alerte attendaient les ordres d’Alger pour s’envoler pour Paris,  le général Challe préféra se rendre  et éviter à la métropole les risques d’une guerre civile que De Gaulle s’empressa de  transposer avec brutalité et sauvagerie dans les grandes villes d’Algérie. La curie allait commencer. Les pieds noirs et l’armée allaient payer chèrement la mollesse de leurs chefs. Aujourd’hui toutes les hypothèses sont permises, aucune n’aurait pu être plus sanglante que la répression inhumaine et barbare que nous avons subi. Le bilan des morts après le cessez le feu avoisine les 120 000 morts.   

La mollesse des généraux putschistes face à la détermination d’un homme capable du pire allait mener l’insurrection à l’impasse et quatre vieux généraux en retraite ne viendront pas à bout de l’arrogance, du cynisme et de la détermination d’un habitué du fait.

La détention confortable en casernement des représentants du pouvoir gaulliste  fut l’un des premiers signes de mollesse que le locataire de l’Elysée s’empressa d’exploiter par une intervention télévisée en tenue de général  qui  termina de convaincre les indécis.

Un autre scénario mené par les jeunes et prestigieux colonels aurait il eu plus de chances d’aboutir ?

Le bilan d’une  guerre civile très improbable en France aurait il été plus lourd.

Qui peut répondre objectivement à cette question ?

Face aux réels bilans, faire pire aurait été difficile !

 

 

 

 

 

Alger, Alger…

 

La visite de la ville d’Alger doit se faire à pieds car la circulation est vraiment impossible. Départ vers 9h, nous traversons le square Nelson, les marchands de légumes avec qui je m’arrête parler me font un accueil très amical et il m’est difficile d’abréger ce sympathique moment. Passé le lycée Bugeaud, la rue Bab el Oued, coupée en deux par les inondations ne présente que son côté droit. A la hauteur de l’église St Victoire, qui était jadis une mosquée et qui l’est redevenu, nous prenons les escaliers  de la Casbah où je découvre un brocanteur chez qui je reviendrai acheter des objets. Je reviendrai également   visiter plus longuement ce quartier qui semble  t il est dans un état de délabrement épouvantable, puis nous rejoindrons le haut du jardin Marengo et les escaliers de Bd de Verdun qui monte vers la Médersa et la prison Barberousse.

Plus nous montons, plus le panorama de cette partie d’Alger apparaît, dans toute sa splendeur. Nous avons là une part de fierté qu’à Alger nous n’avons pas à manifester car elle se lit sur tous les murs et dans le comportement de tous nos frères algériens. Nous redescendrons vers la rue Randon et le marché de la Lyre pour atteindre le tournant Rovigo puis la rue d’Isly. Rue Randon, un marchand de gâteaux nous offre gentiment des m’kalblouze. Dans la rue un homme d’une soixante d’année, ami de Rachid nous interpelle de loin. « Bienvenue chez vous » me dit il, puis me prenant par le bras, « dites aux pieds noirs qu’on les aime ! » des propos qui provoquent le plus souvent des sanglots et des émotions difficiles à refouler.

Dix fois, cents fois, des gens tout à fait anonymes, rencontrés par hasard dans la rue, chez les commerçants, dans les services administratifs   manifestent et traduisent des paroles, des sentiments et des attitudes fraternelles. Une belle leçon d’humilité et de fraternité d’abord pour nous même et par dérision pour « les français de France » qui n’ont jamais extériorisé jusqu’à aujourd’hui de telles attitudes à notre égard. Etions nous tellement si différents d’eux ?

 

 

 

 

 

A l’extrémité de la rue de Chartres, en face du vieux grenadier dont les mosaïques ont été blanchies, existait au numéro un de la rue de Chartres, une vielle bâtisse qui avait du être il y a bien longtemps une maison arabe assez bourgeoise. Mon père y était né en 1921.  Au début des années 1900 le centre d’Alger  se situait entre  la place du cheval et le square Bresson et certainement cette maison, à l’époque, avait du être transformée pour loger des français. Par la suite, dans les années 50 ce quartier était devenu l’axe principale d’accès à   la basse casbah et avait perdu de son standing. Cet immeuble était  devenue une bicoque presque insalubre. Un vieux monsieur, installé devant la porte, intrigué par ma curiosité m’aborda gentiment pour me demander les raisons de cet intérêt particulier. Lui expliquant le pourquoi des choses, il m’avoua être  depuis toujours le propriétaire et me fit revisiter les lieux qui avaient été complètement remis à neuf.

 

Nous arrivons sur la place Abdel Kader, L’Emir, encore un patrimoine que nous avons en commun avec les Algériens, remplace Thomas Robert Bugeaud de la Piconnerie. A droite, la cinquième région, en face l’immeuble du Bazooka, en bas le Novelty et le Milk-Bar. Le petit bassin en mosaïque a cédé la place à l’imposante statue de l’Emir. Une belle place qui s’ouvre sur les  deus axes de la rue d’Isly d’où nous apercevons au loin, d’un côté la Grande Poste, de l’autre le début du tournant Rovigo.

L’esplanade de la Grande Poste. Là un autre pincement au cœur. Sur ce lieu historique et théâtre de nombreux évènements dramatiques, vous ne pourrez éviter de revenir un demi siècle en arrière et d’avoir une pensée pour les 82 victimes de la fusillade du 26 mars.

 

Jusqu’à présent ce qui m’a le plus frappé dans ce bel Alger qui n’a pas tellement changé, c’est la blancheur des bâtiments dont les volets sont peints en bleu. Cette excellente initiative donne une luminosité supplémentaire à cette ville déjà éclatante de lumière. La remonté de la rue Charles Péguy m’amène vers l’Ottomatic et les facultés, le tunnel et le début de la rue Michelet que nous arpentons jusqu’au parc de Galland et au musée du Bardo. Après un détour obligé sur la cathédrale, certainement la plus horrible construction d’Alger, nous redescendons sur la ville en empruntant le tunnel des facultés qui débouche sur l’avenue Pasteur, puis sur le monument aux morts qui dort depuis quarante cinq ans sous une chape de béton. Ce qui est frappant dans cette nouvelle version du monument actuelle, ce sont ces deux points serrés  au bout de deux bras en forme de victoire, geste gaullien qui ne manque pas de rappeler le geste dérisoire qu’avait eu quelques dizaine de mètres plus haut, sur la balcon du Forum le plus illustre des menteurs. A se demander si l’ironie du sort n’avait pas voulu commémorer l’ évènement et symboliser  le plus sordide  coup d’arnaque de l’homme du 18 juin.

Ce triste monument, véritable œuvre d’art à la gloire des français et des musulmans sera certainement un jour réhabilité pour devenir le monument aux morts de tous les morts d’Algérie, de la conquête à nos jours. Pour cela il faudra attendre que des hommes aussi dévoués que courageux osent affronter l’histoire dans le plus grand respect mutuel des peuples de France et d’Algérie. Et là nous applaudirons ! 

 

La redescente par l’ancien boulevard de la république, la Préfecture, la Mairie, l’Aletti avec une vue sur l’une des plus belles rades du monde est un spectacle dont on ne se lasse pas. Le port s’est fortifié, il semble en pleine activité. De nombreux bateaux attendent en rade d’Alger le moment d’accoster. Ce point de vue exceptionnel et incontournable  a toujours été envoûtant. Dans le prolongement de ce magnifique boulevard se profile la nouvelle mosquée, Djemma El Jdid et la Chambre de Commerce, dont la blancheur émerge d’un ciel bleu comme il en existe qu’à Alger.

 

La rentrée sur El Kettani par le boulevard Amiral Pierre est interrompue par une halte chez Rachid qui habite au dernier étage du premier immeuble de la pointe de l’Amirauté d’où la vue est imprenable. C’est encore un  endroit fantastique que je vous recommande de ne pas manquer si vous décidez d’aller revoir Alger. Rachid me présente sa famille à qui il a du raconter notre aventure de Bab el Oued où je l’ai  également senti très ému. Cette famille algérienne fait désormais parti du cercle de mes proches et j’espère qu’un jour je pourrais , en retour, leur témoigner et leur rendre, avec la même fervente amitié, tout ce qu’ils m’ont apporté  au cours de ce voyage qui sans Rachid n’aurait pas  eu le même éclat.

 

Ce retour dans ma ville où chaque détail, chaque coin de rue, chaque rencontre me ramène à un demi siècle de distance est très éprouvant. Bons et mauvais souvenirs s’entremêlent avec bien entendu un net avantage pour nos souvenirs heureux. Cette chance que nous avions de « tout prendre à la rigolade » nous a permis dans les heures les plus sombres de garder l’immense espoir de reprendre une revanche sur la vie. Cette revanche, la plus belle qu’il soit, fut d’avoir montré à ce vieux peuple fatigué et inhospitalier qu’est le Français, qu’en retroussant énergiquement nos manches, l’avenir continuait de nous appartenir.

Cette fierté rajoutée à nos qualités généreuses de pionniers nous a permis de  nous distinguer dans de nombreux domaines. 

 

 

 

 Quand j’étais p’tit à Bab el Oued… suite.

 

Comme je crois l’avoir déjà dit quequ’part,  j’habitais à  Bab el Oued, au n°7 de la rue Mazagran. C’est là que je suis né, dans la chambre de ma grand-mère, une maîtresse femme qu’on disait alors, que tout l’monde y s’tenait un sousto( le sousto, c’est la peur) d’elle à plus d’un kilomètre à la ronde.

Cette rue Mazagran, que dans ma tête et mon exil, c’était devenu une large avenue, elle partait du haut du cinéma le Marignan pour finir en bas des escaliers vers la mer du côté de l’avenue Malakoff. C’est fou comme elle a rétrécie depuis !

J’sais pas si vous avez fait « enttention », mais chez nous les noms des rues elles étaient plutôt à la gloire de la France. On aurait jamais pensé à l’époque baptiser nos rues et nos avenues du nom des héros des révolutions prolétariennes ou des écrivains lubriques aux mains sales.

Notre quartier c’était des noms qui chantaient bien la France, Rochambeau, Durandeau, Suffren, l’avenue des Consulats, de la Marne etc, pas de rue Lenine, Staline ni de rues de défaites que seul le nom y l’aurait déclenché une émeute chez les anciens combattants  que déjà on avait tous la haine des anglais qui nous avaient brûlé Jeanne d’Arc et dont l’honneur y fut sauvé par Alphonse Halimi. Pour Vercingétorix c’était pareil, comment ce gaulois de merde y s’était fait arnaqué par Jules César ? Même si ça faisait un peu plaisir aux italiens.

Plus chauvins, plus français que nous, à l’époque, même en France, tu trouves pas ! (après on s’est  aperçu qu’c’était vraiment vrai, mais c’était trop tard !)

 

 

 

 

 

Mon quartier ou plutôt mon territoire y s’étendait de chez Monsieur Narcisseau au nord jusqu’ au café Cadix au sud pour la rue Rochambeau, coupant les rues Koeklin, Mazagran, Dombasle et Cadix que la moitié elles z’existent plus  à cause  les inondations.

A propos du café Cadix, Pierrette Camps, la fille ainée du patron que aujourd’hui elle habite à Miami, elle me racontait que quand elle petite, Albert Camus qui travaillait à Alger-Républicain, celui qui s’est pris deux ou trois fois une strounga, y venait chaque matin boire un café chez son père. Albert, c’était en queque sorte une relation à Pierette. ( cette anecdote est bien vraie comme tout le reste d’ailleurs)

 

De nombreux personnages y z’  habitaient ces rues,  rejouant  chaque jour avec les mêmes mimiques les personnages qu’ils auraient voulu être. Ces scènes  souvent  burlesques  se terminaient  toujours pour la plus grande joie des habitants,  dans des fous rires ou devant une anisette.

Les plus célèbres, Baboeuf, Martoune, Di Mimi ou François Apicela jouaient chaque jour, comme en véritable représentation, des rôles d’homme d’affaires, de durs ou de don juan.

François Apicela, une sorte d’Escartefigue façon Bab el Oued, était le plus mauvais coucheur du quartier, toujours en casquette, une large ceinture espagnole sur un tricot marin, ce brave homme officiait sous les yeux de sa redoutable et corpulente femme qui trônait à l’autre extrémité de l’épicerie au milieu des  rayons d’ anchois encore en fûts, des harengs, des grandes cuves de vin et de la pompe à pétrole. Mélangeant dans une odeur de fondouk tous les parfums de notre jeunesse, la mère Apicéla, qui avait une machine à calculer, détraquée toujours à son avantage dans la tête,    vendait une des meilleures soubressade de Bab el Oued.

