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Titre du blog : Le goût amer de la Vérité.
Auteur : lebouletalgerien
Date de création : 11-04-2014
 
posté le 11-04-2014 à 06:26:05

Le boulet algérien. Première partie.

 

 

 

 

 

 

 

Le goût amer de la Vérité...

   Parcours atypique d'un Algérien d'Expression Française 

 

 

La France, comme Capri…

c’est fini…

 

 

Harroua el djazaïr

 

 «  Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part…C’est peu à  peu que nous composons en nous le lieu de notre origine,

        pour y naître après coup etchaque jour

                                   plus définitivement. »                                      

 

Lettres Milanaises.1956. R.M. Rjanvier 1957 

 

 

   

  Peu de conflits ont laissé derrière eux autant d’amertume, de déceptions et de regrets. Une succession d’erreurs et de maladresses imposées par une politique improvisée que l’on continue de faire croire judicieuse. Dans ce  drame national de grande ampleur, la France perdra sa grandeur, les pieds noirs leur pays, les gaullistes leur honneur, les harkis leur vie et les Algériens, pendant au moins un siècle, toute espérance de démocratie.

 

 

J’ai pu lire d’un bout à l’autre le numéro spécial du Moudjahid.

J’ai été navré d’y retrouver, pompeusement idiot, le style d’un certain hebdomadaire régional.

Il y a dans ces trente pages beaucoup de foi et de désintéressement mais aussi beaucoup de démagogie, de prétention, de naïveté et d’inquiétude.

Si c’est là la crème du FLN, je ne me fais pas d’illusions, ils tireront les marrons du feu pour quelques gros bourgeois, quelques gros politiciens tapis mystérieusement dans leur courageux mutisme et qui attendent l’heure de la curée.

Pauvres montagnards, pauvres étudiants, pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier.

 

Mouloud Feraoun. Journal 1955 – 1962.

 

 

 

 


 

 

 

   Bismilla...

 

Ce travail je l’ai commencé il y a fort longtemps…

Il s’agit d’une succession d’articles, qu’en bon pied noir je destinais régulièrement  à la presse   régionale et  associative avec la désagréable  habitude d’en recevoir peu d’échos.  

Après cet incroyable retour au pays, quarante quatre ans après, j’ai voulu rassembler autour du récit de mon  voyage à Alger, tous ces écrits qui reflètent   les  sentiments amers  que nous traînons et que nous traînerons, hélas, encore de nombreuses années.

 

Ecrit dans un français approximatif, j’ai voulu utiliser par moment   le langage parlé  de ma rue, de mon quartier, celui de Bab el Oued, mot magique qui désigne un faubourg populaire jadis communiste  qui  illustre à lui seul   la merveilleuse saga du petit peuple  qu’on appelait les petits blancs ou encore les Algériens, avant de les cataloguer de «  Pieds Noirs ».

 

Certains de mes « bons » amis pourront toujours dire qu’avant d’écrire un livre y vaut mieux aller s’apprendre le français.

Y z’ont pas entièrement tord paceque mes seuls diplômes y sont le Certificat d’Etudes passé en 1960 à Alger, le brevet sportif et le brevet parachutiste.

 

Comme je suis passé direct de  sixième en quatrième en allant un jour sur trois à l’école à Bab el Oued pour causes que vous savez, et que arrivé en France, si j’avais du redoubler je s’rais arrivé en première à 23 ans,  mon père, il a préféré me mettre dans une école privée. Une voie de garage, un parking payant en queques sortes, où j’ai été forcé, tant bien que mal d’ assister aux cours jusqu’à la l’âge de presque 20 ans.« Il en restera toujours quelque chose ! » disait il et il avait bien raison.

 

Cette école, c était un grand Bazar mixte et on râlait quand arrivait le vendredi soir à l’idée de se séparer de nos copains, mais surtout de nos copines…

Ca aurait pu être le bon temps si le sort y m’avait fait naître ailleurs  qu’à Bab el Oued.

 

Traînant l’Algérie comme un boulet, j’ai du faire avec et vivre pendant  44 ans d’exil,  avec mes doutes,  mes incertitudes et mes  regrets…apportant régulièrement avec la plus grande  honnêteté  possible des corrections constantes sur une histoire  atroce dont on ne connaît pas encore toutes les dérives.       C’est dans la complicité et l’amitié sincère de mes amis algériens, que m’apparaît enfin aujourd’hui le bout du tunnel. Chemin que mes frères Pieds Noirs n’ont pas su me montrer, peut être parce que trop meurtris. 

 

Si  aujourd’hui l’avenir  m’apparaît  légèrement  plus serein, je le dois à ce fantastique  pèlerinage effectué en mai 2006  qui a  contribué à faire de moi un véritable algérien, effaçant définitivement  mes dernières et maigres accointances avec cette France marâtre qu’il me sera difficile, voir impossible de pardonner.

 

Aujourd’hui,  plus que jamais mon cœur est Algérien, et c’est  avec une grande émotion, partagée par un grand nombre des miens, que j’aime me définir comme tel. «Algérien  d’expression française ». Particularité, distinction  de plus en plus reconnue par ceux qui nous appellent leurs frères de terre, les Algériens.

 

Ce terme magique   qui englobe en trois mots toute notre différence et notre originalité correspond mieux à ce que nous sommes et nous  autorise  désormais à  aborder différemment l’histoire du pays retrouvé, sans pour autant renier  un passé dont  nous devons être fiers.

Libre de pouvoir à tous moments retourner au bled et d’y être prodigieu-

        -sement acceuillis, une nouvelle et  dernière histoire d’amour est  peut

        être entrain de naître ou de renaître…peut être est ce toujours la même !

 

  ZYV

 

        « On ne fait pas l’histoire en emboitant le pas aux autres dans tous les                             sentiers battus, mais en ouvrant de nouveaux sentiers. »

 ( M.Bennabi.) 

 

        je vais vous livrer en vrac et dans le désordre tous les mots et les maux de mon enfance et de notre parlé qui est une sorte de créole prononcé avec un épouvantable accent qui horrible si on va à l’Ouest et effroyablement abominable en allant  vers l'est.
 

 

 

 

 

 Présentation

 

Ami lecteur, tu ordonneras dans l’ordre qui te convient  cette série de préambules. tant il est difficile d’aborder cette période et de raconter quelques anecdotes, même toutes simples, de la vie de cette catégorie de  gens simples à laquelle j'appartiens. 

 

Je n’ai pas réussi à concentrer sous un seul titre et dans un seul chapitre de présentation une entrée en matière digne de brosser clairement "le climat tumultueux et aux multiples facettes" des situations dans lesquelles nous évoluions tant les différences sociales étaient nombreuses et contradictoires.

 

J’ai longuement hésité avec de sous-titres sérieux…Introduction, prologue, notes de l’auteur, présentation, en guise d’avertissement, etc… et finalement comme la dérision l’emporte presque toujours au pays du soleil j’ai choisi la célèbre formule de Roland Bacri… Et Alors…et ouala !

 

 

 

 Et Alors !…et Oualà !

 

Un sac de nœuds bien de chez nous en guise d’entrée en matières qui je l’espère mettra en appétit les éventuels curieux. 

Qu’ils découvrent au travers de ces témoignages de vie, ce que fut la grande aventure des cinq générations des nôtres, ceux qu’on appelait jadis les petits blancs de Bab el Oued avant qu’ils ne deviennent selon Camus d’affreux colons « à cravaches, montés sur cadillach. »

 

Avec les arabes et les juifs, ils bâtirent et aimèrent  avec une égale passion leur terre natale qu’ils assimilaient naïvement à une France sans doute idéalisée et qui n’a peut être jamais existé.  

 

« Je ne prétends pas être toujours d’une objectivité  évidente mais « quand je vois ce que je vois et que  j’entends ce que j’entends, je suis content de penser ce que je pense. »

 Et alors…

J’ai décidé de vous parler de mon Algérie, de ce pays plein d’espérances où nous n’avons pas su trouver les solutions capables de nous préserver du drame de l’exil, du déracinement et de l’oublie. Sachant qu’il existe  autant d’Algéries que d’Algériens, Harkis, Juifs et Pieds noirs confondus, j’ai décidé de vous livrer des impressions personnelles qui depuis 50 ans ne cessent  d’évoluer.