 

Maurice le sacristain était également une figure du quartier, une forte claudication en avait fait le bras droit du père Streicher, autre personnage aussi  turbulent qu’incontournable. Ce merveilleux curé, plus efficace et moins comique que Don Camillo, distribuait à tours de bras, autant d’absolutions que de calbottes ou de coup de pieds au cul. C’était une véritable terreur. Le dimanche, j’me rappelle comme si c’était hier, il apostrophait ses fidèles en rappelant à ces dames que la mess c’était autre chose qu un défilé de mode. Après l’indépendance, il revint plusieurs fois de son Alsace natale à Marseille pour marier quelques enfants du quartier.

 

Dans ce monde qui vivait dans la rue, le moindre incident, prenait des proportions théâtrales insoupçonnables.

Ma grand-mère, qui aurait pu être adjudant ou clairon chez les zouaves, était une jeune vielle. Elle se levait le matin au z’ aubes naissantes et avec une délicatesse recherchée, à coup de claquements de portes, de bruits de vaisselle, de casseroles et de  réflexions   fortes en décibels, s’arrangeait à réveiller la maison en moins dix minutes. La préparation des repas commençait très tôt et parfumait agréablement ou abominablement l’atmosphère selon qu’elle préparait du choux fleur, des tripes ou du couscous. Venait ensuite le nettoyage quotidien de la maison qui se faisait à grande eau dans toutes les pièces et dont le trop plein souvent excessif allait se déverser par les balcons sur Monsieur Lévy, (toujours le même), et sur son fils Claude qui chantait à tu tête en cognant les carrosseries pour les redresser. Monsieur Lévy, pourtant un personnage pas facile, après plusieurs tentatives, avait pris le parti de ne plus rien dire de peur de recevoir en suppléments certains ustensiles qui auraient pu être volontairement contendants.

 

 

Bab el Oued 

 

 

 

La matinée passait ainsi avec des  intermèdes  qui variaient  selon les jours. Mohamed le commissionnaire du quartier, le matin assez tôt, portait régulièrement le journal, et venait mémoriser la liste des commissions, car bien évidemment il ne savait ni lire ni écrire.

Ce jeune homme qu’on appelait Temtem, à cause d’un bégaiement épouvantable qui déclenchait souvent des crises de rires pour nous et une crise de nerf pour lui, était l’homme à tout faire de toutes les  grand mères du quartier. Les comptes interminables de ces impossibles transactions se terminaient presque  toujours, pour le principe, par des scènes tragi-comiques d’où le pauvre commissionnaire ressortait plutôt essoufflé. Certains esprits complExés, aujourd’hui nous traiteraient de racistes !

Vers onze heures et seize heures passaient les marchands d’habits, sorte de brocanteurs qui rachetaient pour trois fois rien tout et n’importe quoi, pour vue que le prix soit bas.

Deux « soulards » qu’on appelait des « gazistes » ou des «  kilos » faisaient partie de cette faune protégée. Saïd et Kadour connaissaient tous les habitants du quartier

chez qui ils pouvaient récolter en portant un panier ou en déchargeant un véhicule les quelques pièces qui leur permettraient d’acheter leur litre de vin ou leur ration d’alcool à brûler.

L’après midi, après la plus forte chaleur, généralement vers 15h 30, les nombreuses dames du quartier  passaient au balcon et  y  papotaient  jusqu’ en fin  de journée,  le temps de se remettre vers 18 h devant les fourneaux   et préparer le repas du soir.

 

Ainsi passaient les journées de la plupart de ces mères de famille qui régnaient sur leur maison en despote. Les maris et les enfants, au travail ou à l’école avaient une intendance parfaite et un mode de vie simple certainement identique à tous ces peuples latins, arabes ou juifs du bassin méditerranéen.

 

Je me souviens d’une anecdote que l’on raconte régulièrement dans la famille depuis plus d’un demi siècle et qui chaque fois nous comble de joie en déclanchant toujours les mêmes fous rires.

Une fin d’après midi, vers 18h, ma marraine et ma grand-mère qui depuis trente ans occupaient, été comme hiver, les deux strapontins   de l’observatoire  de notre maison, se rendirent compte qu’une  dame, qui devait avoir rendez vous au coin de notre rue, manifestaient des gestes d’impatience. Comme rien de ce qui passait dans la rue n’échappait à ces esprits  observateurs et critiques « que Hercule Poirot c’était un amateur à côté, » leur esprit fertile et inépuisable se mit en marche et la ressemblance avec une autre personne originale du quartier fut décrétée et confirmée en quelques minutes.

 

Hors la  personne en question, pour le plus grand malheur  de celle qui  piaffait au coin de notre rue, était dans un hôpital psychiatrique. De plus pour rester dans l’ambiance  dramatico-tragique de ce qui aurait pu être le livret d’un opéra-comique, le mari de cette dame avait refait sa vie avec une autre  personne d’où était née une adorable petite fille.

Tous les ingrédients  y z’étaient là pour faire de cette scène la pièce maîtresse d’une oeuvre que même Corneille ou Racine   y z’auraient payé une fortune pour avoir ma grand-mère et ma tante comme  auteurs interprètes.

Nos deux dramaturges après s’être concertées longuement décidèrent d’alerter le mari qui, certainement reconnaissant  ne se fit pas longtemps attendre. Comme dans un film de gangsters américain, celui-ci arriva en trombe, sauta de sa voiture, jeta un sac de toile en jute sur la tête de cette brave dame en l’engouffrant énergiquement à l’intérieure du véhicule et démarra en trombe…et quelle ne fut pas la surprise de cet homme d’action, énergique et efficace,   quand celui  s’aperçut au bout de quelques instants que la kidnappée n’était pas son ex femme.

 

J’ai encore en mémoire les réactions des deux coupables qui plus de quarante ans après essayaient de se justifier, tentant d’obtenir des circonstances atténuantes que notre hilarité chronique ne pouvait rendre prescriptible. En 1986, ma marraine, au terme de son existence, à quelques semaines de la fin, riait encore aux éclats en m’entendant raconter ce fait divers qui avait du avoir lieu aux environs de ma naissance.

Des évènements d’une telle intensité étaient courants dans cette énorme coure des miracles qu’était  ce grand faubourg de  Bab el Oued où vivaient plus d’une centaine de milliers d’habitants.

 

 

 

Chez Brahim, quartier Nelson. 

 

 

 

 

Une autre figure de Bab el Oued qui était à elle seule un  véritable monument  de l’imagerie populaire et pataouette, officiait comme coiffeur en plein cœur de Bab el Oued à deux pas des Trois Horloges.

Antoine Pappalardo, confident de tous les grands personnages de la capitale et par la suite dans le secret des grands chefs de l’OAS, était en plus de sa gentillesse, de sa convivialité et de sa bonne humeur, le personnage le plus menteur, le plus comique, le plus farceur et le plus gentil de Bab el Oued et peut être même de la ville d’Alger, et peut être même encore de toute l’Algérie.

 

Né en Italie, il débarque à l’âge de deux ou trois ans d’un lamparo venant tout droit de Napoli, origine qu’il défendra stoïquement et courageusement face à sa belle mère et surtout à l’occasion de match de foot ball. Engagé dans la marine quelques années avant la guerre, il fut démobilisé au commencement de la seconde guerre mondiale, ce qui lui valu de passer presque dix ans sous le pompon rouge. Jeune veuf, il se remariera à une beauté hispanique qui le fera entrer dans un conflit Italo-espagnol qui nous comblera souvent de joie et qui durera jusqu’à la fin de sa vie.

Son salon, véritable scène d’un théâtre populaire ne désemplissait pas malgré les piètres prestations artistiques d’Antoine qui signait ses coupes de cheveux par   de grands coups ciseaux trop généreux à vous défigurer même les plus fartasses. Les jeunes de la famille s’arrangeaient du mieux possible pour ne pas passer entre les mains du maître lui préférant de beaucoup les services de son neveu Pierrot. Nous aimions tellement Antoine, que bon nombre d’entre nous, grand pères, pères, enfants et plus tard petits enfants avons continué à fréquenter son salon à Marseille où pour les mêmes rigolades, la même gentillesse et aussi peut être pour retourner le temps d’une coupe à Bab el Oued, nous  ressortions toujours  aussi  mal coiffés.

 

Le père d’Antoine, Pierre était un homme qui avait les 75 ans passés quand j’en avais une dizaine, ce noble  patriarche avait une allure distinguée qui en fit jusqu’à la fin de sa vie un bel homme.  Ayant décidé un jour de quitter son village idyllique et miséreux de Cetara dans le golfe de Naples, il embarqua sur son lamparo (légende ou réalité) sa famille nombreuses. Antoine l’aîné, Angèle et Joseph (qui devait devenir mon oncle), et rejoignit sur  sa frêle embarcation la côte est de l’Algérie dont Chifallo était le point de ralliement de tous ces immigrés italiens. Après un bref séjour à Nemours à l’extrême ouest de l’Algérie où une quatrième fille Annie viendra au monde, tout le monde revint dans le quartier de la marine puis  à Bab el Oued pour s’y enraciner  définitivement. Du moins le croyaient ils !

Un autre épisode douloureux des quelques familles proches ou alliées à la notre fut le mariage de ma grande tante Marcelle, la sœur de mon grand père avec mon grand oncle par alliance Ahmoud Hafiz, un arabe comme vous l’avez deviné !

 

Fringuant  bel homme au port de tête impérial, d’origine  ottomane ,  Hamoud Hafiz que nous appelions Tonton Hamoud avait au-delà d’un nom bien persan une ascendance turque.  Descendant des grandes familles algériennes, cet oncle était un homme imposant. Malheureusement pour nos sociétés de l’époque qui n’admettaient pas la mixité, cette union fut rejetée de part et d’autre des deux familles. En ce temps les mariages mixtes étaient mal vus et les quelques exemples malheureux d’Aurélie Picard ou d’Isabelle Heberhardt  illustrent tout à fait les énormes préjugés de deux sociétés qui vivaient déjà ensemble depuis presque 100 ans.

Près d’un siècle après, les descendants et les familles de Papa Hamoud rient de leur histoire et se retrouvent souvent avec une joie partagée de part et d’autre de la méditerranée.  

 

 

 La famille Camps devat leur café.

 

 

La rue Mazagran  comparée aux riches  maison des hauteurs d’Alger était une rue que le soleil et le bout de méditerranée qu’on apercevait, empêchaient d’être sordide. Peuplée de pauvres et simples familles, des gens heureux où se mêlaient quelques commerçants plus aisés, des employés de banques, d’administrations, des fonctionnaires, des enseignants, rarement des bourgeois.

Quelques enfants du quartier deviendront docteurs, pharmaciens ou commerçants de haut  niveau. Tous resteront des gens simples dont la plupart découvriront après l’exode le luxe dont jouit depuis peu, la petite bourgeoisie française.

 

A écouter certains fabulateurs qui nous amusent énormément et qu’un aplomb épistolaire place au dessus de tous soupçons, (Hé oui !) certaines de ces familles jouissaient d’une aisance qui nous aurait permis de nous considérer comme une classe privilégiée .

S’il y avait des riches à Bab el Oued, ils n’habitaient sûrement pas notre rue, mais il est vrai que note niveau de vie, notre éducation nous plaçait au dessus du niveau de vie de l’arabe.

 

Quelque mythomane, tchaleffeur, propriétaires de domaines imaginaires,  s’honorent de la pompeuse réussite sociale de leur famille en Algérie. C’est le cas d’un affabulateur de mes proches qui n’a pas encore compris que le parcours très honorable de ses deux familles, paternelles et maternelles est aussi épique et honorable que les fabuleuses  conneries qu’il usurpe en se faisant passer pour un fils de riche. D’ailleurs, est ce qu’un fils de riche colon serait né 7 rue Mazagran !

 

Dans notre quartier où le niveau scolaire  a rarement dépassé le  brevet élémentaire pour les plus doués, nous n’avions guère de petits copains qui montaient à cheval ou qui faisait du karting. La grande majorité jouait au foot ball avec une pelote de chiffons se servant des égouts du quartier pour délimiter les but, où il fallait plonger la main pour  reprendre la balle.

 

Ces tchatcharones, les italiens y disent des squartchounes, qui nous racontent toutes ces salades y passent totalement à côté de la réalité qui est aussi belle que  toutes les tchaleffes qui peuvent se raconter et qu’y

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sont les seuls à croire. Mais ces comédiens, qui veulent paraitre et  qui sont un peu l’aristocratie imaginaire du petit peuple de Bab el Oued, s’appliquent à jouer des rôles de composition qui les rend ridicules et qui nous comblent toujours de la même joie, sauf quand  ces personnages dont les plaisanteries parfois trop longues et trop lourdes se retrouvent projetées au premier plan de la communauté. Souvent les premières victimes de leurs rêves, ils parviennent quelques fois à entraîner dans leurs  tourbillons d’illusions  quelques gogos admiratifs.   

Nombreux furent les Pieds Noirs, rentrés avec deux valises en carton (achetées assez ironiquement à la va-vite au moment de l’exode, aux arabes en bordure du port), à regretter ces propriétés imaginaires qui allaient de paire avec un train de vie tout aussi  chimérique.     

 

 La plupart des  ces gens, de  conditions modestes, souvent d’origine étrangère, ont bouleversé leur vie, appris une langue, fait des études presque toujours brèves, ont travaillé laborieusement  avec l’unique souci de nourrir leur famille.

Très peu d’entre eux pensaient seulement à s’exporter au-delà du faubourg où vivait la bourgeoisie. Les hauteurs de la ville, qui comme dans toutes les capitales du monde abritent les riches demeures bourgeoises, leur étaient inconnues. Leur univers s’arrêtait pour la plupart à la rue Bab Azzoun.

 

 

L'Avenue de la Bouzarhea  

 

 

 

Ces braves gens, qui les grands jours, s’habillaient comme les riches, semblaient vivre heureux. Les nouvelles générations commençaient seulement à s’intégrer et à s’adapter à la modernité sans toutefois aspirer à autre chose qu’un peu plus de confort. Très peu de mauresques, femmes de ménage, avaient des chances de trouver des emplois stables dans ces familles. Il y avait des « commissionnaires » patentés qui travaillaient pour  plusieurs familles, quelques fois des employées de maison embauchées à l’heure. Quelques fois, des jeunes filles  du bled étaient placées plus au moins au pair.

 

Cette escapade en souvenirs heureux sur les lieux de mon enfance est comparable à ces longs feuilletons interminables de la TV.  Pas un jour depuis ce maudit mois de juin 62, chaque pied noir, chaque rapatrié, qu’il soit riche ou pauvre, intégré ou pas, n’a pas eu  quelques instants par jour, des flash, des images, des pensées qui ne lui rappellent le pays. Certains ont pu ou voulu  y retourner peut être trop tôt et sont majoritairement revenus déçus, d’autres pensaient ne jamais revoir ce coin de terre jamais oublié jusqu’à cette époque où l’appel des algériens  fait renaître un passé de part et d’autre regretté.

Ce fut mon cas, moi qui ne voulait à aucun prix, voir le drapeau fellagha flotter sur Alger, qui fut un partisan convaincu de l’Algérie Française, qui ne l’était pas ? Et qui  depuis l’indépendance, rumine, analyse et essaie de comprendre souvent l’incompréhensible. Voilà que depuis quelques mois, à peine quelques années, des idées de retour se précisent. Et une même question ne cesse de revenir dans ma tête…Et si nous nous étions trompés !

 

Nous prenons en général un malin plaisir à nous moquer  du monde  n’omettant pas particulièrement  de rire de nos malheurs. Nos premiers partenaires étaient les

arabes avec qui nous jouions une  pantomime    riche d’une complicité qui mettaient souvent le français de France, comme nous les appelions,   fraîchement débarqué, dans un embarras extrême.

Qualifié arbitrairement de « rougios »,  certainement à cause de notre agressif soleil mais aussi pour leur attirance pour le bon vin, le pathos ou le francaoui, on disait frangaoui, tenait également  une place importante  dans ces jeux qui se terminaient presque toujours, tous ensemble devant une anisette.. Depuis rien n’a vraiment changé ! dès que deux pieds noirs se rencontrent, cela débouche inévitablement, comme par le passé sur de franches rigolades.

La vie, les évènements que nous vivons et que nous observons depuis cette cohabitation forcée avec les hexagonaux, restent une source inépuisable de joies, d’enseignements et de surprises que notre passé et notre histoire transposent  « allégoriquement »  dans une comédia del arte permanente qui ne finira jamais de nous surprendre et de nous étonner. 

 

 Des noms enchanteurs…

 

La banlieue d’Alger qui compte 6 millions d’habitants s’étend de La Pérouse à Zéralda et pénètre sur dix ou douze km vers l’intérieure. Autant dire que tous les villages avoisinants, de Staoueli à Maison Carrée, en passant par Birkadem, Birmandreiss, etc  sont devenus des quartiers d’ une seule et même ville. Une surprise incroyable, une autoroute desservie par de nombreux échangeurs   donnent  à cette gigantesque agglomération des airs d’Amérique. Un  épanouissement de quartiers nouveaux, de buildings et de bâtiments publiques ou privés laissent entrevoir une richesse insoupçonnable. Si désormais, le Garoubier, Maison Blanche et Fort de l’Eau sont  en pleine ville, il faut dépasser la Pérouse pour le bord de mer et Le Fondouk pour l’intérieure pour pénétrer en zone rurale. Autant dire que beaucoup d’endroits sont méconnaissables. Aujourd’hui ces endroits fréquentés jadis pour leur attrait campagnard ou estival n’offrent plus un grand intérêt, si ce n’est pour ceux qui en sont originaires. Quelques jours après, je comprends mieux ma déception à Baïnem qui comme tous ces villages avoisinants ont été pris d’assaut par les populations du bled durant les derniers évènements qui ont meurtri le pays.

La Pérouse fut une halte intéressante où la conservatrice du futur musée du fort, en travaux de finitions, m’a fait l’honneur d’une visite guidée. Belle réalisation qui met en valeur l’histoire de ce monument entouré de vestiges romains.

A l’est d’Alger, nous avons pu aller jusqu’à Bérard, avec une halte poisson à Bou Haroun. Là encore, un accueil parfait. Au menu, salade d’anchois, sardines et rougets. Castiglione, Fouka marine, Tefechoune, Douaouda, des noms enchanteurs envahis l’été par les Algérois.

 

Cette banlieue d’Alger    transporte  inévitablement ma mémoire à des endroits où  des flash, des images et  des instants  ressurgissent dans ma mémoire encombrée de tous ces souvenirs, qui avec le temps sont devenus heureux…

 

Maurice quand il était p’tit, il habitait Notre Dame d’Afrique, à mi chemin entre la basilique et l’asile des fous de chez Rouby. Son premier voisin à trois cent mètres c’était Mohamed Duval, un faux jeton d’évêque qui deviendra cardinal.

Au fond du ravin il avait des  voisins plutôt tranquilles, c’était l’immense  cimetière de St Eugène. Notre dame d’Afrique c’était un peu la campagne où quand même le trolley bus  arrivait jusqu’au petit séminaire. Les pères blancs, des sacrées peaux de vache, dispensaient une éducation plutôt musclée aux enfants de  riches dans un collège qui ressemblait plus à la prison de Barberousse qu’à une école. Mon père un jour il a eu la bonne idée de vouloir me mettre en demi pension dans cette institution que quand on rentrait on se demandait toujours quand est ce qu’on en ressortirait. Mes études elles étaient plutôt ratées et cette solution semblait la bonne à condition bien sûr de réussir un examen d’entrée que ces braves curés réservaient à leurs clients que plus y z’étaient riches, plus y z’   avaient  la faveur d’être éduqués comme des spartiates.

 

Convaincu de ne jamais vouloir entrer dans cette école et encore moins d’en ressortir quelques années plus tard  marqué à vie, je décidais de saboter mon examen d’entrée en faisant volontairement les 5 fautes à la dictée qui étaient éliminatoires et qui m’éjectaient automatiquement du système.

 

Après un examen de deux jours qui fut un véritable parcours du combattant, je m’en allais, soulagé, attendre dans les huit jours les résultats négatifs de cette épreuve. Je savais bien que mon père serait contrarié pendant quelques jours  de cet échec mais moi, dans le cas inverse, je risquais d’être contrarié pendant plusieurs années.

Le jour des résultas fut mémorable, j’avais fais 45 fautes (dont cinq volontaires) à cette dictée où je n’avais strictement rien compris. Mon père n’insista pas et repris rapidement ma place sur les bancs de l’école laïque et républicaine, dans ce magnifique collège de Bab el Oued, le collège Condorcet, où je retrouvais tous mes p’tits copains de l’école Rochambeau et de la rue Mazagran.

Je l’avais échappé belle !

Mais…Revenons à Maurice !

 

Momo, comme on l’appelait, il était quand même un peu bizarre et je sais pas si c’était le voisinage  de chez Rouby, mais y donnait par moment des signes inquiétants d’une logique que à Bab el Oued théoriquement elle aurait pu passer inaperçue.

Un peu comme Ouin-ouin, un cousin éloigné de France, un léger fil sur la langue le faisait franchement zozoter ou zézéyer, surtout quand l’émotion ou la colère elle s’lui

montait dans les narines. En 1954, Momo il avait hérité de son grand père un petite somme certainement amassée laborieusement et comme y savait pas où la mettre, il décida d’acheter un vespa 400. Vous vous rappelez tous de ce modèle de voiture de maximum deux mètres de long qu’elle pouvait rentrer dans la Studbaker de monsieur Ajuelos, à l’époque c’était la mode des Rumis, de l’Isetta et bien sûr de la vespa 400, c’était aussi la mode  du Tépaz, des premiers 45 tours, de Dario Moréno, Marino Marini, des Platters et du chanteur pieds noirs noir et martiniquais Luc Davis. (Que son père y travaillait douanier et que lui il est né pieds noirs sans faire exprès et fier de l’être comme beaucoup de ces enfants de  fonctionnaires importés d’la martinique.)

 

Délesté de ses économies et propriétaire de sa nouvelle voiture, Momo y se promenait dans tous les quartiers de Bab el Oued  pour montrer sa nouvelle acquisition. A cause de sa grande taille, Momo le Touil comme on l’appelait, la moitié de sa tête elle lui sortait par le toit ouvrant et heureusement qu’à  Bab el Oued on jouissait d’un micro climat et que la pluie elle était plutôt rare.

Un jour Momo, y débarque avec un sousto et une rabbia terrible chez monsieur Henri, le tôlier qu’on a raconté un peu sa vie tout à l’heure que sa  sucursalle ,elle se trouvait au café de la rue Cadix, et rouge de colère  il explique  au brave tôlier que chaque soir quand y remonte à Notre Dame d’Afrique, dans les virages en épingle à cheveux, un gros camion, toujours le même… 

« che p’tin d’ camion , y m’sherre, y m’sherre et bessif y m’oblige à caler dans l’focher (le fossé).

Si j’l’attrappe à ce coulo, j’lui nique ses morts, sa mère, son père, ses frères et ses sœurs…c’est p’t’être Momo qui l’a inspiré la chanson « si j’avais un marteau » !

 

«  C’est pas difficile ! » il lui répond monsieur Henri, en homme de l’art et avec le plus grand sérieux que déjà dans ses yeux on pouvait apercevoir  des étincelles d’une bonne rigolade,

« Prends un madrier, accroche le au pare-choc avant de ta voiture, installe deux lumières de chaque côté à chaque extrémité et quand tu croiseras le camion et son  coulo de chauffeur, y croira que c’est un autre camion et si t’i es malin, c’est toi qui le bascule dans le fossé. » joignant un geste bien de chez nous à ces paroles. Tiens !

«  Vous êtes un génie, m’chieu Henri ! » et l’entrevue elle alla se terminer comme toujours autour d’une anisette devant la khémia de Monsieur Camps au Café Cadix.

Trois mois y passèrent, on voyait plus Momo et puis un jour on s’le revoit revenir dans le costume de l’homme invisible, enrubanné, saucissonné comme une momie.

 

«  Hé Momo ! qu’est ce qui t’arrive ? «  y lui dit m’sieur Henri, « main’ant tu fais d’la réclame pour une marque de sparadrap ? »

Momo, lui y rigolait pas…

«  Vous shavez pas, m’chieu Henri, quand le chauffeur du camion y ma vu arriver…

Il a cru que c’était deux bicyclettes et il a voulu passer au milieu ! »

 

 

 Bab el Oued by night.