 

Ces réflexions ne seront pas forcément du goût  de tous mes compatriotes,  qui suivant leur origine  réagiront différemment.  (Anciens colons, administrateurs civils ou militaires, descendants d’immigrants français, enfants de républicains espagnols ou pauvres hères du pourtour du bassin méditerranéen venus tenter l’aventure dans ce qu’ils croyaient être un El Dorado)

Ceux touchés par la guerre, le terrorisme aveugle ou la répression gaulliste  éprouveront évidemment, et on le comprend, des réticences à pouvoir pardonner.

D’où  la difficulté, depuis l’exode, d’accorder des points de vue très différents et de parvenir à  une quelconque possibilité de   nous entendre, de nous unir et d’afficher un front commun.

 

 

 

 

N’ayant jamais pu donner l’impression que nous représentions une identité, une culture ou une force régionale, notre histoire arrive aujourd'hui à sa fin... et le rideau ne tardera plus à tomber.

Tous  les « mansos » et les « fartasses » qui nous entourent, nous donnent trop souvent  de l’urticaire.
De  Benjamin  Stora  à  Bernard Henry Lévy  nous détenons la palme d’or de la connerie.
Difficile de faire pire depuis Busnach et Bacri !

 

Quand aux politicards et autres tripatouilleurs de l’Histoire, pseudos historiens patentés, menteurs, hypocrites et sournois troubadours, tous se retranchent avec trop d’ embrouilleurs  pas très honnêtes, de gauche comme de droite, derrière de prétendus suffrages leur donnant bonne conscience . Ils devraient s’apercevoir qu’en dehors de faire parti   d’une association de malfaiteurs du genre Ali Baba et les 40 voleurs, ils ne représentent qu’une corporation  d’arrivistes  dont le dénominateur commun est qu’ils ne respectent pas grand-chose, ni la parole donnée, ni même le camp auquel ils appartiennent…En un mot une bande de faux-culs.

 

Ceci dit, pour ôter toutes ambiguïtés qui pourraient  me faire  classer dans le camp  pas toujours  très délimité de l’apartheid et de la discrimination bien à la française, le vrai  pied noir qui continue de sommeiller en moi ne déteste nullement les « arabes »  surtout quand ils sont algériens, ne déteste pas (ou plus) non plus les « frangaouïs » car le mépris, depuis longtemps, a cédé la place à l’indifférence et facultativement ne considère pas non plus que l’œuvre de la France en Algérie a été complètement négative.

 

Quand aux juifs, me considérant « goï » par accident, il m’est difficile de ne pas les apprécier à leur juste valeur. Ma grand-mère maternelle, née Tudella  par sa mère…est bien trop compromettante "rhaïb" pour  m’autoriser à émettre une quelconque opinion qui  m’épinglerait sur la gandoura l’étiquette de «  sionistes », ce qui n’est pas le cas, même si je considère l’état d’Israël comme un exemple à l’échelon de la planète.

 

A ce jour, bien que la réalité historique  entache passablement la politique administrative et militaire de la France, des socialistes de l’époque et du régime gaullien en particulier,  je persiste à croire  qu’après avoir livré, clés en main un magnifique pays à une bande de brigands, nous n’avons aucune raison de faire acte de repentance, si ce n’est d’avoir quitté nos frères algériens avec qui nous avions beaucoup plus d’affinités qu’avec n’importe quel  bédouin du Cantal, de Moselle ou de Normandie. 

 

Aujourd’hui  la réalité est là. La France est appelée à s’orientaliser.
Plus personne ne peut plus nier qu’avec le temps la société française tendra de plus en plus à se métisser Ce qui pourra être une chance si la république ne se laisse pas déborder par la religion et s’oblige, pour mieux canaliser ses dérives inévitables, de rester en marge de celles ci.

 

Nous qui  possédons une double culture "franco- algérienne" pouvons affirmer sans nous tromper, connaissant mieux aujourd’hui l’état d’esprit fuyant de certains gaulois, que l’épreuve pour sauvegarder la République  sera rude, voir impossible.

Aujourd’hui la France  se trouve dans la merde et nous avec. Ce que la superbe intelligence du  dernier Badinguet de l’histoire n’avait pas prévu.

 

Demain, sans aucun doute, le suffrage démocratique accordera gain de cause à la majorité galopante d’une France métissée et dogmatique, qui avec  la clique d'imbéciles de gauche, bravitude et compagnie et une  majorité de « veaux » indifférents de droite,  fera progressivement   basculer l’ordre républicain dans une ambiance de souks  que Sarkozy et son successeur sont entrain  d'orchestrer.    Nous avons pu avoir une avant première  lors de la  prestation de Kadhafi devant une bande de matrones africaines invitées à venir cracher  dans la soupe.

 

Et si la France de Voltaire  se laisse dépasser par celle d’Ibn Khaldoun, à défaut de triomphalisme bien à la française, ils (les français) ne pourrons que se féliciter de s’être enrichis, faute de mieux, d’un  nouveau patrimoine, culturel, il va sans dire.
 

En attendant, les « souchiens », (comprenez les français de souche, à en croire   « la passionaria » des indigènes de la République), continuent de glorifier et d’encenser la mémoire du grand Charles, qui à l’inverse de celui de Poitiers, permettra d’ici peu non seulement  aux Lorrains qui se reconnaissent dans la célèbre marche, mais à tous « les hexagonaux », de changer leurs   sabots contre  des babouches. C’est d’ailleurs nettement plus pratique et plus confortable…

 

 

 

 

Polo mon fils viens que j’ te présente !

 

 

Polo, c’est le rôle de Robert Castel dans la famille Hernandez, c’est aussi le symbole du petit pied noir  pataouette, de la tchatche et d’un humour bien de chez nous qui aux moments les plus sombres de notre histoire nous a souvent permis de rire sur nous mêmes et de masquer nos sanglots.

C’est aussi l’histoire banalisée de la souffrance de nombreux adolescents qui n’eurent pas la chance de vivre l’époque  insouciante d’une jeunesse au soleil comme a  pu la vivre Albert Camus.

 

Polo, c’est un enfant de Bab el Oued comme il y en avait des centaines dans ce «  haut lieu de la colonisation ».

 

Cet enfant d’là bas, comme tous ses p’tits copains arabes, juifs où  comme lui d’origine incertaine, il était persuadé qu’ses ancêtres c’était Vincingétorix, depuis il a compris pourquoi qu’les français y z ‘avaient choisi le coq comme emblèmes…parceque c’est le seul animal qui continue de chanter avec les deux pieds dans la merde. Ça c’est une citation que sur la tête de ma mère, j’te jure qu’elle est pas de moi…et je le regrette !  

 

Son enfance ou plutôt son adolescence comme y disent les pédagogues, elle s’est passée dans une ambiance de guerre que l’habitude elle lui faisait plus faire enttention.

En Algérie, la terre elle tremblait souvent engloutissant des villes entières, mais c’était rien à côté du tremblement de terre gaulliste qui nous attendait et qui comme toutes les catastrophes naturelles qui respectent les lois de la probabilité, elles risquent de se reproduire, mais cette fois ci avec les pathos à la place des pieds noirs.

 

 

 

Avant qu’la chcoumoune elle nous  tombe sur la tête, Polo y grandissait dans une atmosphère de joies, d’espérances mais aussi de deuil, de peur et d’angoisse. A 16 ou 17 ans, Polo c’était déjà un homme. Un homme triste et révolté. Tu verras elle lui disait sa mère, avec l’âge tu changeras ! mais lui, Polo, y savait bien qu’il ne changerait jamais, non jamais. A 16 ou 17 ans, Polo, il est parti laissant derrière lui son Algérie d’enfant, ses p’tits copains de Bab el Oued, ceux là de l’été au cabanon, ceux là de son école qu’il aura vu en flammes avant de partir.

 

Pendant que ses copains pieds noirs, qui manifestaient déjà de nombreux symptômes d’amnésie, y découvraient dans les "bouffas" les mœurs faciles des filles de France, lui Polo, y s’acharnait à leur pourrir la vie en les harcelant  avec l’Union Française pour l’Amnistie. A cette époque plus de 4000 des nôtres croupissaient dans les prisons gaulliennes. Ils avaient remplacé dans les geôles du Pinochet des français les héros du FLN qu’on venait de libérer.

 

Quarante cinq ans après, grâce à Dieu, Polo comme Julio, y l’a pas changé. De son Algérie, de son quartier, de son cabanon, Polo dans son cœur il en fait un mausolée et dans sa tête il sait qu’un jour, avant de partir, il retournera vers cette terre et ses habitants qu’il n’a jamais oublié et pour laquelle, même si ça dérange encore quelques excités, il ressent un trop plein d’affection.