 

 

 

 Les « Beurs ».

 

Nous savons tous par expérience que les meilleurs coups de pieds, ceux sont les arabes qui les donnent…et aujourd’hui

 « Quand la France joue contre une équipe africaine, heureusement qu’il y a la couleur des maillots pour distinguer les équipes… »

Le 209 anniversaire de la révolution française (qui avait aboli l’esclavage et ensuite encouragé le colonialisme) ne pouvait être mieux symbolisée que par cette victoire de l’équipe de France d’outre colonies  qu’un joyeux plaisantin, journaliste du Bénin ou de Barbes il a baptisé : Black, blanc, beur… Victoire d’une France remarquablement athlétique et métissée, très remarquée dans le monde grâce à ses Canaques, ses Antillais, ses Kabyles, ses Basques et quelques Balkanais …Après la bataille qui pour une fois fut une victoire, on a pu avec surprise entendre  sur toutes les radios et chaînes de TV, des réactions spontanées de personnes, (dont un certain nombre de Glandu),  des commentaires favorables  et quelque fois  chauvins avouant que leur compatriote Zinédine Zidane (zizou ça fait plus franchouillard) et bien d’autres  étaient  classés au patrimoine français »…Vidal-Naquet, un autre pieds noirs juif qui a mal tourné, chantre des droits de l’homme à sens unique devait  jubiler en se réjouissant  de cette victoire de l’intelligence sur le racisme et la xénophobie, fulgurante démonstration d’un processus de mutation d’une société nouvelle qui sifflera tout de même, ô sacrilège ! la marseillaise quelques mois plus tard au stade de France et … qui brûlera   dans la foulée plus de 4000 voitures dans les banlieues…

On peut vraiment penser sans vraiment se tromper que la France de demain sera une nation métissée et  que cette société multiraciale, passé le fossé de la de la bêtise humaine, illustrera à merveille les grands principes de la République et des droits de l’homme.  Qu’est ce t’ien pense Mohamed ?

 

Si actuellement la France compte,  d’après un sondage du journal le Monde, une proportion  étonnante de citoyens avouant des sentiments racistes et xénophobes, (2 personnes sur 5), on peut effectivement penser sans méchanceté et avec beaucoup d’ironie, que ce chroniqueur sportif   avait bien raison d’avouer et de reconnaître que « quand la France joue contre une équipe africaine, heureusement qu’il y a la couleur  des maillots pour distinguer les équipes… »

 

Ce pays qui  n’a pas fini de nous surprendre, c’est pourtant bien la France…

 

Zebda, le beurre au pays du couchant, est le nom emprunté par un chanteur arabe de chez nous pour inonder de son accent  curieusement toulousain un nouveau style du folklore gaulois.

Les « collègues » le groupe musicale qui l’accompagne, invités au francouillonades de la Rochelle, éclipsèrent tous les autres participants en se distinguant sur le plan artistique et dans leur manière originale de se vendre et de présenter leur vie d’artiste beurs.

 

En s’enrichissant (bessif) de cet héritage culturel arabo-français qui semble plaire aux nouvelles générations,  la France profonde commence timidement son apprentissage de l’orient. Un nouvel orientalisme, différent du romantisme du XIX ème, est entrain de naître dans une ambiance où l’ indigène européen ne semble plus très à l’aise.

 

Dans tous les cas, ce mode d’expression nous va droit au cœur. Comment rester insensibles aux  trémolos de ces voix et de ces instruments aux sons nostalgiques et qui expriment toute la mélancolie du déracinement difficile de tous ces gens plus tout à fait nord africains ni tout à fait français.

Mon copain Polo y dirait : «  Si tu ois la têt de Zebda et de ses Colègues, toud’suit tu comprends ! que même  si y disent des conneries, ça te donne la chaire de poule. »

Sur fond d’accordéon violoneux, une musique lancinante pleine de nostalgie « que tu peux t’croire  devant un café maure d’ la rue Randon ou d’la rue d’la Lyre. Les paroles sur fond de rigolade « elles pourraient bien remplacer le chant des africains et devenir notre hymne national à nous les p’tits cousins de Zebda…  « Mais qu’est ce qu’on est venu faire à Paris…On était bien dans notre pays… » Mon œil ! ( mon œil y fait pas parti de la chanson) mais Zebda il est pas si fou ! y préfère participer aux francouillonades de la Rochelle et rester du côté d’la méditerranée où sa santé elle risque rien. »

 

C’est vrai qu’on était bien dans notre pays, et à cette époque là, Zebda t’y étais pas né ! on leur  disait aux français…vous verrez dans pas longtemps vous aurez des

chanteurs arabes à la télé…Enrico il a commencé par leur faire croire que la musique arabo-andalouse c’était la musique des pieds noirs…Y z’ont tous marché et nous … on a couru !... Roger Hanin, ce salaupri  y faisait l’intellectuel en nous égratignant franchement, Bedos, y profitait de  casser du sucre sur n’ot dos pour passer plus souvent à la télévision qui à cette époque embauchait tous les fartasses et les falsos qui contrariaient pas la grande Zorha  ou tous ceux qui z’avaient tourné la veste.

 

Peut être  que le président y s’appellera peut un jour Mohamed,(c’est pas moi c’est Smaïn qui dit ça) Pourquoi pas ! Dans 20 ans inch’allah c’est pas impossible…et moi ce jour là bessif je meurs, j’me suicide, je meurs de rire.

 

En attenant, merci aux Zebda, aux Zinedine et aux z’ autes, vot musique, vot accent sont souvent pour nous un rayon de soleil et nouz’ot , les pieds noirs, on a pas attendu les buts de Zidane pour aimer le son du derbouka…d’ailleurs des fois j’me pose des questions… à qui j’ressemble le plus à cuilà que quand y chante des chansons y dort debout, du coup j’me rappelle même plus comment y s’appelle…Francis Cabrin ou quequ’ chose comme ça…

Et puis oilà, deux ou trois buts et y s’aime tous les arabes…C’est vrai que comme y disait l’accordéoniste  au beau frère de Roger Hanin, nous les pieds noirs on a pas le monopole du cœur. »

 

 

 Notre Dame d'Afrique.

 

Notre Dame d’Afrique

 

Une étape importante du voyage fut le moment passé à Notre Dame d’Afrique avec une rencontre inattendue avec quatre « chibanis » bien sympathiques.

Ici aussi, les constructions envahissantes ont dénaturé le paysage. De l’esplanade et sous tous les angles la vue est toujours imprenable.

Un pur régal. En bas le cimetière de 40 ha est une énorme tâche verte. Jadis la route du petit séminaire qui redescendait sur les Deux Moulins était un chemin de campagne, aujourd’hui c’est la ville, avec des cités, des commerces et des mosquées. Un téléphérique monte depuis St Eugène sur l’esplanade.

 

Devant la basilique, l’atmosphère paisible invite à la contemplation. Que c’est beau ! L’intérieure de l’église qui regorgeait de reliques de marins et d’ex-voto a été renouvelée. Cela fait nettement moins bazar ! Le collège des pères blancs semble toujours exercer  son office d’école de la grande bourgeoisie et d’une manière générale il semble régner dans ce quartier la paisible atmosphère qui a toujours existé. Ce que nous a confirmé quatre braves grands pères avec qui nous avons parlé des anciens du quartier et de la situation actuelle tant en Algérie qu’en France.

 

L’ illustre  visionnaire   n’avait pas prévu dans sa politique de décolonisation, de   complaisance et   d’indifférence vis-à-vis des peuples concernés,  l’effet boumerang à court terme qu’une telle liquidation pourrait provoquer.

 

L’état de décomposition des pays concernés, colonisés depuis d’une  manière (qui n’offusque plus personne),  ne sera  pas le paradis espéré. Souvent administrés par des dictateurs sanguinaires mis en place avec la bénédiction de la France, ces peuples libérés, passée la courte euphorie de prendre la place des « colons européens »,  nourriront tous, à l’unanimité, l’espoir de retourner vers l’ancien colonisateur.

 

Peut être est cela la plus grande erreur de la colonisation. Après l’ivresse de l’indépendance,  immigrer en France   reste toujours le rêve des grandes majorités  de ces peuples aux illusions perdues.

 

Ce phénomène migratoire, conséquence de cinquante ans de non gestion du problème, reflète  l’incurie, l’apathie, l’égoïsme, l’irresponsabilité des français encouragés de plus en plus à vivre en assistés.  Cette politique  sera minimisée et encouragée par tous les gouvernements de gauche comme de droite. Les chiffres et les statistiques seront toujours floues et ne reflèteront jamais la vérité volontairement dissimulée.

Les timides statistiques, vieilles le plus souvent de plusieurs années, peuvent nous laisser penser que  pouvoirs de gauche comme de droite, conscients des véritables conséquences dissimulaient ce qui est devenu aujourd’hui une bombe à retardement.

 

Le fait que la France soit un pays riche, plein de ressources suffit pour l’instant à compenser le gaspillage d’aides que l’état dilapide sans compter.

Maurice Allais, prix Nobel d’économie a calculé qu’un travailleur immigré coûtait à la France dans les années 90, quatre fois le montant de son salaire, et que si ce travailleur débarquait avec femmes et enfants, il coûtait vingt fois le prix de son salaire. Douce France…

 

Depuis les indépendances du Maghreb, le Maroc et l’Algérie où les Allaouites et le FLN ont spolié et exterminé les artisans de la révolution,  contrairement au désir gaullien de voir « les arabes rester chez eux », l’arrivée des immigrés n’a jamais cessé.

Plus de cinq millions aujourd’hui, alors qu’il y en avait 530 000 en 1945 et 2 170 000 en 1962. (toutes nationalités confondues).

 

A cette époque la droite, à la reconquête du pouvoir annonce à qui veut l’entendre qu’un chômeur coûte 120 000 frs par an, soit une enveloppe de 48 milliards.

Les mêmes sources de 1997 dénoncent  discrètement que des milliards, 2555 pour l’Algérie et 5903 pour le Maroc qui au lieu d’être réinjectés dans l’économie française sont exportés chaque année vers le Maghreb.

 

Les allocations familiales, crées en 1932 pour permettre aux français de procréer et de faire face aux difficultés  qu’entraînent l’éducation des enfants coûtera, en accordant les même privilèges aux étrangers, 25 560 milliards. Milliards qui partiront en fumée, versés à des  familles vivant dans leur pays d’origine.

 

A cet énorme gâchis, il convient de rajouter 2254 milliards pour la facture hospitalière, 35 milliards pour le RMI et bien d’autres avantages qui auraient pu permettre aux français de l’époque de

les finances de l’état.

L’an 2000 verra la France passer de la quatrième place à la sixième commençant une dégringolade que les générations futurs devront assumer.

 

Il est vrai que les français n’ont jamais été des travailleurs acharnés. Leur aversion pour l’effort et le travail  a conduit le pays à importer une main d’œuvre étrangère prolifique sensible aux prestations de la république, instituant une légende  de vrai paradis qui  provoquera une course effrénée aux visas. Un demi siècle après cette légende est toujours d’actualité.

 

Aujourd’hui la France se voit contraint d’assimiler et d’intégrer une foule de candidats allant des sans papiers et des voyous aux familles de  travailleurs honnêtes, passant par une cohorte de grappilleurs alléchés par la générosité sans bornes du pays des droits de l’homme. Pour exemple cette femme d’un général malgache en poste à Antsirabe, qui perçoit le RMI…

 

Qui osera remettre de l’ordre dans ce bourbier où le pays s’enlise, accentué par une crise économique qui favorise des langages et les attitudes  de plus en plus sectaires ?

 

Qui osera véritablement remettre de l’ordre dans ce capharnaüm où intégristes, clandestins et  voyous recrutés parmi une jeunesse désoeuvrée s’installent dans un système de terreur où la société, à tous ses niveaux, subit les conséquences ?

Si aujourd’hui nous connaissons les véritables responsables de cet état de décomposition de la société française, en revanche nous ne pouvons pas dire comment évoluera cette situation qui reste tout de même préoccupante pour  les gouvernants de demain.

 

Comment la France a pu en arriver là ?

C’est aux  français de répondre.

 

 

 La casbah d'Alger, citadelle de plus de 500 ans est classée à l'Unesco.
Depuis l'indépendance un tiers a été détruit.
Dans 20 ans, il ne restera plus rien et l'état Algérien ne semble pas concerné.