 

Alors Polo, en attendant y continue d’ouvrir sa grande gueule pour dire aux français de France et à tous les coulos qui z’ont pas envie de l’entendre, ce qu’il a sur l’estomac, sur le cœur et ailleurs.

Depuis 45 ans, il répète comme le petit chien de la voix de son maître que tous ces malheurs c’est à cause de ce grand fumier de Colombey que depuis qu’il est enterré là bas, y parait qu’l’herbe elle s’arrête plus de pousser. Polo, la France y peut pas s’la voir en peinture ni au naturel, à se demander si des fois il regrette pas d’être né dans une mechta.

 

Polo y va bientôt avoir 65 ans, cette France où il n’a jamais voté continue de lui donner de l’urticaire. Son rêve impossible c’est l’Algérie, une Algérie débarrassée de ces thermites et dont l’issue finale ne peut être que l’écroulement  de 50 ans de tricheries. Une Algérie qui ne demanderait plus de visas aux pieds noirs, une Algérie qui honorerait sans distinction tous ses morts, tous ses habitants.

Une Algérie qui par ses richesses reprendrait la place qui lui revient dans le monde…une Algérie presque française si tu préfères...

Mais Polo y sait très bien que cela n’est qu’un rêve…mais ce babao y continue toujours d’y croire.

 

Ses héros à Polo, c’était  pas Robin des bois ou Ivanhoé mais  tous ces officiers perdus, la plupart des patos qui avaient sacrifié leur vie et celles de leur familles pour le respect de la parole donnée, c’est aussi ceux tombés au fort d’Ivry ou de Vincennes ces petits matins froids de l’hiver  63…

 

Ses héros auraient pu être très certainement Ben Boulaïd ou Ben Medhi s’il avait été dans l’autre camp… ça… c’est plus  qu’une certitude !

Alors Polo, qui à cette époque en avait gros sur le cœur  fut volontaire, comme beaucoup de jeunes pieds noirs,  pour rejoindre les paras.

Même si la guerre d’Algérie était finie depuis  plus de deux  ans,  il désirait un peu comme une dette  franchir le cap de cette virile initiation qui le rapprocherait certainement des gens dont il se sentait solidaire.

  

 

 

Quand il fut breveté il fit saoir qu’il ne pouvait plus  porter cet uniforme avilissant et honteux, ni saluer ce drapeau, qui à ses yeux sera délavé, souillé à vie.   

 

Au 3ème RPIMA, un homme intelligent et certainement écoeuré ou simplement  pour ne pas s’attirer la foudre de la sécurité militaire, prit la décision de le faire muter dans le train, à Toul.  

 

Après plusieurs semaines de mises en scènes qu’ « il » croyait persuasives, un insignifiant   colonel  sans décorations, à qui Polo ne s’était pas privé de déballer son sac,  jugea qu’il était indésirable dans les rangs  de cette nouvelle armée française  que De Gaulle venait de  décimer.

Vraiment tous des falsos !

 

Lui Polo, fut certainement déçu, peut être même vexé de ne pas avoir été admis  dans les geôles de la république où tant de monde, la plupart des gens biens, croupissait.

Alors commença pour Polo une longue période de frustration  et ses pensées   voyageront pendant plusieurs années du côté de   Fresnes, de St Maurice l’Ardoise, la Santé ou  l’île de Ré.

 

Jusqu’en 1966 où l’amnistie  partielle fut déclarée,  la vie de Polo fut perturbée, c’est pourquoi quand Polo, aujourd’hui, y s’entend cette bande de mangeurs de merguez qui z’ avaient son âge à la même époque et qui songeaient plus à bringuer ou à se faire une carrière (souvent dans les rangs d’ administrations honteuses, armée, gendarmerie ou autres) il a encore souvent envie de dégueuler, de changer d’origine et même d’accent.

Mais ça, grâce à Dieu, ça c’est pas possible !

 

Cet enfant de Bab el Oued fut donc  contraint de ravaler sa peine et à s’assoire comme le dit si bien le poète arabe, au bord de la rivière pour voir passer les cadavres de ses ennemis.

Cinquante ans après, ils ne sont pas tous encore passés ! Mais Polo, il est patient.

Polo arrête, elle lui disait sa mère…tu vas encore nous faire remarquer !

 

Une chose était certaine, dans le cœur de cet écorché vif, brillait encore un résidu de quelque chose d’indéfinissable, qui au fil des années a pris forme pour devenir, un demi siècle après, un paisible sentiment  d’analyse.

En essayant souvent de se mettre dans la peau de ses adversaires, (pas les français, les arabes),  il  découvrira  que  l’autre camp  avait toutes les bonnes raisons du monde de se rebeller et si au lieu de s’appeler Polo il était né  Mustapha ou Omar, Polo serait certainement  devenu le roi des fellaghas.

Ca Polo, il l’a compris depuis longtemps…aujourd’hui c’est plus  qu’une certitude, et c’est aussi une sorte de « sésame » pour mieux comprendre et discerner son histoire.

 

Ce qui est sur aujourd’hui, c’est que Polo, malgré les méthodes barbares et inhumaines employées des deux côtés, respecte l’engagement des  deux camps.
En aucun cas il n’accordera la moindre circonstance atténuante  à ceux qui ont trahi ou renié leur parole, ni à ceux qui dans les deux, (puis les trois camps)     utilisèrent les méthodes   barbares  (dénoncées, sinon reconnues aujourd'hui) qui sacrifièrent de trop nombreux civils innocents.

 

  

 


 

 

 

                                              Et ouala !

 

On nous a enseigné que nos ancêtres étaient des gaulois et nous l’avons  cru !

Que nous étions des français à part entière…et nous l’avons cru !

Que la grandeur de la France était sans égale et que ce noble et beau pays, phare de l’humanité rayonnait sur la terre entière… nous l’avons cru !

Et puis… ce fut le chaos.

Aujourd’hui dans un discours communautariste de nombreux  et nouveaux français  voudraient officialiser en un héritage victimaire  des crimes souvent exagérés qu’ils souhaiteraient voir condamner selon les règles et les critères de notre époque.

 

Cette  attitude   audacieuse reprise en cœur par une presse à sensations, soutenue par des maîtres à penser  à l’esprit crasseux et appuyée par  d’opportunistes chasseurs de voix  n’a d’autres but que de raviver des souffrances et des haines  qui n’existaient peut être même pas à l’époque, et de préparer l’opinion publique (qui n’en a que faire) à d’autres réformes visant à reconnaître un intégrisme naissant.

 

Voila pourquoi il est primordial en ce qui concerne particulièrement l’Algérie, de bien définir des règles qui permettent un dialogue constructif  et honnête sur les bases d’un respect mutuel des mémoires.

Dans  les rapports entre les peuples pieds noirs et algériens, il semblerait que d’un commun  accord tacite les deux parties aient compris l’importance de cette règle  de ne pas déclancher un étalage morbide de bilans, comme par exemple le massacre de Sétif, où des assassinats aveugles et barbares  ont pu  aboutir à une répression du même type.

 

D’ailleurs  l’attitude récente des  autorités Algériennes  prouve qu’elles ne désirent pas entrer dans les détails sanglants qui endeuillèrent de nombreuses familles   qui n’avaient qu’une tare : être européens.

 

An nom de quoi les Algériens devraient s’excuser des crimes d’un Zirhout Youssef, un  illuminé sanguinaire  qui déclencha  aujourd’hui on le sait, cette manifestation dont les sinistres bilans  ne furent pas approuvés par la direction du FLN. 

Au nom de quoi les Pieds Noirs devraient s’excuser des ratissages et des corvées de bois dont ils n’étaient nullement responsables.

Au nom de quoi ces populations, dont le point commun est d’avoir été complètement terrorisées et manipulées, devraient s’excuser de crimes qu’elles n’ont pas commis.

 

De part et d’autres trop de dérapages sanglants  que tout le monde connaît et qu’il est inutile de maquiller avantageusement selon la cause, sont suffisamment connus pour que dans tous les camps, on puisse adopter un statu quo et laisser aux historiens le temps de replacer ces épisodes dans l’Histoire, selon le contexte de l’époque, en attendant qu’un jour l’ouverture des archives viennent infirmer ou confirmer ces évènements que l’on ne peut que regretter.

 

En conclusion, l’important est de  préserver  le devoir de mémoire car il est des évènements qu’il est important de ne pas oublier. Il est indispensable d’associer à ce devoir celui du recul et de l’apaisement des haines et des culpabilités. Oublions les dettes morales et les revanches, cessons de régler des comptes et d’étaler les bilans morbides qui ne débouchent que sur des impasses.