 

 

 La  ville

 

La journée du lendemain fut consacrée à la casbah. Cette magnifique cité, classée au patrimoine mondial de l’humanité mériterait une plus grande considération de la part des Algériens mais aussi de toutes les instances culturelles étrangères qui laissent  un tel site se dégrader.

 

Un musée de l’artisanat nouvellement aménagé dans un palais, Dar Essouf, donne une idée de la richesse artisanale du pays mais aussi  du raffinement  de ces palais aux mosaïques et à l’architecture somptueuse. Une visite chez l’unique brocanteur de la casbah  me permettra de dénicher dans un véritable capharnaüm,  un joli bronze  représentant un sphinx et une aiguière  ancienne que  je ramènerai   comme une véritable relique. Quelques bons magasins d’artisanat dont la maison Ben Mansour, 48 rue Didouche Mourad, à deux pas de l’ottomatic, vous présentera des collection artisanales uniques. Là encore, Karil, le fils de la maison vous réservera le meilleur accueil. Ces  promenades très agréables  dans le centre d’ Alger qui n’a pas tellement changé sont l’occasion de rencontres permanentes. La renaissance de souvenirs qu’avec Rachid nous ne cessons d’évoquer, comme par exemple l’ emplacement des photographes qui officiaient place du gouvernement où jadis pullulait une foule de badauds entourant   conteurs et marchands ambulants de toutes sortes. 

 

La visite du Bardo est aussi incontournable. L’architecture de cette maison mauresque, aujourd’hui connue dans le monde entier, est un havre de paix et de raffinement. C’est l’orient dans toute sa splendeur.

 

 

 

 

 

Une autre journée fut consacrée le matin à la visite de la ville d’Alger en partant du Forum vers le Télémly, puis vers Diar Saada et le monument des martyres. Des  panoramas sur la ville de Belcourt et du Hamma jusqu’à St Eugène sont impressionnants, malheureusement ce jour là le temps était couvert. L’après midi une visite au cimetière d’El Alia me permis de visiter le tombeau d’Abdel Kader, de constater que le carré militaire Français contrastait à côté de celui des Anglais, nettoyé, gazonné et  fleuri. Les tombes du cimetière français sont égales à celle du cimetière musulman. Aucune tombe éventrée. Le cimetière de St Eugène, juif et chrétien est en état. Chaque fois que j’ai pu m’approcher des cimetières en banlieue, je n’ai pu que constater qu’ils étaient dans le même état que les cimetières musulmans où les allées n’existent pas  et où l’herbe pousse à son gré. Il serait grand temps que les PN   prennent en charge ce qui reste de leurs cimetières car les autorités françaises ne feront jamais rien. 

 

 Aujourd’hui il faut savoir que l’état algérien a pris la responsabilité du patrimoine des cimetières, que 62 cimetières de province, ou ce qu’il en reste vont être regroupés en une seule nécropole et que notre seule espoir de ne pas voir disparaître nos cimetières repose en ce jour sur le gouvernement Algérien. Pour l’instant tout le reste n’est que littérature et la très médiatisée association France-Maghreb, qui pour l’instant ne peut afficher que des résultats pommadés  d’esbroufes,  semble plus se concentrer sur le tourisme que sur nos cimetières profanés. Quand cesserons nous d’être dupes !

 

Cette traversée historique d’Alger fut bouleversante, Milk Bar, rue d’Isly, le monument aux morts, le Forum…que de lieux commémoratifs de cette nouvelle Algérie où il semblerait, à voir la tranquillité qu’il y règne, qu’il ne s’est jamais rien passé.

 

 

 

 

 

 Mon dernier jour

 

La dernière grande étape du voyage fut consacrée à Palestro où l’on accède aujourd’hui par une large route à partir de Ménerville. La ville d’Alger semble s’être décentralisée aussi dans cette zone, l’autoroute arrive au pied de cette basse kabylie où les gorges sont devenues de larges routes. Une halte dans un petit restaurant de campagne fut l’occasion de manger des grillades de mouton, et quel mouton !

Cette magnifique et dernière journée de grand air se termina par un repas chez Rachid qui me fit la surprise   d’avoir préparé des sardines farcies au « cosbore » et à l’ail, j’avais eu la bonne idée lors de notre sortie à Bou Haroun, de lui dire que jadis, dans les escaliers de la pêcherie, ces fritures nous faisaient souvent saliver. Merci à Amina et à sa fille pour ce repas frugale. Lors de mon départ, elles  me couvriront de cadeaux.

 

Ces dix jours passés au bled furent  un véritablement enchantement. Une chose est sûre : les Algériens ne nous ont pas oublié ! Notre terre non plus ne nous a pas oublié, car nombreux sont les vestiges  de plus en plus  préservés qui rappellent notre histoire. Un autre sentiment est que nous sommes toujours bien présents dans les esprits de nos amis algériens qui expriment sans retenue leur nostalgie des pieds noirs. Et cela, est inexplicable, intraduisible. Il faut vraiment que chacun d’entre nous puisse aller le constater sur place. Voilà pourquoi  ces retours sont importants et  combien soulageants.

Personne ne peut imaginer cette réalité inexplicable qui fait qu’un demi siècle après, pieds noirs et algériens éprouvent tant de satisfaction et d’émotion à se revoir.

 

L’histoire officielle du passé ne semble pas concerner cette population qui partout nous reçoit avec la plus grande courtoisie. Une belle leçon de fraternité et de courage. En s’exprimant sans retenue, nos amis algériens semblent en avance d’une bonne longueur sur nous qui avons mis un demi siècle à réagir. C’est vrai que le pardon est plus facile pour les gagnants que pour les perdants ! Mais cela ne doit pas nous empêcher de  saisir l’occasion qu’ils nous offrent  de renouer avec notre pays.

 

Nous devons exprimer là, avec autant d’humilité, toute notre reconnaissance.

Il faut savoir que nombreux sont les algériens qui nous appellent leurs frères, certains emploient l’expression « frère de terre ». Et je peux vous assurer sans l’ombre d’un doute de leur sincérité. Tout au long du voyage, chez les jeunes comme chez les plus anciens, j’ai pu ressentir et m’entendre dire combien ils considéraient que l’histoire avait été injuste pour nous et combien ils nous regrettaient.

 

Quand à tous les revenants dont je suis, qu’on devrait désormais affubler d’un nouveau sobriquet afin de les distinguer de tous leurs frères pieds noirs jamais revenus,    ils  sont aujourd’hui  les meilleurs ambassadeurs de l’Algérie  en France.

 

Certains d’entre eux, on en a aujourd’hui la confirmation, retourneront un jour finir une retraite paisibles au pays, avec la joie infinie de retrouver cette atmosphère particulière de bien et de paix.

 

 A l’heure des bilans, que des regrets.

 

Pour nos deux communautés, la guerre d’Algérie restera un traumatisme certain.

Pour la France qui depuis un demi siècle essaie de dissimuler tant bien que mal la liste impressionnante des dérapages continuels qui ont coûté la vie à des centaines de milliers de personnes, l’ouverture des archives n’arrangera pas les choses.

 

Tous ceux qui ont vécu ce drame s’accordent à dire que cette guerre sans nom fut un impressionnant spectacle d’abandon en permanence improvisé. Les gouvernants français, sans cesse acculés à des solutions répressives incontrôlables contribuèrent à renforcer la rébellion et  à faire basculer les populations dans le camp du FLN.

Ce conflit, dramatique pour tous, laissera une marque indélébile et des traumatismes sans fin dans les mémoires de  tous ceux qui, de près ou de loin, l’auront vécu.

La France ment en annonçant des chiffres revus à la baisse, l’Algérie triche en gonflant le nombre de morts et des disparus.

 

 24756 morts et 64985 blessés et 1000 disparus chez les français. 10000 morts chez les pieds noirs et plusieurs milliers de disparus dont on ne peut  préciser le chiffre.

Environ 300 000 morts chez les Algériens musulmans où règne la plus grande incertitude.

141000 morts au combat, 16000 victimes d’exactions, 50000 civils enlevés par le FLN et 4300 militants MNA assassinés en France.

L’Algérie indépendante annonce un million de morts pour  sept années et demi de guerre, ce qui donnerait une moyenne  quotidienne, dès les premiers jours de l’insurrection  de 506 morts.

 

En ce qui concerne la reconnaissance du génocide des harkis dont la France porte une lourde responsabilité et qui a coûté la vie à plus de 100000  français, les témoignages n’encombrent pas les pages de nos manuels d’histoire. Trois  lignes suffisent   pour régler leur sort sans dire mot des circulaires Joxe et Frey interdisant aux officiers français de rapatrier leurs hommes après les avoir désarmés.

 

Une véritable accusation pèse sur les responsables de ces massacres. Au regard de la cruauté du FLN, ce qui n’est plus un secret pour personne. Depuis le début de la guerre, les chiffres des victimes harkis oscille entre 100 et 150 000 personnes. Ce qui est peu par rapport aux 1 200 000 musulmans  engagés avec la France. 60000 musulmans rapatriés pour presque 600 000 personnes compromises. 200000 militaires de carrière, 40000 hommes du contingent, 58000 harkis, 20000 moghaznis, 150000 GMS, 6000 gardiens de troupes d’autodéfense, 50000 civils étaient engagés auprès de la France dans l’armée et diverses administrations.

 

Seuls responsables de ces massacres évalués à  plus de 100 000 personnes, De Gaulle. la France et les gaullistes décideront de placer cet épisode de la guerre d’Algérie, remake de la débâcle Indochinoise dans un flou que vraiment personne ne cherchera à dissiper. Il faudra attendre 40 ans pour soulever un coin du voile, sans que vraiment personne ose affronter cette réalité. Allant jusqu’à recevoir les bourreaux, venu spécialement insulter sur les nécropoles françaises, la mémoire de ces soldats français, les  gouvernants français  continuent un demi siècle passé  de respecter une omerta  que l’Histoire n’est pas pressée de dévoiler.

 

 

 Vers Palestro.

 

 

Il est vrai que l’histoire de France est jonchée d’épisodes de ce genre et que cela n’est ni nouveau ni choquant pour un peuple habitué à toutes les compromissions.

 

L’Algérie indépendante fut livrée à des  dirigeants barbares et sanguinaires qui procédèrent dès les premiers jours de l’indépendance aux massacres non seulement de ces pauvres gens qui avaient cru en la France, mais aussi à l’élimination de  toutes les oppositions au FLN qui  espéraient une république algérienne et non  une politique de pillage.

 

Avec un potentiel humain très endommagé et une population déshabituée au travail, le nouvel état indépendant ne pourra que sombrer dans un marasme économique qui le mènera, malgré son pétrole, vers un appauvrissement, accentué par la rapinerie d’une nomenclature, qui favorisera la montée de l’intégrisme. 

Cette piraterie du FLN gouvernera sans partage. Les Algériens en se faisant    voler leur révolution, entraient dans le club des pays abandonnés par la France aux castes les plus corrompues.  Cette politique voulue par De Gaulle fut  confiée entre autre à Bernard Tricot, qui sans poste officiel régnait sans partage sur les ressources de l’Afrique, faisant et défaisant fortunes, dictateurs, roitelets,  qui avaient tous un point commun : le gangstérisme d’état.

 

Peu de conflits ont laissé derrière eux autant d’amertume, de déception et de regrets que cette guerre d’Algérie qui fut une succession d’erreurs et de maladresses imposées par une politique improvisée que l’on continue de faire croire judicieuse. En contradiction avec la politique menée sur le terrain, De Gaulle, génie visionnaire pour les uns,  ambitieux Caudillo pour les autres, décidera d’une politique algérienne qui se soldera par des massacres de grande envergure.

 

Il faut bien admettre que les Algériens furent contraints par la violence du FLN et celle de la répression, au ralliement révolutionnaire. Les populations musulmanes, en grande partie indifférentes à la présence française ont subi un terrorisme aveugle et sans pitié, destiné à les faire basculer dans le camp du FLN. Si un nationalisme algérien existait bien depuis toujours, certaines mesures égalitaires, prises à temps et longtemps réclamées, seraient venues à bout des revendications indépendantistes.

 

Dans ce conflit la France perdra sa grandeur, les pieds noirs leur pays, les gaullistes leur honneur, les harkis leur vie et les Algériens, pendant cinquante années, toute espérance de progrès.