 

Il aura fallu 45 ans pour que s’officialise  la réconciliation   des deux peuples algériens et  Pieds Noirs et que les opinions publiques prennent conscience de l’importance de ces retrouvailles qui bousculent un temps soit peu les interprétations imaginaires et mensongères d’une presse qui depuis longtemps bafoue les règles de la partialité.

 

En dehors de quelques minorités qui alimentent de part et d’autre des fonds de commerce à consonances extrémistes et racistes, la grande majorité des concernés s’accordent à dire que le temps  du grand pardon  est arrivé.

 

Il serait temps que les états fassent les gestes qui apaiseraient et qui  permettraient une réconciliation définitive de tous les enfants d’Algérie, sans distinction aucune.

C’est en tous cas le vœux le plus cher de tous ceux qui aujourd’hui ont font l’effort de porter  un   regard différent sur l’autre rive et qui en retirent l’ultime satisfaction de  voir renforcer  une fraternité déjà existante. Ce  symbole indiscutable de fraternisation entre algérien et pieds noirs   pourraient devenir un exemple pour les relations  futures  franco algériennes.

 

Voilà pourquoi  l’heure n’est pas à la repentance. La colonisation à la française n'a en rien enfanté le « nazisme »  ni   le sous-développement actuel des anciennes colonies. Certains adeptes de la  théorie  de l’auto flagellation  utilisent le passé de la France à des fins  politiques ou idéologiques, allant jusqu’aux théories les plus osées, feignant de savoir que loin de remplir les caisses de l’Etat, les colonies se sont révélées de véritables tonneaux des Danaïdes. 

 

Que tous ceux qui soutenaient il y a un quart de siècle tous ces bâtisseurs de bagnes qui ont ensanglantés la planète et qui continuent dans quelques salons parisiens à la mode de dispenser le discours  flagellatoire de la repentance  trouvent un autre terrain de jeux.

Messieurs les accusateurs, «soixantuitards» attardés mus en révolutionnaires de salons, vous vouliez tuer la France…hé bien c’est peut être chose faite !

 

Ce nom qui jadis sonnait bien, vous l’avez terni, souillé, vandalisé ! A vous entendre le sang dégouline à toutes les pages de son histoire et vous avez fait des français, preuves à l’appui, le peuple le plus belliqueux de la terre.

 

Que ces turpitudes cessent ! Depuis 1968, vous avez pourri la France et si aujourd’hui vous faites rimer repentance et décadence, ne vous étonnez pas  que  demain vos enfants  basculent dans les extrêmes, si ce n’est déjà fait !  

Il est vrai que la France métissée de demain risque de devenir une bouée de sauvetage et peut être même le seul espoir de renouveau, à moins qu’un vieil atavisme renaissant prédispose  les quelques descendants de race gauloise à une chasse à  l’homme qui rappellerait des temps pas si lointains.

 

La France, disait le maréchal Juin en 1962,  «  est en état de péché mortel, »  l’heure du châtiment serait il  arrivé !...mais il ne franchira jamais le Rubicon !

 
 

 

 

 Marseille, il est 12h. 

 

La salle d’embarquements est  pleine « d’arabes »comme dirait ce raciste de H.

Valises, couffins et  djelabas, me voilà de suite plongé  dans l’ambiance.

Une atmosphère de pagaille et de souk bien de chez nous.

Bon Dieu que j’aime ça !

Ce brouhaha aux accents familiers, cette odeur de foule et derrière les baies vitrées ce bateau, qui à intervalles réguliers envoie, comme pour communiquer son impatience, des coups de corne.

L’aventure commence.

Dans un  état second, de bien être et d’excitation, je savoure cet instant qui est un véritable moment  de joie.

J’imagine que le kif doit produire à peu près les mêmes effets.

Le rêve prend forme. Je suis aux anges.

 

L’expérience de ce retour, je l’attendais depuis 44 ans avec une appréhension de tous les jours de ne jamais pouvoir le réaliser. Aujourd’hui c’est fait, je vais concrétiser ce rêve, retourner à Alger, à Bab el Oued, chez moi. 

 

Ce pèlerinage, je ne pouvais le faire qu’ en solitaire afin de ne pas me laisser distraire, convaincu qu’il laissera  un souvenir et des traces inoubliables. C’était déjà une première certitude.

 

J’ai écris ce  récit pour exprimer ma joie, ma satisfaction et mon enthousiasme d’avoir pu enfin retrouver  ma terre natale, mon bled. J’ai certainement vécu là les plus beaux jours de ma vie. Je souhaiterais que cette expérience décide bon nombre de mes compatriotes à franchir avec allégresse ce Rubicon qui n’est finalement qu’un tout petit ruisseau. J’ai aussi pensé que ce voyage  atténuerait  la sourde colère de l’exil, traînée depuis 1962 comme un vieux rhumatisme auquel on ne s’habitue vraiment jamais

Cette indisposante, contrariante et permanente « rabbia »   mêlée de rancunes, de parti pris et   quelques fois de haine, j’ai du progressivement  l’apprivoiser pour l’atténuer et la traduire, 44 ans après,  par  une attitude plus sage, pas forcement toujours domptée mais dénuée de toute rancoeur. Cela reste encore très  souvent pour ne pas dire toujours une épreuve que seule  une honnête analyse de notre histoire me permet de surmonter.

 

Quarante cinq ans de  recherches, de découvertes et de réflexion sur notre histoire, il faut le dire  méconnue, m’a permis de  comprendre et de vérifier des vérités qui forcement ne pouvaient que contrarier certaines versions stéréotypées de l’imagerie populaire de cette France de notre enfance qui nous avait habitués à auréoler de sainteté certaines méthodes coloniales. Naïveté ou mentalité et éducation d’une autre époque, certainement un peu des deux.

 

Certaines situations et particulièrement celles du statut capitaliste des quelques familles qui régentaient et se partageaient l’Algérie devaient influencer et modifier à  court terme, la version idyllique qu’on nous traçait de notre belle Algérie Française. Face à une gigantesque misère où le petit blanc émergeait péniblement, des milliers d’arabes subissaient l’arrogance d’une administration inadaptée qui ne fit qu’entretenir, raviver et déclancher une révolte  nationaliste jamais complètement éteinte.

 

Cette histoire  fut pour  bon nombre d’enfants de ce pays, qu’ils soient arabes, juifs ou européens, un épisode douloureux parsemé de choix, d’engagements et de   souffrances.

 

La France qui à aucun moment ne fut  digne et capable de  s’atteler au problème algérien laissa les situations empirer laissant à l’armée puis à des gouverneurs impuissants,  aux vagues notions administratives locales,  le soins d’ improviser une politique dictée ou supervisée par le grand colonnat. 

 

Cette  politique absurde de pourrissement servit de tremplin aux ambitions gaullistes et  se termina en guerre civile mettant au même banc des accusés  la nation ainsi que le peuple français largement compromis.

  

Je m’aperçois toujours avec stupeur que si  la haine a totalement disparue de mon discours pour tout ce qui concerne l’Algérie, ma rancune s’est à peine atténuée   quand il s’agit de comptes que la France doit encore nous rendre.

 

Il en est un pour qui mon ressentiment reste intact et ma haine toujours aussi   profonde : Charles de Gaulle.  Responsable d’un  désastre que la France a du mal à reconnaître…et pourtant !

Pour le reste, je crois  avoir réussi en partie ce difficile exercice  qui encore quelques fois continue de me  jouer des tours et de nuire à la bonne interprétation de la réalité historique. Je dois dire que certaines versions avancées  par  l’état Algériens encouragées par une incompréhensible gauche-caviar compliquent et faussent passablement le débat où l’élite pied noir est rarement la bienvenue.

Ce combat contre moi-même  que je continue de mener est  toujours une épreuve. Il constitue encore  souvent  pour  chacun d’entre nous  un difficile, voir insurmontable obstacle.

 

Cette objectivité à sens unique est quelquefois insupportable. D’où les ripostes et les dérapages de certains de nos amis  au sang chaud que l’on ne manque pas d’inviter   pour les jeter, après les avoir passablement  «  piqués et banderillés  », dans l’arène de certaines émissions télévisées, en exploitant systématiquement à leurs dépends, ce côté écorché vif qui les rend agressifs, donc vulnérables.

 

La Vérité n’est peut être pas toujours bonne à dire…mais rien ne nous empêche aujourd’hui en la découvrant de modifier  objectivement nos points de vues et d’adapter nos revendications.