 

Quand à la France, si elle perdit sa conscience, peut être qu’un jour en  perdant   son identité, réalisera t elle l’importance des conséquences de la politique d’un homme qui n’aspirait qu’à reprendre, en même temps qu’une revanche, le pouvoir de l’état Français.

 

Les pieds noirs lucides qui analysent leur histoire   admettent leurs erreurs. C’est peut être une cause de leur silence.

Une minorité médiatisée  à plaisirs  exprime encore des sentiments fielleux  pouvant aller quelques fois jusqu’à la haine et au racisme. Si  moins de 5% de la population pied noir s’affichent avec l’extrême droite,  la grande majorité a aujourd’hui compris qui sont les véritables responsables.

 

C’est une évidence ! Aucun des nôtres (ou vraiment très peu et à des postes subalternes) n’ont participés à l’administration  coloniale  de l’Algérie Française. Aucun pied noir ne fut jamais gouverneur ni grand administrateur du pays, laissant ces tâches à des métropolitains qui souvent improvisaient des politiques inadaptées en fonction des directives du  capitalisme local.

 

A l’exception du grand colonat qui préférait les affaires au pouvoir en influençant considérablement celui-ci, la masse populaire ne s’intéressait que de très loin aux affaires du pays.

 

Le pied noir moyen, souvent immigré, se contentait d’assumer son travail et d’essayer d’assurer sa réussite professionnelle, ce qu’il fit admirablement avant et après l’exode où sa réinsertion fut exemplaire et largement pour la plupart, au dessus du niveau de vie qu’il aurait pu espérer atteindre s’ils étaient restés en Algérie.

 

Aujourd’hui les pieds noirs se divisent en plusieurs courants qui nuisent à l’union impossible que nous aurions pu souhaiter. C’est  la preuve irréfutable que cette communauté trop récente n’avait pas encore acquis une identité propre. Il aurait fallu peut être attendre une cinquantaine d’année pour que ce peuple trop jeune, aux clivages encore très marqués, puisse se fondre en une réelle communauté identitaire. Cent ans de vie commune n’auront pas permis à ces divers communautés, souvent rivales, de se rassembler en une seule et d’afficher un front commun qui aurait peut être permis de mieux présenter nos revendications et surtout de mieux nous faire connaître auprès des français métropolitains qui pour la plupart n’avaient aucune idée de ce que nous étions.

 

Si nous sommes fiers de nos élites qui aujourd’hui donnent  une image souvent prestigieuse de notre communauté en France et à l’étranger et de la majorité des nôtres qui dans divers endroits ont réussis leur intégration, nous ne pouvons que regretter  cet éclatement communautaire qui ne nous permettra pas  d’enraciner notre culture comme l’ont fait les arméniens, les juifs où aujourd’hui les arabes en France. La raison profonde de cet échec  en incombe  à la diversité de cultures qui n’ont pas eu le temps de se fondre, ni de  trouver le ciment d’une véritable fusion. Les rivalités idiotes et encore vivaces des oranais et des algérois en sont un exemple, celles des italiens et des espagnols aussi, l’antisémitisme latent qui n’a pas disparu aujourd’hui existait et souvent tout ce monde, légèrement au dessus du niveau de vie de l’arabe moyen qui restait toujours pauvre, n’hésitait pas à manifester une supériorité qui relevait plus de la bêtise que d’un atour de la nature.

Bien évidemment le contexte de l’époque permettait ces attitudes que l’on nommerait de nos jours des dérapages, encouragés par les propos des plus grands socialistes de l’époque qui de Jules Ferry à Léon Blum proféraient des harangues aujourd’hui inimaginables. Héros vénérés de la gauche,  que leurs discours  aujourd’hui  enverraient devant les tribunaux.  «  Nous avons trop l’amour de notre pays pour désavouer l’expansion de la pensée et de la civilisation française. Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie. » L.Blum.

 

 

 

 

 

Je me souviens de certains comportements,  où la bêtise associée à un racisme latent   permettait à  certains de ces petits blancs de se distinguer   par des attitudes supérieures en   prenant un certain  plaisir à dominer le plus faible, en l’occurrence l’arabe. Certes ils n’étaient pas légion, mais ils existaient. Comme ce patron de café, porte parole des plus grandes gueules du quartier Nelson et pas toujours les plus futées, d’une nature  «  bagarreur  », qui sautait par dessus son comptoir pour passer à tabac  presque toujours   de pauvres bougres un peu trop insistants. Un autre haut parleur de ce quartier de Bab el Oued,  qui parlait peut-être un peu trop fort. Il finit assassiné suivi de près par son frère. Il est certain que si ces pauvres bougres avaient su se tenir, ils n’auraient été ni expulsés, ni assassinés. De trop belles cibles pour médiatiser le terrorisme naissant.

Cette époque fut sanglante pour beaucoup de ces personnages qui dans une atmosphère de bombes, d’assassinats, de terrorisme et de contre terrorisme plongeaient la ville dans un chaos où les parachutistes de Bigeard reviendront mettre difficilement de l’ordre.

 

Ces nombreux « activistes » toujours manipulés par l’antenne gaulliste d’Alger participeront à l’attentat de la rue de Thèbes, à l’affaire du Bazooka, bien plus tard après le 13 mai, aux barricades et au putsch, puis iront naturellement  dans l’OAS. Les quelques survivants  encore en vie, continuent souvent de donner la même image désastreuse de ce passé,  se positionnant sans qu’on leur ait  rien demandé, comme nos représentants,  radotant un discours qu’une sénilité naissante  n’améliore pas.

Ces hommes sans aucun doute sincères, que j’ai pu voir évoluer de très près étaient restés de grands enfants. Aucun ne connut le sort de Gavroche. On en retrouve encore quelques uns sur des sites internet provocateurs, car comme les « chahides » ils ont fait également des petits aussi excités que leurs aînés.

 

L’age n’ayant pas arrangé les choses, ils continuent avec quelques irréductibles leur guerre d’Algérie, empoisonnant sans souvent s’en rendre compte, le travail et la vie de  gens plus réalistes qui depuis toujours essaient de donner l’image véritable du pied noir dans toutes ses composantes.

Quelques uns, les plus intelligents comme Lagaillarde se sont tus, les autres, les plus nombreux persistent à se donner en spectacle sans vraiment chercher à  s’améliorer.

 

Quarante quatre ans après, les clivages de tous ces frères ennemis au lieu de se résorber ont tendance dans un dernier souffle à s’amplifier. Peu nombreuses sont les associations qui continuent d’entretenir cette animosité contre l’arabe et où le juif est tout juste accepté.

 

L’état d’esprit d’une certaine catégorie de ces  éternels petits blancs, presque toujours issus et descendants  des classes  ouvrières, continuent, au détriment de l’amitié et de l’entente fraternelle  qui devrait nous unir, de diviser et d’éloigner les nombreux sympathisants  qui refusent  de s’associer  à ce genre de  propos aujourd’hui dépassés.

Pour certains et vu ce que j’ai pu entendre et lire sur certains visages, toute idée de fraternisation avec nos amis algériens est à bannir. J’ai même rencontré, outre les habituelles grenouilles de bénitiers, des franc-maçons aspirant aux plus hautes fonctions de leur loge, se comporter sans retenue  exprimant des propos et des sentiments racistes des plus primaires plus proches du Ku Klux Klan que du grand  mouvement ésotérique et humaniste qu’est la franc-maçonnerie. Peut être  n’ont-ils rien compris ni à l’Algérie ni au Grand Architecte de l’Univers et resteront ils pour la plupart toujours que des éternels apprentis ?

 

Vient ensuite le long cortège des indifférents, des amnésiques, des déçus, des rigolards, des radins et des  «  je m’en foutistes ». Ils sont légions. On peut en apercevoir certains  dans les réunions gastronomiques où les  moitié-prix sont toujours excessifs et le service trop long, d’autres sont en permanence aux abonnés absents, quelques hommes d’affaires pourraient  équilibrer leur absentéisme par une compensation pécuniaire, mais il n’en est rien. Ils en ont pourtant les moyens. Quelques bons vivants préfèrent se rencontrer une fois par mois autour d’une khémia, peut être ont-ils compris que  la grande communion  se faisait à la cuisine. Enfin il y a les radins qui promettent inlassablement d’envoyer leur obole qui n’arrive jamais et osent rouspéter de ne jamais recevoir d’invitations à nos agapes. Ceux  qui avec un art raffiné  s’éclipsent à l’anglaise dès qu’il s’agit de mettre la main au bassinet. Une dernière catégorie, les retraités qui prennent les associations de rapatriés pour des club du troisième âge et qui en clan participent à ces réunions   couscous-merguez sans trop vouloir, convivialement  intégrer les nouveaux.

 

Souvent pour ne pas dire toujours, dans un état d’ esprit atavique de « chicaillas » ces courants s’imbriquent les uns aux  autres et en dehors de ces ripailles sans intérêt, d’une   médiocrité  qui    n’intéresse  vraiment pas grand monde, rien ne semble pouvoir les distraire du traintrain quotidien.  

 

Triste bilan, triste constat, triste exil, triste France ! Pauvres pieds noirs !  Ils « sont tous arrivés » il est vrai…   mais aussi dans quel état !

 

De Gaulle n’avait pas entièrement tord en disant que nous étions d’inoffensifs braillards capables de vociférer qu’à l’heure de l’anisette. Je crains qu’en guise de conclusion il faille se contenter de cette appréciation certes caricaturale mais pas complètement infondée.

 

 Nombreux furent les Pieds Noirs, rentrés avec deux valises en carton (achetées assez ironiquement à la va-vite au moment de l’exode, aux arabes en bordure du port), à regretter ces propriétés imaginaires qui allaient de paire avec un train de vie tout aussi  chimérique. Ces imbéciles heureux ne soupçonnent pas la richesse et l'importance de leur histoire. Partis de pays miséreux, il aura fallu à leurs ancêtres cinq générations pour bâtir ce magnifique pays qui allait seulement commencer à leur donner une satisfaction qu'ils n'auront pas.    

 

 La plupart des  ces gens, de  conditions modestes, souvent d’origine étrangère, ont bouleversé leur vie, appris une langue, fait des études presque toujours brèves, ont travaillé laborieusement  avec l’unique souci de nourrir leur famille.

Très peu d’entre eux pensaient seulement à s’exporter au-delà du faubourg où vivait la bourgeoisie. Les hauteurs de la ville, qui comme dans toutes les capitales du monde abritent les riches demeures bourgeoises, leur étaient inconnues. Leur univers s’arrêtait pour la plupart à la rue Bab Azzoun.

 

Ces braves gens, qui les grands jours, s’habillaient comme les riches, semblaient vivre heureux. Les nouvelles générations commençaient seulement à s’intégrer et à s’adapter à la modernité sans toutefois aspirer à autre chose qu’un peu plus de confort. Très peu de mauresques, femmes de ménage, avaient des chances de trouver des emplois stables dans ces familles. Il y avait des « commissionnaires » patentés qui travaillaient pour  plusieurs familles, quelques fois des employées de maison embauchées à l’heure. Quelques fois, des jeunes filles  du bled étaient placées plus au moins au pair.

 

Cette escapade en souvenirs heureux sur les lieux de mon enfance est comparable à ces longs feuilletons interminables de la TV.  Pas un jour depuis ce maudit mois de juin 62, chaque pied noir, chaque rapatrié, qu’il soit riche ou pauvre, intégré ou pas, n’a pas eu  quelques instants par jour, des flash, des images, des pensées qui ne lui rappellent le pays. Certains ont pu ou voulu  y retourner peut être trop tôt et sont majoritairement revenus déçus, d’autres pensaient ne jamais revoir ce coin de terre jamais oublié jusqu’à cette époque où l’appel des algériens  fait renaître un passé de part et d’autre regretté.

Ce fut mon cas, moi qui ne voulait à aucun prix, voir le drapeau fellagha flotter sur Alger, qui fut un partisan convaincu de l’Algérie Française, qui ne l’était pas ? Et qui  depuis l’indépendance, rumine, analyse et essaie de comprendre souvent l’incompréhensible. Voilà que depuis quelques mois, à peine quelques années, des idées de retour se précisent. Et une même question ne cesse de revenir dans ma tête…Et si nous nous étions trompés !

 

Nous prenons en général un malin plaisir à nous moquer  du monde  n’omettant pas particulièrement  de rire de nos malheurs. Nos premiers partenaires étaient les arabes avec qui nous jouions une  pantomime    riche d’une complicité qui mettaient souvent le français de France, comme nous les appelions,   fraîchement débarqué, dans un embarras extrême.

Qualifié arbitrairement de « rougios »,  certainement à cause de notre agressif soleil mais aussi pour leur attirance pour le bon vin, le pathos ou le francaoui, on disait frangaoui, tenait également  une place importante  dans ces jeux qui se terminaient presque toujours, tous ensemble devant une anisette.. Depuis rien n’a vraiment changé ! dès que deux pieds noirs se rencontrent, cela débouche inévitablement, comme par le passé sur de franches rigolades.

La vie, les évènements que nous vivons et que nous observons depuis cette cohabitation forcée avec les hexagonaux, restent une source inépuisable de joies, d’enseignements et de surprises que notre passé et notre histoire transposent  « allégoriquement »  dans une comédia del arte permanente qui ne finira jamais de nous surprendre et de nous étonner. 

 

 

 Charles De Gaulle…

 

Nom qu’on associe trop souvent  à l'idée d'une certaine «grandeur» de la France. Mais comment associer cette grandeur et tout ce déshonneur ?
 

De Gaulle, soutenu par les partisans de l’Algérie Française prend la revanche de son éviction contre les partis de 1946. A son retour au pouvoir, il prodigue à ses supporters les promesses les plus solennelles, dans le moment même où il a décidé de les tromper.

 

Le grand Charles, téléfilm en deux épisodes sur TFI  continue de construire la légende gaullienne en relatant  dans un flou apparent   l’engagement de celui qui devant l’armée, puis la France entière  a juré et prêté serment.

Il avait promis que lui vivant jamais le drapeau vert et blanc ne flotterait sur Alger.

 

Le réalisateur Benjamin Stora, dont les engagements trotkistes et les trous de mémoire  célèbres  reste en tête du peloton d’une clique d’historiens  et d’observateurs pour qui l’impartialité n’est qu’un piètre mot.

 

Ce brillant « historien » dont le fond de commerce est  plutôt prospère, (ce que nous pouvons comprendre sur le plan commercial),  rechigne à contrarier les lecteurs qui le font vivre. Un brin d’objectivité et  d’impartialité serait quand même les bienvenus.

Le monologue de la fin du film donne une image d’un De Gaulle visionnaire, grand stratège d’une décolonisation qui fut un gigantesque fiasco, ce que tout le monde admet aujourd’hui.

Le bilan global des historiens se rapproche chaque jour d’une vérité nouvelle que l’on  peut de moins en moins  maquiller  et qui est bien différente de ce que nous avons l’habitude d’entendre.

 

Ecoutons un soldat perdu…

 

« On peut comprendre que vers 1960 dans certaines analyses,   on a pu estimer qu'il n'y avait plus d'avenir pour une France «de Dunkerque à Tamanrasset», et que l'on se soit engagé sur la voie d'une Algérie et d'une France indépendantes, ce que l’on ne peut comprendre, c'est la manière dont cela s'est passé.


En effet, sur un plan militaire ou policier, en 1962, il paraît incontestable que les forces de l'ordre avaient «gagné la guerre», et il me semble donc que les autorités françaises et au premier rang desquelles le président de la République, étaient en position de force pour imposer le processus de l'émancipation algérienne sans passer sous les fourches caudines.

Dès lors pourquoi ne pas avoir imposé des conditions honorables, voire favorables pour la France?

 Pourquoi avoir accepté de livrer à leurs bourreaux cruels et à une mort certaine les harkis (qui n'avaient pas été économes de leur propre sang pour combattre aux côtés des forces de l'ordre françaises) et leurs familles?

 Pourquoi interdire à nos soldats de circuler avec leurs armes ou leur interdire d'intervenir pour protéger les familles qu'on lynchait, qu'on massacrait ouvertement? Qu'est-ce que ça aurait coûté qui fût intolérable que de permettre à la France, son armée, ses ressortissants et ses partisans de se retirer dans l'ordre, l'honneur et avec la vie sauve? »

 

Le grand homme a menti. Pour s’emparer du pouvoir il était prêt à jouer tous les coups, même les plus illégaux.

 

 

 le mensonge...

 

 

 

En 1958, De Gaulle arrive au pouvoir porté par l’espoir de tous les pieds noirs, de l’armée et de la grande majorité des Français. Pour tous il va résoudre et il s’y engage, le problème de l’Algérie dans le cadre de l’Algérie Française.

Face à l’incompétence et à l’inertie de dix ans de politique parisienne, « le plan Résurrection », véritable prise de pouvoir par l’armée lui a été soumis par le général Dulac, qui de retour à Alger transmet au général Salan, commandant des forces armées en Algérie,le message suivant :

« Il ne faut pas que j’apparaisse sur la scène derrière cette opération. Donc il faudra que je sois appelé sans que cela donne l’impression d’un coup d’état militaire.

Dites à Salan, que tout ce qu’il a fait et tout ce qu’il fera, c’est pour le bien de la France. Il faut sauver la baraque… »

Devant l’évolution de la situation et les prises de position favorables de René Coty, « le mandarin » (surnom du général Salan) attendra. Malgré les pressions gaullistes, le général en chef décidera de ne pas déclencher le plan Résurrection épargnant ainsi un coup d’état à la République.

 

« Merci du fond du cœur, du cœur d’un homme qui sait qu’il porte en lui la lourde responsabilité de l’Histoire…Vive Mostaganem, Vive l’Algérie Française, Vive la France !  »

 

Voulant un référendum lui consentant les pleins pouvoirs dans les plus  bref délais, ce mensonge lui assurait les bonnes grâces des pieds noirs et  de l’armée. Aussitôt

cette comédie jouée, il commença le bradage au plus grand mépris de ceux qui l’avaient porté au pouvoir.

 

Le passé de De Gaulle aurait du nous éclairer sur ses véritables intentions, son entourage était pour nous une garantie suffisante de sa bonne foi et nous ne pensions pas que des hommes comme Massu, Soustelle, Salan puissent se tromper si lourdement sur les intentions et le comportement  machiavélique de celui en qui ils avaient placé toute leur confiance et tous les espoirs.

Le colonel Argoud rapporte une anecdote lors d’une tournée des popotes où un jeune officier lui pose la question :

« Mon Général, est il vrai que vous pourrez un jour abandonner l’Algérie ? »

Hautain, le général lui a répondu dans le blanc des yeux :

«  Est-ce que De Gaulle abandonnerait jamais quelque chose ? »

 

Et puis est arrivé le moment où il a jugé que le fruit était suffisamment mûr pour ne plus prendre de précautions. Tous les grands chefs militaires Massu, Bigeard, Salan et bien d’autres étaient au placard, limogeant et écartant les plus virulents partisans de l’Algérie Française, il pouvait placer ses fidèles et plats serviteurs tels que Paul Delouvrier, Foucher, Morin etc, porteur de messages trompeurs totalement contradictoires à la politique souterraine amorcée par l’Elysée.

 

La trahison totale de celui qui avait promis un avenir français allait déclencher une cascade d’évènements et un

basculement de toute une partie de l’armée, mettant plusieurs fois en péril la stabilité du régime.

Jouant jusqu’à la fin du conflit un jeu extrême, De Gaulle allait  permettre à une troisième force de prendre en main le destin de l’Algérie pour l’emmener vers une démocratie populaire où toutes formes de coopération avec la France serait bannies. La mascarade des accords d’Evian confirma à quel point De Gaulle voulait se débarrasser à n’importe quel prix de l’Algérie.

 

Notre état d’esprit à l’époque et je crois qu’il n’a pas changé, était que De Gaulle méritait la mort. Son parjure avait eu des conséquences terribles en particulier pour les harkis. Pour les pieds noirs en les abandonnant  comme à Oran où le général Katz, sur ordre, a laissé massacré 3000 français, donnant ordre à la marine nationale de ne pas intervenir pour rapatrier ces malheureux qu’on pourchassait dans les rues d’Oran.

De Gaulle avait décidé de donner aux pieds noirs leurs martyres, Nous allions être servis.

 

« Quand à moi De Gaulle m’a appris la haine et je ne crois pas être différent de tous mes compatriotes pieds noirs. En mon âme et conscience, au bout d’un canon, je ne pense que j’aurais pu hésiter une  seule seconde. Sans réticence, aucune.

 

Cet homme avait accumulé tant de fautes qu’il méritait de payer.

Les biographies condescendantes de nombreux écrivains complaisants passent sous silence les actes de forfaiture, de  supercherie  et de trahison de ce personnage, il est vrai hors du commun,  arrogant et méprisant  dont  la carrière fut bâtit  sur l’opportunisme et le mensonge.

 

Grâce à l’habileté du verbe et l’utilisation massive  et nouvelle de la radio télévision complètement aux ordres du régime,  «  l’homme du destin »  embobinera la France et les français et deviendra avec l’appui de ces médias le plus grand fabulateur du siècle.

Il commencera sa carrière en empruntant aux vrais combattants des écrits avec lesquels il rédigera  un traité d’une guerre où il fut souvent absent, ce qui lui valut une querelle et une rancune jamais éteinte avec le vainqueur de Verdun.

Une anecdote peu connue de sa captivité relatée par un historien allemand donne une idée de la morgue et de l’effronterie de ce singulier personnage. Les Allemands remettaient leur sabre aux officiers français prisonniers pour assister à la messe le dimanche. De sa hauteur et avec l’arrogance que nous pouvons imaginer, le prisonnier De Gaulle, ne se voyant pas remettre le symbole de son grade réclama son arme…On ne lui avait pas dit que cette considération typiquement prussienne de l’honneur n’était accordée qu’aux officiers pris les armes à la main…

 

 Il faut bien conclure.

 

Aujourd’hui le temps est peut être venu, de part et d’autre de la méditerranée  de faire conjointement un travail de deuil et de mémoire qui facilitera peut être la réhabilitation d’une histoire commune et douloureuse.

 

Par delà les douleurs et les plaies non cicatrisées, les ambiguïtés, les peines et les mensonges, il faudra encore surmonter beaucoup d’obstacles dont le principal est en nous même. Et là !  les pieds noirs ont une longueur de retard par rapport aux Algériens.

 

Le séjour est fini, je suis comblé. Avec Rachid nous abrégeons sans trop nous l’avouer les adieux. Nous nous donnons l’accolade et rendez vous, c’est sûr, dans un an Inch’Allah.

 

Le départ est aussi  spectaculaire que l’arrivée. L’émotion éprouvée n’est pas tout à fait  la même qu’à l’arrivée.        L’apaisement  du à une profonde satisfaction ajoutée à une irrésistible envie de revenir ont changé ma vision et mon statut d’exilé car je sais que demain je reviendrai.

 

Ma réconciliation avec ma terre natale est réussie, je repars cette fois ci vers un exil moins définitif, moins douloureux.  Heureux et conscient que si nous le voulions, nous pourrions revenir vivre sur cette terre où des  algériens seraient heureux de nous revoir et de nous accueillir.

Je repars aussi avec  un autre espoir, celui de  transmettre à tous mes amis pieds noirs un message d’amour et d’amitié de la part du peuple Algérien, véritable  thérapeutique qui pourra peut être  les guérir d’une nostalgie toujours difficile à supporter.

Certains pourront, d’autres pas.

 

La France par une répression aveugle et souvent immodérée   a imposé une insurrection qui devenait inévitable, laissant à des militants nationalistes moins pacifiques le soin de mener une rébellion axée sur la terreur.

Les plus  pacifiques des leaders de l’indépendance étant écartés et qui se présentaient comme des interlocuteurs honnêtes furent  contraints de céder la place à des guérilléros qui  entraînèrent le mouvement vers un despotisme  sanguinaire.

 

 Peu de conflits ont laissé derrière eux autan d’amertume, de déception et de regrets.

 

L’Algérie restera toujours pour la France une plaie purulente qu’aucune chirurgie ne pourra véritablement effacer ou atténuer car « Le mensonge écrit avec l’encre ne peut obscurcir la vérité écrite avec le sang. » Pour reprendre Albert Camus, « qui répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime, si ce n’est l’obstination du témoignage !  

La conquête puis la guerre d’Algérie fut une succession d’erreurs et de maladresses  imposées par des politique improvisée laissées à la libre appréciation des responsables locaux de l’époque qui appliquaient des méthodes   suivant leur tempérament dans un contexte de  guerre « où la force primait le droit » et  presque toujours sans en référer à Paris.
La dernière phase de cette guerre  qui se solda par une décolonisation bâclée que l’on continue 40 ans après d’interpréter comme une stratégie voulue et menée correctement à terme, fut également une tragédie semée de massacres, de terreurs et de répressions, qui finiront par ancrer définitivement le mouvement de libération du peuple algérien.
 