 

 La somme des messages d’injures, d’insidieuses insinuations ou de reproches  accusateurs d’une minorité de mes compatriotes qui 50 ans après n’ont rien compris à notre histoire qu’ils refusent d’approfondir, prouve à quel point nous étions conditionnés et manipulés.

 

Ces « donneurs de leçons », ces  «  grandes gueules » bien de chez nous,  cocardiers souvent d’extrême droite aux relents racistes qui ne tolèrent pas qu’on puisse penser autrement,  en utilisant des méthodes  fascistes ou bolchéviques,  ont préféré s’enliser dans un débat politique qui ne les concerne plus et qui n’est plus le nôtre. Et cela, au détriment d’une union de la communauté pieds noirs. 

 

Cette minorité sectaire d’apprentis sorciers, loin de rallier la majorité de notre communauté, se contente de commémorer, d’inaugurer et de raviver des flammes qui ne font que nous faire cataloguer et montrer du doigt.

Le meurtre de Jacques Roseau  fut le point d’orgue de cette  mascarade organisée  où la bêtise, l’ignorance et  l’intolérance ont fait commettre à un pauvre type  le pire des crimes.

Quelques associations  de partisans de l’Algérie Française, se  réclamant légataires de la bonne cause affichent triomphalement des sentiments  et des attitudes qui en temps voulu n’ont pas portés ses fruits. Intransigeants, sectaires, racistes, s’inspirant d’un nationalisme dépassé, ils alimentent  une polémique que   certaines associations du type LDH exploitent habilement, consolidant un  travail de désinformation qui ne fait qu’ancrer un peu plus dans les esprits  que nous étions  le bras armé de la colonie.

 

Ce vacarme plus folklorique que réaliste, quand il ne prend pas des airs de tragédie,  ne fait que retarder les grandes revendications  que nous aurions du faire aboutir déjà depuis longtemps. Cette attitude qui fait désordre donne à nos adversaires, beaucoup plus doués que nous en communication, des occasions supplémentaires de  nous coller à la peau une réputation de braillards juste bons  à « bouffer du bougnoule ».

 

De victimes que nous étions, nous sommes devenus et restés des bourreaux. L’inacceptable pour nous est de toujours être montrés du doigt comme des  nostalgiques de l’OAS, bras armé des colons

 

Continuer de glorifier  cette époque et ce combat   dont les maigres   résultats seraient à taire, ne sert strictement  à rien ou qu’à nous faire remarquer inutilement.

D’ailleurs les quelques martyres que De Gaulle nous a donné et les quelques grands chefs militaires restants ont su garder jusqu’au bout une certaine réserve.  Il est à peu près sur que ceux tombés aux champs d’honneur dans le fossé de Vincennes n’approuveraient guère certaines prises de positions.                      
 

Nous avons été trahis par ceux que nous aimions, par l’amour d’une France  idéalisée et par celui que nous avions appelé pour  assurer nos destinées dans la solution la plus française. Avec les Harkis, nous restons l’un des épisodes les plus  honteux   de cette histoire. Nous avions là assez d’arguments pour nous faire entendre autrement qu’en vociférant sur de nombreux  chapitres hors sujet.

 

De l’avoir trop aimée, cette France nous a mené au désastre…   Alors ne vautil pas mieux nous confondre en d’abominables racistes !

C’est vrai que nous avons beaucoup contribué à développer cette image qui, malgré les apparences est bien loin de la réalité.

 

Ce qui suit sera peut être pour certain un mode d’emploi pour renouer d’une façon plus concrète et officielle la véritable relation qui a toujours existée entre le Pied Noir et le peuple Algérien.

 

 Pour quelques autres, une infime minorité en voie de disparition, un manuel de repentance, une attitude scélérate, un reniement.

 

A ces frères ennemis,  aveuglés de rancœur et de revanches, je dirai simplement qu’ils se trompent et qu’ils ratent certainement l’une des dernières occasions qui leur est offerte de connaître l’ultime joie   de renouer une relation « charnelle » avec leur terre natale.

Si certains ne peuvent  entreprendre une telle démarche, et cela  est fort compréhensible, qu’ils soient certains que tous ceux  qui optent pour un  retour et un rapprochement  vers leur terre natale le font d’une manière aussi sincère que spontanée et  qu’en aucun cas, ce geste ne peut être interprété comme un reniement.

 

Le temps et l’âge sont  en principe   générateurs d’apaisement. Après un demi siècle de mise en scène, de mensonges et d’interprétations falsifiées d’une histoire  certainement trop honteuse pour être entièrement dévoilée,  nous assistons à notre plus grand étonnement et sans que nous y soyons pour quelque chose, à  un phénomène nouveau  de  rapprochement, que nous devons de part et d’autre accepter et applaudir.

 

Les réalités quotidiennes et les évènements des 50 dernières années nous obligent des deux côtés des deux rives, à des constats catastrophiques qu’il serait indécent d’ignorer. Même si nous n’en parlons pas encore ouvertement, un accord tacite nous oblige à la réserve et je crois que pieds noirs et Algériens l’ont bien compris. Reste les discours officiels  de plus en plus bafoués par un nouveau public, tant algérien que français, curieux, avide d’informations et de vérité. 

 

Les pieds noirs, dans une grande majorité assoupie et parfaitement intégrée, ont vite été frappés d’amnésie. L’abandon moral et matériel de leurs cimetières en est la preuve la plus accablante. La diversité de  nos origines et des classes sociales  des  populations rassemblées par le statut de la nationalité n’a pas permis en 100 ans de créer un embryon communautaire capable de forger une identité nouvelle. Il nous aurait fallu encore une cinquantaine d’année et que les mentalités évoluent sur le modèle européen.  

 

En dehors  d’une minorité, la grande majorité des rapatriés d’Algérie, de retour sur le territoire national s’est   diluée et s’est installée dans  la société française, s’éparpillant suivant leur statut dans le  tissu social et politique français où l’anonymat, l’indifférence et l’égocentrisme priment tout autre sentiment.

Se souciant peu des affaires de la nation, ils  allaient  se reconstruire une nouvelle existence et pour certains atteindre un niveau de vie inespéré.

 

Classés comme d’ « inoffensifs ». citoyens  et jaugés d’entrée comme  peu dangereux par un  De Gaulle qui les avait parfaitement compris,   ils allaient  se fondre naturellement dans la société et l’électorat français.

 

Certains, aujourd’hui encore  feignent  d’être de bons français.  Peu d’entre eux persistent à croire   que les   « arabes » sont les véritables responsables de leur destin malheureux. 

N’ayant aucune stratégie revendicatrice, face à l’impardonnable  politique de la France en Algérie, occultée depuis 1962 par tous les gouvernements complices,  tous ont laissé faire.

 

La grande majorité  continue  de faire semblant et au fil du temps ne s’aperçoit même pas qu’elle est entrain de disparaître.

Déçus, trompés, trahis,  seul le côté matériel d’une intégration réussie semble les avoir motivés. Peut on aujourd’hui leur reprocher cette discrétion, ce vieux réflexe d’immigrés ?

 

Ayant fait aujourd’hui une parfaite démonstration de leur incapacité à s’unir, les pieds noirs doivent se résigner à disparaître. La seule consolation, pour une infime minorité d’entre eux,sera de laisser  quelques témoignages. 

 

 

 Une trace pour les historiens de demain qui pourront peut être mieux faire  que les auteurs  impartiaux qui remplissent  nos manuels d’histoire actuels de commentaires destinés à discréditer lamentablement  l’œuvre de la France.

 

 Algérien, Français, un peu des deux.  

 

Sur le pont supérieur du Tarik Ben Zyad, je tourne déjà le dos à cette France marâtre.  Il fait un temps de circonstance, un temps  maussade qui me rappelle ce   18 juin 1962  et l’accueil peu chaleureux de ces soit disant compatriotes français. 

Le bateau vibre de toute son âme, des remorqueurs s’approchent  pour l’éloigner du quai, quelques mouettes tournoient au dessus de la poupe, de l’autre côté à Alger les hirondelles ont du arriver. Le drapeau Algérien que je continue machinalement d’appeler le drapeau  « fellagha » claque au vent. Aujourd’hui il m’est autant indifférent que le drapeau français.

 

Détaché sentimentalement depuis fort longtemps  de tout ce qui se passe dans mon dos, je réalise une fois de plus  à quel point cette terre que  nous avons tant aimée par procuration m'est  étrangère.