Si La France se refuse de moins en moins  à accepter les versions fallacieuses de l’époque gaullienne, les Français continuent, simplement parce qu’ils s’en fichent , d’ignorer les évènements qui conduisirent les peuples libérés à revenir sous son giron.  « Le ruisseau qui sépare Alger de Marseille » et l’état d’une Algérie souffrante et meurtrie, favorisent un  flux migratoire difficile à endiguer.
Une ségrégation  anti arabe  existe en France où  cinq millions  de musulmans sont présumés coupables de compromettre  de plus en plus les institutions de la République en même temps que la tranquillité des français.  Ce qui commence sérieusement à agacer  les « donneurs de leçon d’hier »  qui selon les sondages  affichent des sentiments bien français de xénophobies ?
 
Le discours du français moyen d’aujourd’hui n’est plus tout à fait le même que celui que nous entendions en 1962… 
 
 
« Tout de même ! je vais vous dire une chose ! s’ils vous ont fait tout ça les gens du FLN, il a fallu que vous leur en fassiez à ces gens là ! Alors maintenant un conseil…il faut tourner la page… »
 
A cette époque, nous ne prenions pas la peine de répondre et d’expliquer notre condition « d’oppresseur »  que la France entière avait décidé de nous coller à la peau. Pensant que le temps apporterait sa part de vérité et de réhabilitation, notre attitude résignée et silencieuse  confirmait un peu plus cette réputation que les médias et  les radios propageaient sans se soucier un seul instant de nos états d’âme. Ce bien curieux langage, souverain, accusateur, moralisateur, bien  à la française, ne devait jamais s’atténuer. L’objectif pour tous Pieds Noirs à cette époque était de se remettre au travail et de retrouver rapidement  une vie normale.
 
Un proverbe arabe dit : « Assieds toi au bord de la rivière, tu verras passer le cadavre de ton ennemi. »
 
 Plus de quarante ans après, ce discours jadis équivoque  a considérablement  changé.
« Tout de même Monsieur, (tiens ils nous disent Monsieur), ils envahissent nos quartiers, nos écoles…ils construisent des mosquées avec l’argent des contribuables…ils prennent le travail de nos enfants…Connaissent toutes les combines…Prennent les allocations, même pour leurs femmes restées au bled…on ne voit qu’eux à la Télé…on n’entend qu’eux sur toutes les radios…Il nous faut des hommes énergiques capables de régler ce problème… »
 
 
 Tiens, tiens !  Serions nous  sollicités pour donner un avis ?…
 
Nous répondrons sans trop nous réjouir, mais quand même un peu en pensant que cette bande «  de veaux »,  à force de manger du foin
 " Qui fait l'âne ne doit pas s'étonner que les autres lui montent dessus !  "  encore un proverbe de chez nous !
 
Ces pauvres français  du haut de leur supériorité et sans souci du ridicule se sont imaginé pendant des  siècles être une nation bien pensante, donnant des leçons de morale, de démocratie, d’humanisme et de savoir faire au monde entier,  se découvrent subitement  surpris d’être aujourd’hui un peu pris en otage. En étant contraint de devenir un peuple métissé la  page qu’ils seront  contraints de  tourner    se fera  certainement  de la gauche vers la droite.
 
Dire que nous détestions les arabes est aussi faut que de prétendre le contraire. Une   acceptation commune des uns et des autres, les affinités dues à un long voisinage facilitaient une cohabitation qui permettait d’entrevoir un avenir plus digne, plus humain. Ce que les « pourrisseurs » de l’époque ne voulaient absolument pas. Nos rapports actuels avec le peuple Algérien le confirment.
Encore une fois il serait ridicule et totalement faux de répondre par un oui ou par un non catégorique et de penser que les rapports entre toutes les communautés étaient  idylliques ou totalement conflictuelles.
Le petit peuple algérien, européen, juif et musulman, se côtoyait quotidiennement  au travail des champs ou sur les chantiers, et rapprochait souvent les hommes en de
véritables amitiés. Le contexte et les mentalités de l’époque ne permettaient pas, de part et d’autre le mélange des races qui aurait pu confondre et enrichir davantage ces deux cultures.
Une culpabilité devenue  instinctive par une désinformation voulue et répétée, née  d’un monopole socialo-communiste sur l’Education Nationale, tendancieusement brouille les esprits des nouvelles générations   qui acceptent l’idée que notre parcours algérien écartait complètement les arabes de notre univers et qu’un racisme permanent réglait notre quotidien. Si cela a existé, ce n’était pas une généralité.
 
Alors que des solutions plus honorables se dessinaient, De Gaulle a délibérément  changé de cap et permis à une minorité arabisante de museler dès l’indépendance toutes les oppositions et d’instaurer un régime de misère socialiste dont les conséquences furent dramatiques.
En relisant aujourd’hui l’histoire   au travers d’archives plus récentes,  nombreux sont les historiens qui s’accordent à dire et à penser que ce formidable fabulateur a  délibérément menti à l’armée, aux pieds noirs et aux français. Avec de fabuleux talents de  mythomane,  il   réussit à transformer  une gigantesque  débâcle en victoire, laissant l’Algérie dans un bourbier et la France promise à un avenir dont il portera la lourde responsabilité. Tant de sang versé pour en arriver là !
 
« Ces manœuvres mesquines, misérables et sans gloire ne parviendront jamais à falsifier « L’Histoire »…
Les français d’Algérie quelle qu’en soit l’origine ont des critères palpables, des vertus synonymes de Vaillance et de Courage.
 
Du fond de leurs entrailles, issus des bâtisseurs et des champs de bataille, contre vents et marées, ils ont pourvu la France d’une œuvre colossale jusqu’à… l’Indépendance »
 
Mais la terre continue de tourner et la vie d'avancer. Les Pieds Noirs condamnés à disparaître préfèreront pour la plupart se taire, tous ces habitués de grandes chaleurs et de beau soleil s'en iront reconstruire leur vie ailleurs avec quelques affaires dans des baluchons,  laissant derrière eux toute une vie, tous leurs cimetières et tout un patrimoine.
 
Les pieds noirs, presque toujours   aveugles et sourds aux véritables problèmes des Algériens musulmans,  regrettent par-dessus tout l’abandon d’une terre qui était la leur.
Ils ont aimé ce pays, ils ont aimé ces hommes, et pour leur malheur, ils ont par-dessus tout aimé la France qui les a trahi.
 
Aujourd’hui  l’Histoire est en marche… un peu plus lucides, leur analyse est différente.
 
Les Français qui n’avaient    pratiquement jamais cessé d’avoir des contacts secrets avec les représentants du FLN et ce jusqu’à l’affaire Si Sahla, furent contraints en définitive  de céder diplomatiquement.
Sur le plan international, la victoire du FLN, soutenue par l’ensemble des nations, fut éclatante et le destin révolutionnaire du FLN devint rapidement une légende avant-gardiste du tiers monde qui mènera tout droit le pays vers un socialisme  version catastrophe.
 
L’histoire commune de ces deux peuples fut une succession d’occasions manquées où la France se distingua le plus souvent par sa mauvaise foi, faisant à la longue, perdre patience et surtout confiance   aux Algériens.
En prolongeant cette guerre jusqu’au bout, (incontestable crime  que nous pouvons imputer à celui qui avait choisi ce prétexte pour s’emparer du pouvoir), La France avec qui De Gaulle aimait se confondre, allait s’enfoncer dans un bourbier dont lui seul sortirait pour un temps grandi.
 
Les Harkis seront massacrés.
Les Pieds Noirs seront exilés à vie.
Les Algériens s’entretueront dans une guerre civile atroce.
La France et les français, découvriront trop tard que les séquelles de cette sale guerre d’Algérie les  mèneront vers un métissage aujourd’hui inévitable.
Une France Algérienne qui n’a pas fini de faire parler d’elle est entrain de naître.
 
De Gaulle ! un grand homme ! Il serait temps que la légende  cède la place à l’Histoire 
 

 

 

 

 


Commentaires

 

christineb  le 12-04-2014 à 19:27:39  #   (site)

je découvre votre blog: impossible de tout lire ce soir car vos articles sont denses. Ce sera pour un autre jour. En attendant, je vous souhaite un bon dimanche et une bonne continuation.

 
 
posté le 13-04-2014 à 06:21:25

Documents guerre d'Algérie.

 

 Photos de guerilla urbaine

 

« N’accablons pas certains en acquittant les autres et prenons garde que, à force d’être solidaires des victimes, nous ne soyons également solidaires des bourreaux… »

(Albert CAMUS ) 

 

 

La rue de Chartres, certainement juste avant 1958.

Rue commerçante très fréquentée de la basse casbah sous haute surveillance.

 

 

 

Manifestation anti gaulliste 11 novembre 1960

 

 

                        Manifestation anti gaulliste le 11 novembre 1960

 

 

          On envoyait souvent les paras au devant des manifestants pieds noirs.

                       La scène contraste avec le document ci dessus. 

 

 

              Les barricades d'Alger. 24 JANVIER 1960

En janvier 1960, les activistes de l'Algérie française s'insurgent et dressent des barricades pour protester contre le rappel en métropole du général Massu par de Gaulle et contre la politique du gouvernement français qui s'apprête à entamer des négociations sur l'autodétermination avec les leaders du GPRA

(Gouvernement provisoire de la république algérienne).

 

 

 

 

 

 

 

 

 Unités territoriales.

 

 

 

 

 

" La poêle à frire" aux portes de la Casbah.

 

 

 

Les trois horloges

 

 

 

 

 Arrestation d'un activiste.

 

 

 

 

 Avant l'attentat.

 

 

 Avant l'attentat.
La bombe  à retardement fut posée sous la scène par un employé du Casino.
 
 

 
Après l'explosion.
 
 
 

 
 
 Zohra Drif ,compagne de Yacef Saadi, Poseuse de bombes
arrétée le 24/9/1957,par le 1er REP
au 3 de la rue Caton
----
En 2008, un Film "les Porteuses de feu" faisant l'apologie des poseuses de bombes du FLN, notamment de celle qui plaça la bombe du Milk-Bar, fut diffusé sur la chaine publique FR3.
 
Comme Yacef, Djemila Bouired et tant d'autres,  ils ne furent pas "torturés".
 
 

 

Attentat du Milk Bar

 

 

 

 

De 1954 à 1962, des tattentats presque toujours aveugles...

 

 

 

 

Des dizaines de bombes explosaient chaque nuit ...
 

 

En plein centre ville...Alger.

 

 

 

 

Devant la cathédrale.
 

Toutes les rues de la basse casbah étaient verouillées
avec des postes de contrôle.
 

  Poste de contrôle. Les bombes sortaient de la casbah
avec des femmes voilées.
 

 

Contrôle place du Gouvernement... 

 

 

Dans le bus avec les U.T... 

 

 

 

 

Une des sorties de la casbah....

 

 

 

 

Une bombe vient d'exploser...

 

 

 

 

 Le 13 mai...

 

 

 
13 mai
 

 

 

 

 


Commentaires

 

norbert de Stora  le 03-04-2020 à 18:27:24  #   (site)

Très agé, lorsque j’explique aux jeunes que pendant mon enfance, nous étions désignés sous le nom d’algériens, personne ne me croit.
Et pourtant j’en étais fier, puisque français, je ne me suis jamais senti véritablement
«  hexagonal ».
Plutôt algérien, mais pas comme ces jeunes algériens de nationalité française ou non, vivant en France, qui n’ont jamais, sciemment ou non, voulu admettre que le peuple lambda des deux bords, vivait en Algérie en grande fraternité.
D’abord joueur puis entraîneur et formateur de club sportif qui rayonnait dans notre ville, la symbiose était totale entre les deux ethnies.
Et je comprends donc la manière de penser de l’auteur de cet ouvrage-verité.
J’adore me remémorer cet attachement que nous avions avec ce peuple avec lequel, a l’époque, nous étions si proche avant son détournement qui ne lui a apporté que malheurs.
Mais il me faudrait beaucoup trop de temps pour détailler, ne serait- ce, que le résumé de la quintessence des sentiments qui demeurent en moi!

 
 
 

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