 

Depuis 1962, refoulant instinctivement  tous liens affectifs me rattachant à cette France , qui n’a jamais  retrouvé la place qu’elle occupait jadis, j’ai le sentiment aujourd’hui  d’avoir définitivement opté pour une  identité nouvelle, celle avancée depuis presque un siècle par le cercle algérianiste. Personne, hélas ne   revendique cette formidable dénomination : Algérien d’expression française.

 

 Je ressens aujourd’hui  une fierté de  m’exprimer  en tant qu’algérien d’expression française. C’est le qualificatif que je revendique  car pour moi et bon nombre des miens, la France  nous a  abandonnée  un certain 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger.

Il y a   bien longtemps déjà, je  sus que si j’avais été Algérien musulman,  mon engagement eut été celui d’un nationaliste pur et dur.

Cinquante  ans après je ne peux que confirmer.

 

Notre fierté aidant, aurions nous pu supporter le carcan d’une domination quelconque ? 

Ce qui m’autorise aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais, à respecter les engagements  de ceux qui  avaient choisi  le parti  de la rébellion contre la France, qu’ils soient arabes ou français, FLN ou OAS.

 

Dommage qu’ils aient choisi d’exercer de part et d’autre une   violence  et une terreur extrême et raciste sur des minorités, mais dans le contexte de l’époque, avaient ils le choix ?

Un mort en complet veston vaut dix morts en tenue kaki. C’était la stratégie du pire, de la terreur et du sang.

Certains officiers perdus, ceux qu’on disait « malades de l’Indochine », dont je me sens   toujours un redevable héritier, avaient  manifesté, dès leur retour de captivité, ce même sentiment. Ils restaient la seule et unique chance de l’Algérie Française car ils avaient compris qu’il était préférable de creuser des puits plutôt que de ratisser et « napalmer » le djebel .

 

Le résultat de  cet immense gâchis qui débuta sous les lampions tricolores d’une France imaginaire, celle de notre enfance  et qui prit fin avec le massacre de la rue d’Isly et l’abandon des harkis,  m’amena rapidement au rejet définitif de  cette nation qui nous avait trompé  et qui continue toujours de «  montrer   la ligne droite  en empruntant les chemins les plus tortueux. »

Il me devint rapidement  de plus en plus difficile de supporter  cette nationalité française reconnue qu’épisodiquement en périodes électorales, de  supporter et de voir de nombreux « gogos » de chez nous, pourtant échaudés,  sombrer dans un  ridicule cocardier, caricaturant le célèbre dicton, cocu, battu et content.   

Evoluer dans cette France qui pue, qui ment, qui n’en finit pas de s’auto flageller, de se compromettre et de se renier,   fut longtemps   une épreuve  difficile dont me voilà aujourd’hui complètement  libéré.(ou presque).

 

Cette incontinence intellectuelle, pour le moins décadente et dégradante de la société française a longtemps contribué à entretenir  cette aversion et à obscurcir cette réalité typiquement française de glorifier, de collaborer et de traiter avec l'ennemi, avecl’antifrance.

 

Aujourd’hui, complètement  libéré de ce complexe, je dois avouer que je me fiche éperdument, complètement et sans aucun doute, du destin d’un pays qui fonce droit dans le mur,  espérant tout de même secrètement et naïvement qu’un homme providentiel vienne remettre les pendules à l’heure.

 

Depuis 2003, et comme je l’ai déjà dit, sans que nous y soyons pour quelque chose, nous constatons qu’un nouveau chapitre de notre histoire semble vouloir s’inscrire dans  le grand livre de l’Histoire. 

 

Si l’on en croit les signes de plus en plus affirmés des Algériens à notre égard, il semblerait  qu’une  grande majorité d’Algériens se réjouissent de nous recevoir  d’une manière chaleureuse et fraternelle, contrariant très ouvertement les discours et les opinions  diffamantes  de ceux qui depuis  cinquante ans, en France, nous brocardent.  

Ce phénomène de rapprochement  est  la plus belle réplique et un pied de nez formidable    à ceux qui  depuis trop longtemps nous calomnient. Dans cette France appelée à devenir une nation métissée les pieds noirs, complètement assimilés,  auraient pu  avoir un rôle important à tenir.

 

Cette   réconciliation entre Pieds Noirs et Algériens enfin reconnue est acceptée, comprise par tous, y compris depuis peu par l’hermétique public métropolitain, est en passe  de devenir un épisode reconnu  qui réhabilitera sans doutes après notre disparition,  notre statut de pieds noirs. 

 

Ce rapprochement permettra peut être aussi de sauvegarder tout un pan d’une histoire commune jusqu’ici méconnue et déformée. Il est surprenant de constater que les Algériens ne contestent pas, comme pourrait le faire croire le discours officiel, l’œuvre des pieds noirs en Algérie. Les attitudes agressives de leurs gouvernants ne cachent elles pas une tactique populiste qui permettrait de s’ancrer  davantage au pouvoir  afin de prolonger  encore pour un temps l’exploitation de la manne pétrolière.  Les années à venir seront certainement déterminantes.

 

Sans jamais perdre de vue  les réalités historiques qui de part et d’autre ont souvent été dramatiques et inexcusables, de par notre attachement viscéral à cette terre algérienne à laquelle nous continuons d’appartenir,   nous  aurions pu  espérer jouer un rôle charnière et devenir un véritable trait d’union, ô combien naturel, entre  deux peuples liés par le destin. C’est ce que pensent de plus en plus de nombreux compatriotes pieds noirs et algériens, peut être encore trop  traumatisés pour l’avouer.   

 

Cette attitude spontanément mais encore trop timidement  exprimée  permettrait peut être   de sortir de cet isolement où nous nous sommes volontairement cantonnés.  En acceptant de participer et de  rencontrer des hommes honnêtes et de bonne volonté animés de l’irrésistible envie de  reconstruire  tout un pan d’un passé   pas toujours condamnable, les pieds noirs et les Algériens inscriraient  d’une manière tout à fait surprenante quelques belles pages de leur histoire commune.

Nul ne peut plus ignorer aujourd’hui que la France   coloniale ne fut pas des plus tendres avec les Algériens. Le fut elle d’ailleurs avec nous ?

 

Les pieds noirs, du moins ceux qui le désirent, ont la chance de renaître grâce à l’affection et aux  signes chaleureux de reconnaissance que leur  prodiguent «  leurs frères de terre ». Ce que les médias, en France comme à Alger ne manquent pas de vulgariser.

 

En nous propulsant ainsi sur le devant de la scène, une occasion nouvelle de nous exprimer nous est offerte.  Espérons que les moins aveugles d’entre nous, sauront persuader les plus récalcitrants, d’abandonner ces attitudes  entêtées qui se traduisent trop souvent par des reactions réfractaires.

 

Une ère  nouvelle  de  compréhension instinctive entre Algériens de toutes origines et confessions confondues est entrain de prendre une forme inattendue. Ce phénomène  se traduit par des retours massifs de pieds noirs applaudis des deux côtés par les nouvelles générations et par une étonnante surprise des métropolitains qui ne soupçonnaient pas qu’une telle complicité puisse exister.

 

Le film indigène, véritable navet détonateur, a permis une réhabilitation fulgurante d’une page volontairement égarée de notre histoire.

Les vrais Algériens, les « accrochés du bled », c’est à dire ceux qui aiment par  dessus tout leur pays,  manifestent de plus en plus des besoins, des envies de se rencontrer, de se retrouver et de reconstruire au grand jour une amitié qui n’avait jamais vraiment disparue. Il suffit de lire le fabuleux roman de Yasmina Khadra pour s’en persuader.

 

 Aujourd’hui seulement, malgré une condescendance exagérée de la gauche à vouloir exhiber des béniouioui en complet veston afin de  récolter à tous prix des suffrages qui lui permettront un remise en selle, les derniers pieds noirs  commencent à découvrir que la gigantesque falsification de leur histoire commence à se fissurer.

 

 Mektoub…

                                                              

Indifférent  je regarde s’estomper ces côtes provençales  que j’ai pu tant de fois explorer à cheval dans ses moindres  sentiers et en bateau dans ses splendides calanques… Toute mon attention se porte désormais sur cette ligne d’horizon qui verra dans quelques heures  se dessiner  les premiers contours de ma terre natale.  

 

Cette Provence, que nous ne connaissions que par Fanny, Marius et Fernandel,  deviendra une terre  d’asile avec une consolation : la Méditerranée.  Des quinze années passées au pays de la bonne mère avec des souvenirs  que je n’arrive pas à classer dans ma mémoire comme bons ou mauvais. Tout un pan de vie qui mettra un terme  aux  belles pages d’une enfance algérienne mouvementée. J’aurais pu comme la grande majorité des jeunes de mon âge trouver de quoi  estomper cette immense peine,  rentrer dans le rang, m’adapter au train-train quotidien, effaçant d’un revers de  main dix sept  années d’une enfance agitée.   

 

Si comme la plupart de mes petits camarades frappés d’amnésie,  j’avais pu accéder à ce bonheur simple, il est à peu près certain que ma vie aurait pu avoir une toute autre trajectoire.  Rebelle, indocile, réfractaire et à la limite du subversif j’allais entamer une carrière d’emmerdeur et de grande gueule qui me fera  souvent du tort, accentuant ce sentiment d’injustice qui ne me quittera plus jamais.

  

Trois fois durant cette période, le destin   me  refusa ou me fit manquer ces rendez-vous.  C’était peut être écrit comme on dit chez nous.

 

La première fois, ce fut dans la Drôme où pour 735000 anciens francs je fus dissuadé par un père possessif  de ne pas acheter une magnifique bâtisse sur trois hectares de terrain en bordure de rivière. Pour le même prix j’achetais une Renault4L… Cette expérience m’appris que les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs. J’avais une vingtaine d’années et certainement pas assez de maturité pour affronter un père qui pensait avoir la science infuse comme c’était souvent le cas dans la tribu pied noir !

 

La deuxième fois je ratais l’achat d’un hameau dans le haut Gard, j’avais eu l’imprudence de faire visiter ce magnifique endroit à mon épouse un jour de canicule comme il en existe dans le Hoggar et exceptionnellement  tous les 10 ans dans cette région. Pour le même prix, vingt mille francs, j’achetais un voilier qui me permit de caboter pendant plusieurs années autour de Marseille.

 

La troisième fois une rencontre pleine de promesses,  comparable en tous points au fiasco algérien, allait contrarier une destinée dont je ne soupçonnais pas  les turbulences.

Celle avec qui je croyais finir ma vie allait quand même encombrer et troubler encore pendant  pas mal d’années, d’interminables nuits d’insomnies.  

Avec un fatalisme certainement atavique je dus convenir que je ne serais jamais ni gardien de chèvres dans la Drôme ou dans le Gard, ni  un homme normal   destiné  à vivre jusqu’à la fin avec  celle qui lui semblait prédestinée...

Restait-il d’autres raisons de s’enraciner dans un pays qui  m’apparaissait  de plus en plus hostile et terne ? Pas une seule.

 

La vie, simple en apparence est ainsi faite, le temps passe et  souvent  le dérisoire, l’égocentrisme ou  le besoin d’être reconnu empêchent les êtres humains d’accéder   aux petits bonheurs simples de la vie. Pour les uns ce sera l’égoïsme, pour d’autres l’ambition, pour d’autres encore l’intérêt ou la cupidité. Mêlez à tout cela un brin de snobisme, d’orgueil  et de prétentions et vous rendrez vite le monde impossible à vivre.

 

Triste bilan, triste monde me direz vous  dans lequel, en dehors des années difficiles mais heureuses de la guerre d’Algérie, rien ne vint vraiment   enluminer le traintrain quotidien  d’une vie  métropolitaine  condamnée à la grisaille. J'avais entammé le quart d'une vie en sachant qu'une vie aventureuse pouvait encore exister, même si...mais cela est une autre histoire.

  

 Constat.                                                                                  

Oui la torture a existée répondant aux attentats aveugles et largement médiatisés dans le monde.

Oui une répression aveugle a jeté les populations dans les bras du FLN.

Oui De Gaulle s’est servi de l’Algérie pour s’emparer du pouvoir et prendre  sa revanche sur les français, leur léguant à court terme un tribut de guerre à solder qui sera le métissage de la nation française.

Oui le grand colonat a toujours refusé toute émancipation des musulmans poussant les plus pacifiques à la révolte armée, oui des français de gauche ont influencé la dérive socialiste de l’Algérie, oui l’armée française avait réussi sur le terrain à isoler la rébellion et à rallier une grande partie de la population musulmane terrorisée par les deux camps.

Oui l’armée française a lâchement tiré dans le dos des pieds noirs qui manifestaient pacifiquement  le 26 mars rue d’Isly, oui la France s’est compromise en envoyant des brigades spéciales de barbouzes afin de creuser de plus en plus le fossé entre les deux communautés, oui il y a eu de part et d’autre des actes barbares entraînant une escalade de la violence, oui De Gaulle qui n’aimait ni les arabes, ni les pieds noirs, malgré « sa superbe intelligence » est le responsable de la plus grande tragédie du XXème siècle et de l’abandon des population musulmanes qui avaient cru en sa parole de ne jamais les abandonner.                          

Oui  il y a eu enfin, comme le souligne M’hammed Yazzid, figure historique du FLN, « usurpation de la souveraineté populaire au profit d’options populistes. «  Nous avions un système qui étouffait toute expression.  On a falsifié l'Histoire. On a inventé, afin de le gérer, un passé virtuel servant les intérêts de la clique au pouvoir. Ce système perdure. Ceux qui sont aujourd'hui à la tête de l'Etat et qui parlent de démocratie et de liberté d'expression ont toujours été contre les libertés. Avec le recul, je constate qu'en 1962 nous avons acquis une nationalité, mais pas le droit à l'exercice de la citoyenneté. » (Entretiens accordé au journal El Wattan) Oui enfin la France est la grande responsable de ce fiasco et de toutes les conséquences auxquelles elle doit faire face aujourd’hui.

Il serait temps que les yeux s’ouvrent et que les oreilles entendent.

Il serait temps que la France retrouve ce courage qui lui fait défaut depuis  cinquante ans et reconnaisse, comme elle l’a fait pour l’affaire Dreyfus ou le génocide juif, sa part de responsabilité dans le désastre algérien que le plus illustre des français a bâclé de la façon la plus inattendue. Aujourd’hui quelques historiens commencent timidement à reconnaître et à dénoncer le désastre gaullien. Nous ne doutons pas que l’Histoire  a commencé sa quête de Vérité  et que personne ne sortira grandi.

Quand aurons nous le courage de regarder en face une fois pour toutes tous les évènements de notre longue histoire et d’admettre d’une manière bilatérale que nous avons agi trop de fois comme des barbares. Ce jour là seulement français métropolitains et algériens pourront se regarder comme  se regardent peut être aujourd’hui certains pieds noirs et algériens.

La France est coupable envers les Algériens, nul ne peut le nier, coupable envers les pieds noirs et les harkis, nous n’avons plus à le démontrer, coupable envers les français métropolitains qui se retrouvent aujourd’hui confrontés à des problèmes d’intégration. En soutenant depuis l’indépendance des pouvoirs corrompus, la France a contribué à appauvrir le peuple algérien  à qui tous les espoirs auraient été permis s’ils ne s’étaient fait voler leur révolution. 
 
 

Du rêve à la réalité.

 Ce voyage, j’en ai longtemps rêvé. Une fois la décision prise un plaisir insatisfait me plongea pendant plusieurs mois dans des rêveries sans fin où je revenais sans cesse  sur tous les lieux de ma jeunesse. Un nombre incalculable d’images et de personnes complètement oubliées, sorties d’une mémoire presque intacte réapparaissent dans ces épisodes très embrouillés où curieusement   toute forme violence est gommée.

Je viens d’apprendre par un ami retrouvé, J.L Franceschi, que le Sport Nautique de la Pointe Pescade avait totalement disparu. Enorme déception car en rêve j’y étais retourné. Des flash, amusants ou tragi-comiques  me reviennent  constamment comme par exemple  l’aventure de  ce brave monsieur Torjman qui tenait un « rhanout » entre Belcourt et Hussein Dey et qui fut victime par trois fois de tentative d’assassinat. Il échappa par miracle à l’acharnement d’un fellagha certainement peu motivé ou aussi terrorisé que sa victime. La première fois, il fut légèrement atteint, la deuxième fois le pistolet du terroriste s’enraya et la troisième aucun projectile ne l’atteint sérieusement, provocant un départ paniqué et définitif en métropole.

Je me souviens également de cet instant épique qui se termina comme toujours à Bab el Oued par une franche rigolade, quand Monsieur Chouraki, un homme excessivement  distingué, (et oui il y en avait à Bab el Oued) avait ceinturé le terroriste qui venait d’assassiner un bachagha qui habitait rue Rochambeau. Cette  scène héroïque se passa  devant l’école Rochambeau, pratiquement sous le balcon des Chouraki qui habitaient au quatrième étage. Madame Chouraki qui avait assisté de son balcon à  l’intermède héroïque de son mari poussa un tel cri que son époux  perdit tous ses  moyens et laissa filer sa prise. Ce qui n’altéra en rien l’héroïsme de notre voisin et le respect que nous lui portions déjà. Souvent en rêve où pendant les nombreuses insomnies qui perturbent  ces nuits d’attente, les mêmes images ne cessent de revenir. La plus répétitive est toujours l’inévitable arrivée en bateau dans la rade d’Alger, le moment fatidique où je poserais le pied sur ce quai, sur cette terre cent fois, mille fois  bénie par nous tous.

La demande de visas est la première blessure infligée au revenant. Comment peut on remplir sans sourciller une demande d’autorisation de se rendre dans le lieu même de sa naissance, là où reposent plusieurs générations de nos parents. Même s’il est aujourd’hui indépendant, ce pays ne devrait pas nous faire sentir par cette mesure absurde que nous sommes étrangers ! Enfin, « Paris vaut bien une messe » et caparaçonné par 44 ans de tracasseries  franco-françaises, je me résous à ignorer ce détail. Après tout ne m’a-t-on pas demandé à l’ambassade de France à Tananarive de prouver ma nationalité française ! Ce qui déclencha une fureur qui abrégea considérablement la démarche.

A dix jours de mon départ, c’est drôle, je n’y pense plus du tout. Le visas que j’ai du envoyer de La Réunion à Paris  par la poste m’est revenu en règle, les places de bateau Marseille Alger sont arrivées, un information sur le site Mémoire d’Alger de Marc Morell m’a permis de rencontrer  Rachid Hamanni, aujourd’hui un fidèle ami, qui m’attend pour me véhiculer dans l’Algérois, l’hôtel El Kettani en bordure de Bab el Oued est réservé. Le compte à rebours a commencé, Alger m’attend, le grand moment est arrivé, j’ai un peu peur de mes émotions, moi qui  m’était toujours dit que  le jour où je reposerais le pied sur ma terre désormais Algérienne, je me baisserai à la manière du pape pour la baiser. Oserais je le faire ?

Aujourd’hui malgré une nostalgie toujours aussi vivante, mes sentiments à l’égard du pays sont inchangés.  Un mélange démesuré d’amour et de regrets. Comme  beaucoup de mes compatriotes, qui sans avoir vraiment tourné la page ou renié le passé, j’ai choisi de  m’engager dans un militantisme   plus discret  et combien plus réaliste, qui   illustre une autre facette beaucoup plus  ouverte et tolérante  de ce que la communauté pieds noirs la moins silencieuse a souvent l’habitude de montrer. 

Lassé  de voir « nos représentants » souvent autoproclamés    reprendre à leur compte ce qu’il n’est ni permis de dire ni de penser, simplement par respect pour nos compatriotes juifs et algériens, lassé de les voir  s’acharner sur des sujets qui ne les concernent pas, véhiculés par  des leaders d’extrême droite peu recommandables, lassé de devoir   constater que  ces hommes et ces femmes, pourtant mes compatriotes, presque toujours issus du petit peuple de Bab el Oued ou de Belcourt   continuent de proférer des discours   haineux et racistes, je préfère, après 50 ans d’un constats d’ inefficacité, choisir une autre voie, celle du rapprochement, de la compréhension, de la rencontre et du respect  mutuel. Et c’est vrai, ce n’est pas facile !

Nous sommes de plus en plus nombreux, de part et d’autre des deux rives, à penser qu’il est temps de  faire connaître et  d’exhiber les relations fraternelles qui existent depuis toujours entre tous les enfants d‘Algérie.  Nous  tenterons avec peu d’espoirs d’aboutissement,  d’être les précurseurs de futurs grands changements. Pieds noirs comme Algériens, souhaitons de toutes nos forces que cette ère nouvelle d’amitié et de respect, qui ouvrira peut être un jour les portes du grand pardon, ne sera pas balayée par l’extrémisme aveugle des deux camps.

Dans les deux camps, une minorité d’agités complètement dépassés continuent d’entretenir un état d’esprit revanchard et un climat malsain  de haine, occultant, camouflant et semblant totalement ignorer  les réelles relations d’amitiés qui les unissent. Ces visions à sens unique de l’histoire largement soutenue par une propagande souvent démesurée   ne trompe plus grand monde.                 Savoir, comprendre et  découvrir la Vérité jusqu’ici falsifiée d’un côté et souvent inventée de l’autre  devient une nécessité absolue. Un premier pas que Pieds Noirs et Algériens sont peut être prêts à franchir ensembles.

Comment peut on se tromper à ce point et ne pas tirer de  leçons du passé, de ces prises de positions qui, pour certains, depuis Susinni et Ortiz n’ont pas évoluées d’un pouce. Il faut admettre une fois pour toute que la  guerre d’Algérie est définitivement finie et cesser au nom des pieds noirs de proférer ce langage unique télécommandé par une idéologie d’extrême idiotie qui ne dépasse pas chez nous comme ailleurs les 5%  de la société. Alors comme je le demande souvent et le répète haut et fort dans toutes mes interventions associatives et autres :  «  Assez de discours anti sarrasins qui n’amènent rien de positif si ce n’est de raviver les haines et de nous faire passer pour des excités fascisants.  »

Cette opinion est celle de la grande majorité silencieuse qui en a « ras le bol » de ces discours « africaners » qui depuis 50 ans n’ont servi qu’à l’exclusion, qu’à la division, qu’à la haine et à l’oubli.  Nombreux sont ceux qui ont décidé de mettre un bémol à toutes ces aigreurs et d’avoir au-delà  de la « Tchatche », la difficile obstination de vouloir réhabiliter, dans le plus grand respect mutuel, la mémoire des deux peuples frères d’Algérie.

Ce voyage que j’ai souvent rêvé, maintenant est une réalité. Cette attirance pleine de craintes est contre balancée par les contacts d’amis algériens que je ne connais pas encore, mais qui par leurs nombreux messages me chavirent complètement. Le grand moment de franchir la méditerranée pour retrouver les odeurs, les jardins et les traces de quelques instants de ma jeunesse est tout près. Il me serait bien impossible maintenant d’y renoncer.

 

Ce retour sera celui des retrouvailles et d’une réconciliation officielle et définitive avec ceux que j’aime appeler mes frères de terre. Difficile combat  contre moi-même qui aura mis presque un demi siècle à mûrir.

Même si la réalité n’est pas au rendez vous ou à la mesure de mes rêves, ce voyage restera un grand moment que je ne serais pas prêt d’oublier. Je sais que ce pèlerinage sera empreint de tristesse, de déceptions, de colères peut être, de regrets mai aussi de joies. Je crois que la fraternité qui nous unit à ce peuple frère l’emportera et qu’au-delà de toutes les difficultés actuelles et officielles pour nous retrouver,  nous les enfants du bled, devons donner l’exemple de la grande réconciliation.

Allez « slama » je suis déjà parti, dans ma tête je suis déjà en Algérie !  Je dirais presque Merci mon dieu !

  

Les pages qui suivent, seront sans doute pour certains d’une banalité anodine,   une succession d’émotions qui ne seront  peut être pas partagées.

On est propriétaire de ses émotions et la question de les étaler  m’a souvent paru bien inutile. Si je la tente aujourd’hui, c’est sans doute involontairement pour me libérer d’un poids mais aussi   pour témoigner et  laisser  la traces de  certains faits divers, multipliés certainement des milliers de fois dans tous les coins de notre pays, qui pourront rappeler à nos enfants que nos aïeux étaient autre chose que ces colons misérables qui ont parfois existé et qui ont  mené l’Algérie à sa perte. 

 

 

Fin de la première partie. 

 

 

Commentaires

aurore le 11-04-2014 à 17:53:28
en espérant que le prochain gouvernement saura le faire prospérer et l'ouvrir démocratiquement.. c mon avis Clin doeil
mazagran le 11-04-2014 à 13:52:05
Miliana...C'est magnifique, surtout l'hiver. L'Algérie est le plus beau pays du monde.
aurore le 11-04-2014 à 12:23:56
je compte aussi connaitre le pays d'une partie de mes ancêtres, à Miliana plus exactement.. j'en ai trés envie
aurore le 11-04-2014 à 12:16:44
bienvenue sur VEF bonne continuation.